Au tribunal judiciaire de Montpellier, la justice étouffe sous le poids des défis
“Un inventaire triste.” C’est ainsi que le procureur de la République de Montpellier, Fabrice Belargent, a qualifié le bilan de l’état de l’institution judiciaire en 2024, lors de la rentrée solennelle du tribunal judiciaire de Montpellier ce lundi 27 janvier.
Avec 18 magistrats au lieu des 31 nécessaires pour couvrir les besoins d’une population de près d’un million d’habitants, le tribunal est en situation de sous-effectif chronique. “Comment, avec un effectif quasiment constant depuis cinq ans, répondre aux besoins d’une justice au service d’une population qui croît de 10 000 habitants par an ?”, interroge la présidente Catherine Lelong.
Cette carence humaine a des conséquences directes : “des affaires qui auraient pu être élucidées sont classées faute de moyens suffisants”, déplore Fabrice Belargent.
Des efforts louables
Face à ces défis, Catherine Lelong a salué la persévérance des magistrats et des greffiers, qui maintiennent le fonctionnement de la justice malgré des conditions de travail éprouvantes : “Les chiffres ne traduisent pas toujours l’activité réelle d’une juridiction. Ce sont les hommes et les femmes qui font vivre la justice au quotidien, dans les moments heureux comme dans les épreuves.”
Elle a notamment mis en avant les progrès réalisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales, avec la mise en place de protocoles spécifiques et d’un comité de pilotage dédié. Elle a cependant alerté sur les retards accumulés dans plusieurs secteurs, particulièrement au pôle des affaires familiales et au pôle social, où “la charge de travail explose”. L’absentéisme des greffiers, “supérieur à la moyenne nationale”, aggrave encore la situation. “Une seule absence peut désorganiser un service entier, entraînant des retards dans les convocations et la notification des décisions”, explique-t-elle.
Un appel à l’Etat : des ressources, moins de lois
Pour 2025, la présidente du tribunal et le procureur appellent à des mesures concrètes pour renforcer la justice. “Le budget de la justice, en particulier celui relatif aux ressources humaines, doit être sanctuarisé”, plaide Catherine Lelong, espérant que l’assurance des moyens permettra l’obtention de forces vives.
Pour “décharger” les bras de l’institution, Fabrice Belargent milite à son tour pour plus de “mesure” en matière de législation. D’après lui, chaque année, de nouvelles lois viennent s’ajouter à un arsenal législatif déjà obèse. Cette inflation législative serait “un piège”, “une source d’asphyxie”, car elle disperserait les ressources et l’attention des juges. “Seules 200 incriminations sur 14 000 sont réellement utilisées par le parquet”, lance-t-il, dénonçant l’aberration du millefeuille législatif.
Face à cette surcharge, il insiste sur l’urgence d’une “hiérarchisation des priorités”, sur la nécessité de “concentrer les efforts sur les infractions graves, et non sur des délitements législatifs”. Dans un système déjà à bout de souffle, dit-il, “il est indispensable de se focaliser sur les affaires urgentes pour la société”.