Art Montpellier : Philippe Loubat, "la vibration perpétuelle du monde"
Le peintre Philippe Loubat exposera à Art Montpellier, du 11 au 14 novembre, des tableaux tout juste sortis de son atelier, célébrant la fête et la joie de vivre. Interview de cet artiste qui excelle à retranscrire le mouvement de la vie…
La fête est à l’honneur dans votre nouvelle série…
Philippe Loubat : « Il ne s’agit pas à proprement parler d’une série. Ces nouvelles toiles résultent d’une envie de liberté dans la façon d’aborder chaque toile l’une après l’autre, sans même avoir l’idée de faire une série. Ces tableaux reflètent mon envie de transmettre de la légèreté, un esprit festif. J’ai le désir qu’ils soient des fenêtres sur des explosions de joie, qu’ils symbolisent le bonheur d’être ensemble. Ce sont des concentrés des plaisirs de la vie, loin des soucis. J’y mets l’accent sur l’importance des moments de réjouissance pour les êtres humains.
J’ai créé notamment un enchaînement de tableaux du même format (130 x 90 cm) pour que les spectateurs puissent s’immerger dans un univers de lumière, de fête (au bal, au cirque…), comme dans une bulle, différente à chaque fois.
Pour moi, la peinture est une façon de créer des spectacles visuels. Projeter une exposition et la mettre en place, c’est, au-delà de chaque toile, proposer un événement, comme un film ou une pièce de théâtre, afin que les gens se trouvent comme au cinéma. Ici, le film est axé sur les lumières de la nuit à travers le cirque, le bal musette, les ballons de M. Loyal… J’évoque la fête, certes, mais une fête à la Loubat, magique, irréelle, onirique. On y trouve des personnages improbables, comme un acrobate centaure, ou Pégase, le cheval ailé. La mythologie, thème qui me tient à cœur, vient s’y glisser. Il s’agit d’une fête qui dérape sur le rêve. Je représente aussi la joie née des moments de complicité, de partage. Je propose des instantanés de fêtes, sans justification, ni référence à l’actualité, dans une explosion de couleurs. J’insiste toujours sur la lumière dans mes toiles ; elles ont une présence lumineuse particulière. »
Vos tableaux récents sont comme des invitations au voyage…
Philippe Loubat : « Le voyage fait partie de la découverte de l’autre, des gens, de l’univers. Je suis assoiffé de découvertes, c’est l’un de mes carburants dans la vie. Souvent, mes personnages ne sont pas présentés de manière frontale, ils regardent ce qui se passe un peu plus loin, ils sont attirés par un ailleurs, une envie de voyager, un désir de découvertes. Deux de mes tableaux récents proposent des voyages aériens au-dessus de la cité, un autre montre un saxophoniste qui vole, et dans un autre, une femme papillon s’envole sur Pégase.
Autant que l’idée de voyage, je suggère une élévation. Alors que j’ai été un grand amoureux du format carré, j’avais envie de peindre sur des formats verticaux pour évoquer la verticalité, l’élévation, inciter les gens à prendre de la hauteur, comme mes personnages, légers, qui volettent. »
Les animaux (oiseaux, chevaux, chats) accompagnent souvent les humains dans vos œuvres…
Philippe Loubat : « Les oiseaux font partie de mon écriture : ils ponctuent mes tableaux de leur légèreté. Ils représentent pour moi la spiritualité et l’âme. Dans mes toiles récentes, il y a deux Pégase et un Centaure. Des chevaux, donc. Le cheval est un animal puissant et rond à la fois, fort et amical, empathique et fraternel, impressionnant et accueillant.
Mes chevaux sont très ancrés dans la mythologie. A travers mes toiles, j’insuffle ma propre mythologie, fortement influencée par la mythologie grecque. Le cheval est une porte d’entrée vers le rêve, dans ses multiples déclinaisons : licorne, centaure, pégase… Il revêt beaucoup de symboliques. Pégase représente la fusion entre le spirituel et la force. C’est un mélange entre la puissance masculine (il est très musclé), la grâce féminine (sa robe est luisante) et la spiritualité (les ailes suggèrent le côté spirituel de l’oiseau). Pégase est une fusion entre le premier élément symbolique de mes tableaux, l’oiseau, et le cheval, très présent également dans certaines de mes toiles. Il synthétise les deux éléments les plus importants de mon travail : la spiritualité et le Yin et le Yang (féminin-masculin).
Je représente très souvent des couples, qui matérialisent le Yin et le Yang. Pour moi, le couple est l’association des énergies masculine et féminine, l’harmonie totale, la fusion des deux énergies. Ma pratique du tai-chi m’influence peut-être dans ma façon de mettre enfin des mots sur la façon dont j’envisage le couple dans mes tableaux. »
Vous parliez de rondeur concernant le cheval. La rondeur règne dans beaucoup de vos toiles…
Philippe Loubat : « Effectivement, la rondeur se retrouve dans les lampions, la piste de cirque, les ballons, l’aile du papillon, le rond du saxophone et des touches, le cercle du mono-cycle… Elle symbolise l’énergie, l’univers. La piste de cirque est le centre de l’univers, le lieu où tout se passe. On a éclairé une vision de l’univers, le reste est sombre. Le cercle délimite l’univers connu ou imaginé. Le rond, c’est aussi l’harmonie et l’énergie dans les ballons, l’énergie bouillonnante de l’univers… »
Vos tableaux récents ont un petit côté rétro.
Philippe Loubat : « C’est vrai. La femme qui chevauche Pégase porte une tenue du XIXe ou du début du XXe siècle ; monsieur Loyal, avec sa redingote et son chapeau haut de forme démesurément long, pourrait venir tout droit du XIXe. Quant au bal musette des Amants de Saint-Jean, il fait très années 1930-40. Les personnages nés récemment sous mon pinceau sont des gens simples ou plus extravagants d’un autre siècle, comme il n’en existe plus à notre époque. Mes scènes de cirque sont moins axées sur les paillettes que sur le côté humain du cirque, plus naturel, vécu et fait avec le cœur, par et pour des gens simples. La magie émerge instantanément de leur passion pour ce milieu. »
La musique donne bien souvent le tempo à vos personnages…
Philippe Loubat : « La musique apporte un côté impromptu et spontané. La fête sans la musique n’est pas la fête, d’où l’accordéoniste, le violoniste et le saxophoniste que j’ai peints récemment. La musique fait le lien entre les êtres ; c’est une façon de communiquer plus pure car elle s’adresse au corps et à la vibration de la personne. Les vibrations m’importent beaucoup, j’y suis assez sensible. J’aime faire ressortir le côté vibratoire du monde dans mes tableaux. Entre mouvement et vibration, mes traits sont ondulatoires quand je peins la robe d’une femme, le tombé d’un vêtement sur une épaule, car je ressens les vibrations de ce qui m’entoure. J’ai envie de représenter le monde dans sa vibration perpétuelle… »
Ici où là, un petit cœur se cache parfois dans vos tableaux…
Philippe Loubat : « Cela m’amuse d’en glisser un de temps en temps, dans un tissu, une articulation. C’est en train de compléter mon écriture habituelle. Je dissimule un cœur quelque part, et chacun peut y mettre ce qu’il veut. L’idée est presque de travailler avec les images subliminales ; c’est encore mieux si le cœur qui fait vibrer la toile ne se voit pas au premier coup d’œil. Je suis fasciné depuis toujours par les images subliminales, et j’en inclus désormais dans mes tableaux. Ce sont des images bienveillantes, qui accompagnent les propriétaires de mes œuvres. Dissimuler des cœurs dans mes toiles, qu’on les voie ou non, fait partie de mon envie d’orienter l’évolution de notre humanité vers du positif, d’infléchir le mouvement du monde vers la beauté… »
Propos recueillis par Virginie MOREAU