Art Montpellier : l'avenir post-apo pop de Mathieu Lucas
Il est l’une des signatures marquantes de la scène artistique montpelliéraine. Artiste plasticien engagé, il se sert de ses toiles faites de déchets plastique pour lancer un message inquiétant dans une enveloppe stylisée : la fin du monde est proche. Ou pas loin. Réchauffement, pollution, disparition des espèces… Il y a une ombre au tableau, c’est sûr. En attendant, il invite le spectateur à prendre de la hauteur, au sens propre comme au figuré, sur un avenir post-apocalyptique peut-être pas si fictionnel.
Ses œuvres dessinent les contours d’un avenir aussi peu reluisant que fascinant. Jouant des angoisses de notre temps, Mathieu Lucas a l’art de mettre en scène les ravages de l’anthropocène dans une esthétique léchée et minutieuse aux accents acidulés, flirtant avec la pop culture. Difficile de ne pas penser aux espaces intergalactiques infinis et crus de Moebius devant les surfaces lisses de ses mers polluées. Ou aux brumeux capharnaüms post-apocalyptiques d’Enki Bilal devant ses compositions de techno-citées englouties.
“C’est l’expression de ce qui me travaille”
“C’est l’expression de ce qui me travaille”, explique l’homme à l’origine de ces tableaux au milieu de son atelier montpelliérain, dans les locaux de l’association Line Up. Pollution, extinction des espèces, réchauffement climatique… La tête comme le travail de Mathieu Lucas sont occupés par les sujets faisant de l’ombre à notre futur terrestre. “J’ai envie de traiter des enjeux actuels, de l’époque que l’on traverse”, explique ce père de 39 ans, bousculé par sa conscience écologique à la naissance de ses deux enfants, il y a quelques années. “Le fait d’avoir des enfants m’a questionné sur ce que l’on allait leur laisser.”
Résultat ? Des œuvres véhiculant un fort message écologique faites de zones industrielles inondées, de banquises morcelées ou de mers noyées de déchets plastiques dans lesquels surgissent des mammifères esseulés. Autant de paysages vus du ciel pensés comme des plans cinématographiques, à mi-chemin entre la BD, le dessin de presse et la sculpture. Des maquettes qui donnent à penser, confectionnées à partir de déchets plastiques, de peinture acrylique, de résine et de polyuréthane, entre autres. “Il y a toute la recherche graphique et technique qui me plaît, le côté ludique de la chose : récupérer des vieux jouets, des morceaux de plastique sur la plage, etc.”, explique l’artiste formé par le graphisme et le graffiti.
Foule sentimentale
Dans chacune d’elle, il place un ou des personnages en combinaison – “dans un style entre le chimique et le spatial” – modélisés puis imprimés en 3D à l’échelle 1/87. Des êtres parsemés au milieu de paysages ou de situations post-apocalyptiques aux couleurs pop. “Cela peut-être n’importe qui en dessous – homme, femme, vieillard… -, tout le monde peut s’identifier”, précise-t-il. Ces figurines se baladent ainsi d’un tableau à l’autre comme autant d’apparitions dans différentes saynètes, constituant au fil des tableaux de Mathieu Lucas, les chapitres d’une histoire science-fictionnelle cohérente (et un peu effrayante).
Deux lectures peuvent être faîtes de son travail : le première, la plus évidente, est celle du message écologique, l’autre, plus fine, porte le regard sur la solitude des Hommes, le rapport à l’autre, le délitement des relations sociales perdues dans les réseaux. “L’humain peut parfois se sentir seul face aux infos anxiogènes, seul dans la multitude”, indique-t-il.
“J’essaye de toujours mettre une touche d’optimisme”
Que l’on se rassure, tout n’est pas sombre dans l’avenir coloré des œuvres de Mathieu Lucas (ni dans sa tête). Ces personnages, d’ailleurs, sont porteurs d’un message d’espoir. “J’essaye de toujours mettre de l’humain et une touche d’optimisme dans mes tableaux”, dit-il. Et bien que l’utilisation de certains produits chimiques pour fabriquer ses compositions soit antinomique avec le message qu’elles véhiculent, il essaye de “minimiser [son] impact au maximum”.
Le fait même de recycler des déchets pour créer des œuvres d’art peut, en soi, être considéré comme un acte politique, voire philosophique. “C’est un éternel recommencement. C’est porteur d’une véritable réflexion, le recyclage.” Un enseignement qu’il tente de transmettre à ses enfants, à tel point qu’à présent, “le ramassage des déchets à remplacer le ramassage de coquillage sur la plage”. Une manière pour lui de leur dessiner un meilleur avenir.
Mathieu Lucas est représenté à la foire Art Montpellier, du 14 au 17 novembre 2024, par la galerie Nicolas-Xavier.