Anne Ferrer, DG du CHU de Montpellier : “Notre budget n’est pas à l’équilibre mais il est sain”
Directrice générale du CHU de Montpellier depuis avril 2023, Anne Ferrer a présenté ses vœux le mardi 21 janvier. Dans une interview à Hérault Tribune, elle revient sur les projets 2025 de l’établissement de près de 12 000 salariés, le plus gros employeur du département, sur le budget et les investissements du CHU et sur la situation aux urgences pendant le pic de l’épidémie de grippe.
Quels sont les gros projets qui vont aboutir en 2025 ?
À partir de mars, nous allons ouvrir le garage Smur et l’hélistation sera enfin disponible sur le site de Lapeyronie. C’est le premier projet qui concerne les patients du CHU car se garer sera simplifié grâce au nouveau parking. Ensuite, nos laboratoires disséminés un peu partout vont déménager dans le site unique de biologie à partir de mars pour une inauguration début avril. Le dernier étage avec le Centre de recherche et innovation en biologie santé (CRIBS) va accueillir tous nos partenaires dans le cadre de la MedVallée.
Et où en est la réhabilitation de Lapeyronie ?
On continue d’ouvrir mois après mois les différents étages de Lapeyronie que nous réhabilitons et qui sont rafraîchis avec des sanitaires et des chambres intégralement neufs. Des patientes sont déjà dans les lits du second étage. Actuellement, on rénove une aile double sur le tripode Nord ainsi que le niveau -1 pour avoir notre unité de chirurgie ambulatoire. Une fois sortis de ces travaux, on va pouvoir continuer l’extension des urgences qui va être très progressive, au fur et à mesure où l’on déplace les services les uns après les autres.
Et côté Saint-Éloi ?
On réhabilite le deuxième étage en 2025 pour y installer l’oncologie. Et puisque le laboratoire d’immunologie va partir dans le site unique de biologie, nous allons pouvoir le détruire et commencer les travaux pour le second parking silo de 300 places. C’est une très bonne nouvelle parce que c’est un site avec très peu d’espace de stationnement.
Quels sont les projets lancés en 2025 ?
On va lancer la maîtrise d’œuvre de l’extension de l’Institut de formation des infirmiers, les travaux de Balmès 2 pour la gérontologie ont commencé… Certes, on va avoir des baraques de chantier un peu partout mais ça fait vingt ans que tout le monde attend ça. Donc les nuisances temporaires des camions toupies et des grues vont vite passer.
Quel bilan dressez-vous de l’année 2024 en termes de fréquentation de l’hôpital et d’équilibre budgétaire ?
Nous avons eu une activité 2024 forte, avec +7% par rapport à 2023 en termes de séjours. En 2024, on sera entre 10 et 15 millions d’euros de déficit, contre 15 millions l’année dernière, sur un budget d’1,3 milliard. Donc on est clairement en mesure de financer nos investissements, de continuer à acheter des équipements biomédicaux et de recruter. Le budget du CHU n’est pas à l’équilibre mais il est sain.
Parmi les investissements, vous avez acquis des robots. Pourquoi c’est important ?
Nous n’avions qu’un seul robot un peu vieillissant pour tout le CHU. Maintenant, nous avons trois robots neufs de dernière génération, un pour la pédiatrie et la chirurgie gynécologique, un autre pour l’urologie et un robot pour l’ORL et le digestif sur le site de Saint-Éloi. On a une offre robotique qui fait que nous sommes le seul CHU qui se soit équipé de trois robots en un an cette année.
Est-ce que ce n’est pas un peu gadget et quelle est la plus-value pour les patients ?
Nous sommes un hôpital universitaire qui doit former les jeunes internes aux robots. Pour nos patients, être opéré sous robot permet d’avoir des incisions moins visibles et la qualité de récupération est meilleure pour les opérations de la prostate. Bien sûr, utiliser le robot coûte beaucoup plus cher. Mais ce n’est pas un gadget. Le but de l’hôpital n’est pas la marge pour la marge ni l’équilibre pour l’équilibre. Notre but c’est de pouvoir offrir ce qu’il faut pour les patients qui en ont besoin. On est un établissement hospitalo-universitaire, les robots et l’intelligence artificielle sont le futur de l’enseignement et des soins. Bien évidemment, si je n’avais pas fait ces investissements, je pense qu’on aurait un résultat plus proche de l’équilibre. Donc l’enjeu, c’est de pouvoir continuer à développer notre activité pour que ces investissements les amortissent.
Vous avez aussi parlé de transformer les pratiques avec plus d’ambulatoire. Pourquoi ?
Nous voulons prendre en charge les patients dans un hôtel hospitalier la veille et pouvoir les opérer en ambulatoire le lendemain pour qu’ils repartent le jour même. Ce qui va libérer des lits pour des patients qui pourront être pris en charge dans des services d’hospitalisation complète pour des prises en charge plus lourdes. Aujourd’hui, on n’a pas de secteur d’ambulatoire suffisamment proche de nos blocs opératoires pour pouvoir avoir un ambulatoire développé comme on le devrait. Donc il nous arrive encore d’avoir des patients qui sont dans des unités d’hospitalisation complètes alors qu’ils relèveraient plutôt d’hospitalisations ambulatoires. En optimisant l’ambulatoire, on prend en charge plus de patients et on réduit nos délais de prise en charge.
Pourquoi le nombre de lits diminue dans certains services, comme en chirurgie pédiatrique ?
Au total, on ne diminue pas le nombre de lits. En chirurgie pédiatrique, nous avons constaté que plus de prises en charge en ambulatoire doivent être faites, et non pas dans des lits d’hospitalisation complète. Il n’y a pas de diminution d’emplois ni de lits. Au contraire, au gré de notre schéma directeur immobilier, on étend nos murs pour créer des lits. Cette année, nous avons 30 millions d’euros de dépenses de personnel supplémentaires. On est dans une stratégie de transformation et je suis extrêmement exigeante : on cherche au maximum à trouver notre équilibre par le biais de mesures d’efficience en faisant de l’ambulatoire dans de l’ambulatoire, de la prise en charge complète dans des lits d’hospitalisation complète. Quand on a des créneaux de blocs opératoires, on fait attention à les utiliser à bon escient, on ne déborde pas.
La France fait face à un pic d’épidémie de grippe. Quelle est la situation des urgences ?
Elle reste tendue, des patients continuent d’arriver avec la grippe. Les passages soutenus aux urgences ont commencé à partir du 20 décembre jusqu’au 9 janvier. La période la plus compliquée a été du 2 au 8 janvier parce qu’on avait de plus en plus de personnes de plus de 75 ans qui avaient besoin de lits et on a engorgé la filière. Une période où beaucoup de médecins traitants étaient en vacances, tout comme les cliniques. Donc on était un peu seul pour hospitaliser les patients. D’habitude, on avait entre 20 et 30 patients de plus de 75 ans aux urgences et là on était monté jusqu’à 50 ou 60 patients. Au total en 2019, nous étions à 56 600 passages aux urgences. En 2024, on est à près de 58 500.
Est-ce qu’on est sorti de ce pic ?
On est progressivement en train d’en sortir. Pour cela, il faut se faire vacciner, respecter les gestes barrières et mettre un masque. Les personnes vaccinées ne se retrouvent pas aux urgences.
Qu’est ce qui a été mis en place concrètement dans les urgences ?
À très court terme, on a renforcé le personnel. On a aussi utilisé les box des urgences pédiatriques, qui ont aussi pris en charge les 15-18 ans. On a ouvert des lits dans les services de pneumologie, de médecine interne et de médecine vasculaire. À moyen terme, on a commencé à discuter avec l’ensemble de nos représentants médicaux capables d’armer des post-urgences médicales pour pouvoir créer 15 lits supplémentaires avant l’été. De la même manière, on implante en mars 2025 notre outil de hub management qui va aider les urgences avec des écrans où l’on pourra voir en temps réel où sont les lits disponibles, quels sont les patients programmés ou ceux qui sortent.
Que répondez-vous quand les syndicats font un signalement pour “danger grave et imminent” ?
Je n’ai pas reconnu le danger grave et imminent, qui est une procédure du code du travail précise qui indique qu’il faut immédiatement que ça s’arrête parce que le professionnel de santé est en danger dans ce qu’il fait. Les organisations syndicales et les équipes soignantes ont voulu nous alerter. Nous leur avons dit qu’on a entendu cette alerte mais que le format juridique utilisé n’est pas le bon. Mais que cette alerte, en revanche, était bien la bonne.