Société — Montpellier

Après avoir chuté de 10 mètres, un cordiste à la recherche de justice devant la cour d’appel de Montpellier 

En septembre 2015, Adrien chutait de dix mètres depuis un toit industriel dans le port de Sète. Près de dix ans plus tard, il est devant la cour d’appel de justice dans l’espoir de voir son statut de victime reconnu. Mais aussi pour porter la voix des victimes d'accidents du travail, trop nombreux dans sa profession.

Devant la cour d’appel de Montpellier, une petite dizaine de personnes s’est déplacée pour soutenir Adrien Santoluca. Le procès de l’ancien cordiste intérimaire de 38 ans, qui a fait une chute de dix mètres depuis un toit industriel du port de Sète, se tient enfin le lundi 6 janvier. Près de dix ans après l’accident.

Adrien a failli perdre la vie en 2015, nous sommes solidaires avec lui”, lance Grégory Molina, membre de l’association Cordistes en colère, cordistes solidaires qui l’accompagne dans ses démarches. “Le mode opératoire était inapplicable, c’était seulement une ligne pour dire que le risque de chute était pris en charge afin de rassurer les clients. Adrien n’a pas négligé les mesures de sécurité, il n’y en avait pas”, estime M. Molina. 

Un long combat judiciaire

Lors de cette chute de dix mètres, alors qu’il n’était pas attaché, Adrien Santoluca a le bassin en miettes, des contusions pulmonaires et des sections nerveuses touchées. Après des mois d’hôpital et de rééducation, il arrive finalement à remarcher, avec un léger boitillement qui se décèle à peine aujourd’hui. Mais le combat le plus long est le judiciaire. 

Car l’entreprise de travaux en hauteur Sud Acrobatic et son gérant avaient déjà été condamnés en première instance par le tribunal correctionnel de Montpellier pour avoir été responsables de ce terrible accident. Mais très rapidement, ils avaient fait appel en 2019, le procès reprenant alors à zéro.

Cela a mis six ans entre le délibéré de première instance et la date de la cour d’appel. Les délais sont très longs, voire abusifs. Lui, pendant ce temps, ne peut pas tourner la page”, dénonce M. Molina, lui-même cordiste. Après l’accident et sa rééducation, Adrien Santoluca a repris son travail de cordiste quelques années avant d’arrêter définitivement il y a deux ans. “Mon os a commencé à nécroser. Depuis, je suis en arrêt de travail et je touche des indemnités de 600 euros par mois”, explique-t-il.

Un combat collectif 

Mais pour Adrien Santoluca, ce procès n’est pas seulement un aboutissement personnel mais collectif. “Le problème n’est pas uniquement cette entreprise, il est structurel. Cela arrive souvent que les mesures de sécurité ne soient pas prises pour assurer de bonnes conditions de travail”, estime l’ancien cordiste. 

On est là pour essayer de porter la voix de ceux qui n’ont pas les moyens de dire non car les conditions de travail ne correspondent pas à leur contrat de travail. Des lois ne sont pas appliquées, c’est inacceptable. C’est une forme d’injustice et il faut que ça change”, continue-t-il. 

Solidarité entre cordistes

Le cas d’Adrien me pousse à ne pas avoir peur de dire non et de faire valoir le droit de retrait si les conditions de sécurité ne sont pas réunies”, témoigne Geoffroy Issocq, jeune cordiste qui sort à peine de formation qui s’est déplacé devant la cour d’appel de Montpellier pour lui apporter son soutien. “Lors de mon stage d’une semaine, j’ai été surpris de la réalité dès le premier jour par rapport à ce que j’ai appris en formation. Par exemple le fait d’avoir deux cordes pour la sécurité… rien n’était respecté”. 

Un constat que confirme Gregory Molina, de l’association des cordistes. “Son accident est représentatif et symptomatique des problématiques structurelle de notre profession où il y a une cascade de sous-traitance qui dilue les responsabilités et les informations de sécurité”, continue M. Molina, qui rappelle que le cordiste Mickaël Beccavin, lui aussi embauché par Sud Acrobatic, était même décédé en 2018 à Nîmes.

À cela s’ajoutent des contrats courts et précaires de travail, ou de l’intérim, qui font que les jeunes ont peur de perdre leur emploi”, continue le responsable associatif. Résultat : beaucoup continuent de travailler et n’exercent pas leur droit de retrait même quand les règles de sécurité ne sont pas respectées. “Les jeunes se retrouvent à accepter toutes les conditions de travail, que ce soit en termes de contrat mais surtout de sécurité”, regrette M. Molina, qui espère que le verdict incitera à des changements structurels dans la profession. 

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