Culture & Loisirs — Montpellier

Alex Vizorek à Montpellier : "La mort, c'est une thématique difficile pour un spectacle d'humour"

Après son spectacle à succès sur l’art et ses loufoqueries, l’ancien humoriste de France Inter passé sur RTL vient pour la première fois à Montpellier avec une autre proposition incongrue, samedi 12 octobre, au Corum : rire de la mort avec son one-man-show “Ad vitam”. Attention, interview qui tue.

Question à deux balles pour commencer : est-ce qu’on peut rire de tout, y compris de la mort ?

On ne me l’a jamais posé [rires]. J’ai une réponse là-dessus parce que c’est celle de Desproges : on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. Moi, je pense qu’on peut rire de tout, mais pas n’importe comment. Plus le sujet est compliqué, plus il est dur. Quand je dis compliqué, ça peut être pour des raisons d’actualité, par exemple, ou évidentes, comme la mort. Avec des sujets comme ça, il faut travailler davantage parce qu’il ne faut pas laisser de doute sur le fait qu’on peut rigoler. Il ne faut pas qu’il y ait la moitié des gens qui soient choqués. On peut choquer des gens, ce n’est pas le problème, mais il ne faut pas que ce soit dû à un manque de travail. Quand les jeunes humoristes me disent que l’humour noir, c’est difficile, je dis que c’est difficile parce qu’il faut le travailler. Faire de l’humour sur le quotidien, sur le métro ou sur ses amours, c’est plus facile que de le faire sur la religion ou sur la sexualité, mais il faut travailler d’autant plus.

“Quand les jeunes humoristes me disent que l’humour noir, c’est difficile, je dis que c’est difficile parce qu’il faut le travailler.”

Il y a beaucoup d’aspirants humoristes en ce moment. Dès qu’on soulève une pierre, il y a un comique en dessous… 

[rires]  Moi, je trouve ça plutôt bien. Plus on est nombreux, plus le niveau monte, plus il faut être exigeant et plus le public vient nous voir. Je pense que ça ne peut être que bien. Maintenant, si on soulève une pierre, il n’y a pas toujours un bon humoriste en dessous… Mais il peut le devenir. Je crois que dans les années 70, tout le monde voulait faire partie d’un groupe de rock. Aujourd’hui, tout le monde veut faire humoriste. Et c’est encore plus facile au départ, c’est-à-dire qu’il ne faut même pas savoir jouer d’un instrument ou chanter correctement. Il faut juste savoir parler, ce qui est, normalement, à la portée de la plupart du monde. […] Je crois quand même qu’il y aura encore toujours l’écrémage entre les bons et les moins bons. Mais c’est super qu’il y ait des nouveaux qui arrivent et qui nous poussent.

Ce thème de la mort, vous l’avez choisie par pure provoc’ ou par intérêt ?

Sans doute un peu des deux. Enfin, pure provoc’, je ne sais pas. J’avais constaté, suite à mon premier spectacle [“Alex Vizorek est une œuvre d’art”, 2016], que les gens aimaient bien qu’il y ait une thématique. Donc, je me suis dit, pour le deuxième, je vais prendre une autre thématique. En réfléchissant, je  me suis dit : “Qu’est-ce qui pourrait être la thématique la plus difficile ? La mort, c’est vrai que c’est un peu une thématique difficile pour un spectacle d’humour. C’est un bon défi, allons-y, bossons.” Et puis, évidemment, on a tous un rapport particulier à la mort, certains sont moins angoissés que d’autres, mais on ne peut pas dire que ça nous est égal. Je trouvais que c’était intéressant de me confronter moi-même à mon rapport avec la mort.

Et quel est-il ?

Je pense assez détendu. Quand j’étais gamin, ça m’angoissait terriblement. Je crois que c’était dû au fait que j’estimais que j’avais encore énormément de choses à faire, à réussir, à exister. Aujourd’hui, je suis très épanoui dans ce que je fais, je suis très heureux de ce que j’ai déjà fait et je suis encore plus heureux de ce que je vais encore faire. Mais je me dis, si ça s’arrêtait aujourd’hui – ce que je n’espère vraiment pas – c’est déjà bien, je suis heureux, je suis déjà content. Si ça s’était arrêté à 22 ans, je n’aurais rien fait du tout et j’aurais trouvé ça extrêmement frustrant. D’où le plus grand apaisement.

Quelle est la façon la plus agréable de mourir, selon vous ?

L’extase, quand vous mourez pendant que vous faites l’amour.

 Et la plus conne ?

Alors là, chaque année, il y a un prix qui s’appelle le “Darwin Award” qui félicite la mort la plus conne. Je trouve le prix assez amusant. Je n’’en ai pas fait un sketch parce que mon ami Vérino l’avait déjà fait et c’est assez drôle. Mais évidemment qu’au fond, c’est plus pour les gens qui restent que c’est un problème parce que si vous mouriez de manière bête ou intelligente, le résultat est le même ; vous êtes mort.  Mais pour ceux qui restent, c’est sûr que de devoir assumer que son proche s’est décédé de manière complètement con, ça fait quand même quelque chose…

Ce spectacle est sorti à un moment où la mort était très présente dans notre quotidien avec le Covid et les chiffres…

C’était un concours de circonstances parce que je n’avais pas du tout choisi en fonction de ça. Et pour cause, je devais rentrer avec ce spectacle en mars 2020, au moment où le Covid est arrivé. J’ai donc eu le temps de le retravailler et de me reposer certaines questions. Mais dans l’absolu, je n’ai pas vraiment changé mon fusil d’épaule, ni la thématique. Et je n’ai pas fait une partie spéciale sur le Covid parce que je pense que les gens en avaient beaucoup entendu parler. J’étais presque inquiet qu’ils n’aient pas envie de venir voir mon spectacle sur cette thématique. Et en fait, assez vite, ça s’est avéré faux.

Par contre, vous faites une partie sur la petite mort et vous nous apprenez, par exemple, qu’on peut mettre les cendres d’un défunt dans un sextoy. Vous voulez finir comment, vous ?

Ça, c’est plutôt sympa. Si on me demande, si on m’accompagne au moment de décéder, j’accepterais très volontiers. Je trouve que c’est un beau prolongement moral de la vie. Mais j’avoue que c’est le seul truc que je n’ai pas fait, c’est de donner des consignes ou et réfléchir à une épitaphe. C’est rigolo parce que cette semaine, sur Twitter, il y a un mec qui, en dessous d’une de mes chroniques, a écrit : « C’est quand même plus drôle que Guillaume Meurice, mais pas de beaucoup » [rires]. Je me suis dit que ça ferait une merveilleuse épitaphe.

En parlant de Meurice, on peut rire de tout, y compris de la mort, mais apparemment on ne peut pas rire de Netanyahou sur France Inter. Quel regard portez-vous sur toute cette polémique ?

Je suis triste pour France Inter, parce que je pense qu’il y a eu bien pire pendant quelques années. Au moment où France Inter était au plus bas, on a fait parler de nous [la bande à Charline Vanhoenacker] et on a fait remonter [l’audience]. Enfin, je dis « on », c’est le travail de toute une équipe, mais on en faisait partie. Au moment où la station est remontée, on n’était pas aussi vigilants sur ce qu’on peut dire ou ce qu’on ne peut pas dire, mais bon, à l’époque aussi, c’était une autre direction. La station ne nous appartient pas. […] S’ils ont trouvé qu’on ne pouvait plus dire ce genre de choses, qu’ils n’ont pas couvert leurs humoristes, c’est ça que, quelque part, je leur reproche le plus. C’est pour ça que je suis parti d’ailleurs [il est arrivé à RTL en septembre 2023], je sentais qu’on était plus protégés.

“Quand on est humoriste, on n’est pas chirurgien cardiaque, donc on peut en rater une. Je ne défendrais pas avec les ongles la blague de Guillaume Meurice. Je ne l’aurais pas faite à ce moment-là, mais il l’a faite et il n’y a pas eu mort d’homme.”

Quand on nous a foutus le dimanche, je me suis dit qu’ils voulaient nous écarter. Dès qu’il y aura une connerie, ça leur sera utile. Et ça n’a pas manqué. J’aurais aimé avoir tort. Mais au fond, on a fait dix ans, on a eu la chance d’amuser le public, les gens nous en parlent presque avec émotion parfois. Ils rentraient de l’école et nous écoutaient. Franchement, j’estime que c’était des années super. Je suis parti, je pense, au bon moment. Il n’y a pas de doute.

Ensuite, sur le fond, quand on est humoriste, on n’est pas chirurgien cardiaque, donc on peut en rater une. Je ne défendrais pas avec les ongles la blague de Guillaume Meurice. Je ne l’aurais pas faite à ce moment-là, mais il l’a faite et il n’y a pas eu mort d’homme. Ce n’est pas à cause de lui la guerre au Moyen-Orient. C’est toujours un peu problématique d’accuser le thermomètre.

Changement d’ambiance radical entre France Inter et RTL. Vous avez ajusté votre humour ?

Je réponds toujours que je pense qu’à 80%, je fais le même travail, les mêmes blagues que j’aurais faites à France Inter. Il y a toujours 20% qui dépendent un peu de la table, de l’ambiance, et effectivement de la station. Sur RTL, on parle de foot et il y a une astrologue qui donne son avis le matin… Je peux faire des blagues de sport aussi, que je ne faisais pas trop parce que Charline [Vanhoenacker] était moins cliente que peuvent l’être mes copains de RTL. Sinon, en règle générale, je n’ai pas l’impression d’avoir changé mon fusil d’épaule.

 Pour terminer, est-ce que vous l’avez trouvé, la blague qui tue ?

Ah ! J’adorerais ! [rires] Ceci dit, les gens ne viendraient plus à mes spectacles s’ils n’en sortaient pas vivants. Normalement, ils vont sortir vivants et plutôt contents d’être venus samedi soir.

Propos recueillis par Cyril Durand

Samedi 12 octobre, 20 h, salle Pasteur, du Corum, à Montpellier. Tarifs de 36 à 45 €. Réservation ici.

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