Aniane, Montpellier : le "laborieux" combat d'une salariée pour être reconnue victime des pesticides
En 2016, après un énième été à pulvériser les vignes d'un "cocktail" de produits phytosanitaires, Gaëlle Galien tombe "KO". Cette salariée viticole héraultaise n'imaginait pas alors que son travail l'avait rendue malade, ni qu'elle allait devoir "batailler" longuement pour faire reconnaître un lien entre son cancer et les pesticides.
C’était un épandage “à la bonne franquette”
Avec “plus de quinze ans dans la viticulture”, dans l’Hérault, et une exposition, “de près ou de loin, à tout un tas de molécules”, l’ancienne salariée agricole pensait pourtant “cocher toutes les cases” de la maladie professionnelle.
“A mes débuts, comme ouvrière, je passais l’arsenic à la pompe à dos”, sans gants ni masque de protection, retrace Gaëlle Galien à l’AFP. Avec “souvent” du liquide qui lui “coulait dans le dos”, c’était un épandage “à la bonne franquette, en short et en tee-shirt”, ironise-t-elle.
Passée salariée viticole, et “tractoriste à plein temps”, elle traite chaque année les vignes à l’aide de “toute une collection de produits” phytosanitaires, une “période assez intense de pulvérisation qui va de fin avril à fin juillet”, détaille-t-elle.
“Cela a été un peu laborieux”, euphémise Gaëlle Galien
Début 2016, elle ressent “des migraines” et une baisse de forme. Mais “quand on travaille dans le monde agricole, on ne s’arrête pas. Je me disais ‘ça va passer, ça va passer’“. Sauf qu’après avoir “fait toute la saison en tirant sur la corde”, la salariée viticole “fait un gros malaise” et son médecin s’alarme.
Après toute “une panoplie d’examens”, le diagnostic tombe: Gaëlle Galien est atteinte d’un syndrome myéloprolifératif, un cancer du sang “qui évolue très lentement” et qui nécessite une chimiothérapie orale quotidienne.
La pathologie est inscrite au tableau des maladies professionnelles causées par l’utilisation de pesticides, un lien qu’elle ne fait absolument pas dans l’immédiat. “L’urgence, c’est de me soigner”, raconte la quadragénaire.
La première à la questionner sur une éventuelle exposition aux pesticides sera la Mutualité sociale agricole (MSA), le régime de protection sociale obligatoire des professionnelles de l’agriculture, affirme Gaëlle Galien.
“L’impression d’avoir 70 ans”
Mais quand elle formalise auprès de sa caisse de MSA une déclaration de maladie professionnelle, en 2017, la salarié essuie “un gentil refus” au motif qu’il ne peut être retenu un “lien certain et direct” de causalité entre son travail et sa pathologie. Ce qui la “fait bondir au plafond”. Elle ne “lâche pas” l’affaire et la porte devant la justice.
Au tribunal, après avoir cherché à obtenir, en vain, les listes de tous les produits chimiques auxquels elle a été exposée auprès de ses anciens employeurs, et avoir plaidé auprès de la MSA pour qu’ils obligent les domaines à lui fournir ces listes, Gaëlle Galien a “l’impression, enfin, d’être écoutée”. Le seul document dont elle peut se prévaloir est un rapport médical qui a pu remonter jusqu’à 39 produits phytosanitaires, “des molécules contenant du benzène”, précise-t-elle. Le tribunal judiciaire de Montpellier reconnaît en novembre 2021 le caractère professionnel de la maladie de Gaëlle Galien, une victoire toutefois au goût amer.
“Aujourd’hui, ma pathologie est soignée, mais imaginons que demain cela s’aggrave ou qu’une nouvelle maladie se déclenche à cause de tel ou tel produit, je n’ai aucun moyen de le savoir”, déplore l’ancienne salariée, “scandalisée” que ses ex-employeurs refusent toujours à ce jour de lui fournir les listes des produits utilisés.
Mise en inaptitude en 2017 et licenciée, Gaëlle Galien est “incapable de tenir un travail standard”, du fait de son traitement médicamenteux, de “migraines incessantes” et d’une “envie de vomir constante”. “Je ne peux plus rester exposée au soleil, faire des efforts soutenus, marcher longtemps. J’ai 45 ans et l’impression d’en avoir 70”, souffle-t-elle.