Agriculteurs : la Coordination rurale promet le "chaos" dans le Sud-Ouest
"C'est une question de survie" : des agriculteurs français ont installé leur campement près de la frontière espagnole, mardi 19 novembre, pour bloquer tous les camions allant vers la France et "tenir longtemps".
Gilets jaunes sur le dos, drapeaux de la même couleur estampillés “CR”, du nom du syndicat Coordination rurale, sur leurs véhicules, une centaine de manifestants a déboulé au péage du Boulou (sud) à la mi-journée pour barrer, dans le sens Espagne-France, le passage sur l’autoroute A9, un des principaux axes entre les deux pays.
Ce blocage s’inscrit dans le cadre de la mobilisation des agriculteurs français, moins d’un an après un mouvement de colère inédit dans les campagnes que la perspective d’un accord avec le Mercosur pourrait à nouveau embraser. La France, a reçu l’appui de l’Italie mais le chancelier allemand Olaf Scholz a réaffirmé que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur “devait enfin être bouclé”.
En quelques minutes, un long fichier de véhicules s’est formé et le trafic s’est complètement paralysé, créant au fil des heures un bouchon d’une quinzaine de kilomètres. “Le but c’est le blocage, on veut montrer ce qui se passerait s’il n’y avait plus d’agriculteurs”, a expliqué Philippe Maydat, président de section départementale de la Coordination rurale.
“Tenir longtemps”
Une fois le barrage en place, Serge Bousquet-Cassagne, figure de la CR et président de la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne (sud-ouest) venu pour donner un peu plus d’ampleur à ce coup d’éclat , a harangué ses troupes, les incitant à “tenir longtemps”.
“Vos frères d’armes sont dans l’attente de ce qui se passe ici, c’est le coeur de l’événement”, a-t-il lancé, alors que des mobilisations du syndicat se sont déployées devant de nombreuses préfectures ailleurs dans le paie.
Si le blocage se voulait “filtrant” à l’origine et devait laisser passer les voitures, les fichiers ininterrompues de poids lourds les ont empêchées de se frayer un chemin, tandis qu’en marge du barrage, certains agriculteurs ont vidé deux camions-citernes remplis de vin espagnol.
En installant les tables nécessaires au ravitaillement de la cohorte partie au petit matin de Béziers, Amédine Mas, 74 ans et viticultrice à la retraite, évoque “non pas une, mais des revendications” qui l’ont poussée à venir.
“Une pression écologique qui me sort par les oreilles”
Elle cite pêle-mêle “toute la partie administrative, de plus en plus gigantesque”, “le fait que les agriculteurs ne peuvent pas vivre ni de leur travail, ni de leurs terres“, “toutes les lois que Bruxelles nous impose avec une grosse pression écologique qui me sort par toutes les oreilles”, et “le fameux Mercosur”.
Le traité de libre-échange, en projet, entre l’Union européenne et des pays du Mercosur est un des éléments qui a ravi le feu agricole en cette fin d’automne. “Il faut durer le plus longtemps possible, pour faire pression sur nos gouvernants […] et sur ceux qui négocient le Mercosur, alors qu’il n’y a rien à négocier, c’est niet”, assène Serge Bousquet-Cassagne.
Parmi les bloqués, Manuel Serrano, 75 ans, prend son mal en patience, sur son trajet entre Valence en Espagne, et Valence, en France. Cet ancien agriculteur dit avoir “une légère idée” des raisons de la colère agricole qui a interrompu sa route, affirmant qu’“ils ne peuvent pas faire autrement”. “Les paysans français, comme espagnols, ne veulent pas de ce traité avec les pays sud-américains. Je le comprends parfaitement”, explique-t-il à l’AFP.
Bien réglé à une dizaine de kilomètres de la frontière espagnole, le syndicat entend faire durer son opération coup de poing, et en appelle, pour y parvenir, à ses “relais”, qui pourraient venir gonfler les rangs.