Anne Hidalgo : les priorités de la future candidate à l'élection présidentielle
Venue à Montpellier le mardi 7 septembre pour dialoguer avec les parlementaires socialistes réunis au Corum afin de préparer leur rentrée, Anne Hidalgo a été accueillie en future candidate. Elle a énoncé ses valeurs, répondu à des questions de société et fixé ses priorités.
Une annonce de candidature encore en attente
La maire de Paris Anne Hidalgo, dont la candidature ne laisse plus de place au doute, a indiqué à la presse, en présence de Michaël Delafosse, Carole Delga et des parlementaires socialistes Valérie Rabault et Patrick Kanner : “Je n’ai pas déclaré aujourd’hui ma candidature à l’élection présidentielle. N’y voyez aucune hésitation ni aucune coquetterie de ma part. Je voulais auparavant m’assurer auprès des parlementaires de gauche de la solidité des fondations de notre formation politique, de l’énergie, du dynamisme de notre formation, et du socle commun de nos valeurs : la République en partage, la transition écologique dans le respect du social, une vision de la place de notre pays au sein de l’Europe et du monde… Notre pays a besoin d’avoir des orientations, de retrouver son leadership. Il faudra faire des choix et les affirmer haut et fort lors du grand débat démocratique de la présidentielle”.
Anne Hidalgo peut se targuer d’être entourée d’une “équipe de France très large avec des gens qui agissent et savent de quoi ils parlent, qui sont connectés au monde réel. Cette nouvelle génération d’élus des territoires incarne la promesse républicaine. Ils sont toutes et tous issus de la classe moyenne, populaire, parfois même de l’immigration, et ont réussi grâce à l’école, à la traduction de la promesse républicaine”. Elle estime : “Des gens se reconnaissent en nous”.
Selon la candidate potentielle, “l’enjeu de la campagne présidentielle est celui de la réparation du lien entre les Français à travers la confrontation d’idées sans violence, dans un processus démocratique, dans le respect des adversaires et des partenaires”. Elle juge que “les Français ont besoin de retrouver la parole” et semble vouloir incarner cette parole, tout en étant à l’écoute de chacune et de chacun.
L’égalité républicaine débute à l’école
Anne Hidalgo a levé le voile sur l’un de ses chevaux de bataille pour la présidentielle : “Une des boussoles de mon cap est de rétablir l’égalité républicaine, la promesse que notre République fait à chacun de ses enfants, et qui est en panne depuis ces dernières années. Je suis née en Espagne d’un père électricien et d’une mère couturière, qui ont fui le franquisme et une situation économique catastrophique pour rejoindre la France. Mon histoire n’est pas exceptionnelle. Mais j’ai eu la chance de pouvoir me réaliser par l’école républicaine. Si j’arrivais maintenant dans les mêmes conditions en France, je n’aurais pas les mêmes chances qu’à l’époque”. L’élue défend également la laïcité, comme le fait régulièrement le maire et président de Montpellier Métropole, Michaël Delafosse.
Vote des jeunes dès 16 ans, alternance, revenu jeunes
Anne Hidalgo, on le sait, est de longue date favorable au vote à 16 ans. Selon elle, ce sujet est important car il vise à responsabiliser la jeunesse en lui disant : “tu vas décider qui va diriger ce pays”. Commencer à voter tôt peut aussi fidéliser les jeunes et éloigner le spectre de l’abstention. “Pour les responsables politiques, c’est une rupture avec le mépris envers les jeunes, qui sont peu considérés dans les politiques publiques car ils n’ont pas le droit de vote”. Anne Hidalgo se souvient : “J’avais proposé pour les Européennnes en 2019 une expérimentation cadrée sur le vote des jeunes, très bien préparée avec des proviseurs notamment. Malheureusement, elle a été rejetée par le ministre de l’Education nationale“.
“Il faut travailler pour la jeunesse, faire bouger bcp de choses du côté de l’école. Je suis pour la généralisation de l’alternance post-bac pour tous les jeunes afin d’établir au plus tôt le lien avec l’entreprise (les responsables du Medef sont d’accord avec cette idée). les jeunes ont ainsi rapidement un rapport avec le monde du travail”.
Consciente que les jeunes de familles populaires doivent souvent travailler pour financer leur logement quand ils veulent faire leurs études, Anne Hidalgo reconnaît que le travail est difficilement conciliable avec la réussite dans les études. Voilà pourquoi, selon elle, “Il faut aller vers le revenu jeunes”. La candidate potentielle veut également examiner la question de la santé pour la jeunesse.
L’emploi
“Le travail c’est le propre de l’être humain, sa capacité à transformer son environnement pour pouvoir vivre et faire vivre sa famille. C’est par le travail qu’on se réalise, qu’on a un sentiment de dignité, que l’on assoit son rapport aux autres, que l’on apporte sa contribution à la société”, estime Anne Hidalgo. S’adressant aux parlementaires, qui ont réalisé des travaux à ce propos, elle ajoute : “Le travail, vous l’avez appréhendé de façon intelligente et moderne, sans prôner retour en arrière, en affirmant qu’il ne faut pas enlever les protections du travail mais prendre acte du fait que l’activité humaine change (ubérisation, plateformes), qu’il y a du travail indépendant volontaire ou subi. En effet, il faut réfléchir aux nouvelles protections du travail 2.0 plutôt que supprimer les protections comme veulent le faire certains. En tant que décideurs de gauche, nous avons des propositions originales qui partent de la situation de désespoir générée par le chômage”.
Réaliser la transition écologique
Anne Hidalgo prévient : “Dans cette élection présidentielle, les responsable politiques parleront presque tous de l’importance du climat. Mais le candidat socialiste devra expliquer comment transformer notre économie pour réussir la transition écologique, il devra donner des solutions. Et cela ne pourra pas se faire au détriment des travailleurs. Il faudra mettre des moyens considérables, instaurer des accompagnements pour que l’économie, l’industrie et les travailleurs ne restent pas à quai. Pour accomplir la transition écologique dans notre pays, il ne doit pas y avoir de perdants, sinon cela générera des conflits et il sera impossible de faire la transition écologique”.
Elle reprend le slogan “Fin du monde, fin de mois, même combat”, ajoutant : “On ne peut pas faire de transition écologique sans faire de social, rien ne doit se faire au détriment des classes moyennes et des catégories populaires, car c’est toujours eux qui paient l’addition”. “Il ne doit pas y avoir de sacrifiés de la transition écologique”, selon elle.
Accentuer la décentralisation
Anne Hidalgo s’est prononcée en effet en faveur d’un système plus décentralisé dans lequel le président de la République prendrait des décisions en concertation avec les élus des territoires et les partenaires sociaux, et non plus de manière unilatérale. L’Assemblée nationale se verrait renforcée. Elle s’explique : “Ma parole n’est pas divine : le travail fait par les parlementaires socialistes lors de ces Journées parlementaires, par Idées en commun apporte un fond de valeurs communes pour apporter des solutions”.
“Certes, décentraliser coûte cher, mais il faut réengager la société française, qu’elle soit respectée, considérée, pas infantilisée par un pouvoir suprême détaché de tout qui déciderait de ce que nous allons manger, quand nous pourrons sortir et où nous pourrons partir en vacances. Les syndicats, les ONG, les entrepreneurs, la société civile, les partenaires sociaux doivent jouer un rôle actif, pas être dans l’attente d’une parole présidentielle”, selon elle.
La future candidate pense que le rapport aux territoires, aux villes, aux départements et aux régions passe par des réformes institutionnelles. “On est allés au bout du bout de nos finances locales (notamment avec la suppression de la taxe d’habitation, remplacée par une dotation de l’Etat selon son bon vouloir). C’est inacceptable. Ces cinq dernières années il y a eu une recentralisation. Aucun effort de l’Etat n’a concerné les territoires non-macronistes, qui ont ainsi été mis en difficulté. Dépendre du bon vouloir financier de l’exécutif national selon qu’on lui a prêté allégeance ou pas est inacceptable. Il faut refonder les finances locales, redonner de l’autonomie aux collectivités. C’est une question démocratique. Je compte sur l’expertise des groupes parlementaires pour aider à refonder ce système”, a asséné Anne Hidalgo.
Paris, France, même combat
Interrogée par un parlementaire au sujet de l’inconvénient que pourrait représenter son poste de maire de la capitale, Anne Hidalgo a rappelé que le peuple de Paris avait dû se battre lors de la Commune pour obtenir son indépendance et que Paris n’abrite pas uniquement les élites intellectuelles, mais aussi des catégories populaires. Il n’y aurait donc pas, selon elle, de clivage entre Paris et la province. “Le peuple de Paris a pris son indépendance, et à cause de cela, pendant cent ans, il n’a pas été autorisé à voter. Les Parisiens n’ont pu voter pour leur maire qu’à partir de 1977 ! Je suis l’émanation du peuple de Paris, pas dans l’attitude d’un ministre de Paris qui devrait rendre des comptes au gouvernement” a-t-elle répondu.
“Je me sens très à l’aise avec cette question parisienne, c’est plutôt un atout. En tant que candidate potentielle, avoir une expérience de gestion à cette échelle-là est un énorme avantage. Car dans les cinq ans qui viennent, il faudra éviter l’improvisation”, martèle Anne Hidalgo.
Relations avec l’Europe et le monde
Anne Hidalgo se dit “profondément européenne. L’Europe est notre espace commun ; c’est là qu’on doit travailler, définir notre place. Il faut aller vers une Europe de la défense. Il faut que cette Europe que l’on aime soit beaucoup plus respectueuse des citoyens et qu’elle accompagne non pas la centralisation des Etats mais le mouvement de décentralisation, de démocratisation, de reprise du pouvoir sur leur vie par les citoyens européens. La relation du couple franco-allemand doit être un moteur pour les autres Etats de l’Europe. Mais nous avons aussi d’autres alliés au sein de l’Europe. La question des valeurs qui nous constitue doit être posée de façon lucide”.
“La France doit regagner son leadership, retrouver la place qui était la sienne”, assure Anne Hidalgo, qui juge que la conférence de Glasgow sur le climat en novembre pourrait être une bonne occasion pour cela.
L’état d’esprit de la future candidate
Dans l’élection présidentielle de 2022, la gauche fait office de challenger, alors que tous les sondages prédisent un second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Anne Hidalgo ne semble pas abattue par ces sondages, rappelant que lors des municipales de Montpellier, Michaël Delafosse n’était crédité que de 8 % d’intentions de vote… or, il a remporté ces élections.
“Je ne me préoccupe pas des sondages. Etre en responsabilité politique n’est pas simple. On ne se lance pas seulement si l’on pense que l’on a des chances d’emporter une élection. J’ai des valeurs, des convictions. La situation actuelle ne va pas, la France d’Emmanuel Macron n’est pas au rendez-vous sur la jeunesse, l’école, les universités, le travail, l’économie, l’écologie, les institutions… Nous partons de cela, les parlementaires, les élus socialistes et moi. On ne peut rien faire en étant tout seul. Il faut s’unir, partager une vision, des objectifs, savoir où conduire le pays. Nous pouvons nous appuyer sur les expérimentations menées par nos élus locaux, comme l’instauration de la gratuité des transports à Montpellier, fabuleux outil pour le pouvoir d’achat de la population. Nous avons des convictions, de l’enthousiasme, de l’énergie, et envie de participer et de gagner ce combat démocratique pacifique et respectueux. Nous porterons haut et fort nos valeurs en nous appuyant sur des personnes de valeur. Nous sommes capables de révéler des propositions au pays, d’être en phase avec les attentes des Français, de les rassurer et les surprendre. Nous avons conscience des responsabilités qui sont les nôtres…”
Rien qu’à voir comment elle dirige Paris, elle sera incapable d’être présidente de la République mais elle n’est pas la seule dans ce cas, n’importe qui se présente aujourd’hui.