Bassin de Thau, écologie : Laurence Magne, les actions engagées par Sète Agglopole et le Syndicat Mixte du Bassin de Thau
Laurence Magne est vice-présidente de Sète Agglopole Méditerranée, déléguée à l'économie circulaire et à la collecte, au traitement et à la valorisation des déchets. Elle siège également au Syndicat Mixte du Bassin de Thau. Échange avec une femme engagée.
La collecte et le traitement des déchets figurent parmi les compétences de l’Agglomération. Laurence Magne explique : « l’économie circulaire consiste à prendre le déchet comme une ressource, les circuits courts cherchent à réduire au maximum le nombre d’intermédiaires. Au début du tri des déchets, il y avait ‘peu de chose’ : le plastique, le papier. Au fur et à mesure sont arrivés les piles électriques, les médicaments… Maintenant, il y a 22 filières : pratiquement chaque chose que nous consommons de solide et durable fait l’objet d’une filière REP. Les prochaines seront le matériel de sport et la puériculture ». Les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) sont des dispositifs particuliers d’organisation de la prévention et de la gestion de déchets qui concernent certains types de produits.
C’est la loi Agec qui gère ces dispositifs « qui reposent sur le principe de responsabilité élargie du producteur, selon lequel les producteurs, c’est-à-dire les personnes responsables de la mise sur le marché de certains produits, peuvent être rendus responsables de financer ou d’organiser la prévention et la gestion des déchets issus de ces produits en fin de vie. Les producteurs choisissent généralement de s’organiser collectivement pour assurer ces obligations dans le cadre d’éco-organismes à but non lucratif, agréés par les pouvoirs publics ».
Un changement de paradigme économique
Laurence Magne trouve la situation particulièrement intéressante. Cela « change le paradigme économique. Beaucoup de matériel de sport – par exemple des haltères, des paniers de basket – vieillit dans les garages en ayant été peu utilisé. L’État a été très intelligent en la matière. Il y a une écotaxe là-dessus, donc on peut ramener ces objets en déchetterie et un éco-organisme va s’occuper de recycler. C’est financé au départ par l’achat du panier de basket. Tous les objets ont une capacité à être recyclés. La valeur d’achat du produit comporte une partie consacrée à son recyclage. » Tous les secteurs y arrivent petit à petit : « même dans le prix du chewing-gum, 2 centimes sont prévus pour son recyclage », précise l’élue.
Un lien fort entre le SMBT et l’Agglomération
L’élue se félicite de la complémentarité entre l’Agglomération et le SMBT. Pour elle, « le SMBT est le fouineur, il voit arriver les idées qui émergent, il peut les maturer, les tester. La collaboration est très efficace entre les deux structures. Le SMBT est un sas d’entrée et de distribution de ces idées de façon à ce que l’écosystème soit le plus alimenté en matière d’accompagnement pertinent et adapté, la recherche, le monde économique, les acteurs, les institutionnels… Le SMBT essaie d’avoir un langage commun avec ces porteurs de projets pour atterrir à l’échelle du bassin, avoir une capacité à publier son démonstrateur, en assurer une monstration, une pédagogie, une expérimentation et un retour d’usage sur l’innovation proposée ».
Un centre de tri interagglomérations
La famille des ‘encombrants’ ne trouve pas encore de solution. « On ne sait pas trop encore quoi en faire, mais au fil des années, cette famille voit le nombre de produits se réduire avec la création des filières REP », ajoute Laurence Magne. De plus en plus de matières sont valorisées, « ce qui nous oblige à avoir des centres de tri plus performants. Les 7 agglomérations de l’Ouest héraultais (le SICTOM de Pézenas Agde, SAM, la communauté d’Agglo Béziers Méditerranée, les Communautés de communes du Grand Orb, Sud Hérault et de la Domitienne et le Syndicat Centre Hérault) viennent de signer un partenariat pour construire ensemble un nouveau centre de tri qui permettra l’extension des consignes de tri. Une loi vertueuse nous oblige à partir de janvier 2023 à mettre dans le bac jaune les pots de compote ou couvercles de yaourts, un peu souillés par la nourriture et que nous ne pouvions pas mettre jusqu’à présent dans ce bac jaune. Nous trierons plus de matières. Ce centre sera installé à Saint-Thibéry. Nous réfléchissons à agrandir ou reconfigurer toutes nos déchetteries pour absorber le maximum de ces 22 filières REP ». Le budget tourne autour de 25 M€ HT.
La filière des coquilles d’huîtres
« Nous avons également investi dans des filières hors REP, dont par exemple la filière des coquilles d’huîtres. Nous avons en charge la collecte de ces coquilles au travers d’une délégation de service public qui va devenir un contrat de prestation. Le principe est de collecter les coquilles devant les mas conchylicoles, dans des casiers en plastique qui permettent l’évacuation de l’humidité. Ce sont essentiellement des coquilles issues du tri des cordes. Au début, on faisait une modeste valorisation de premier niveau. Pour entrer dans une démarche vertueuse et baisser le coût de ces collectes, nous travaillons avec les conchyliculteurs sur de nouvelles pistes de valorisation. Nous avons par exemple un débouché pour créer de l’alimentation animale ; les coquilles sont transportées en péniche jusqu’aux Pays-Bas pour nourrir les poules, qui ont besoin de calcium. Nous réfléchissons à lancer un fonds d’innovation avec Patrice Lafont, le président du Comité régional de conchyliculture de Méditerranée. Cela nous permettra d’aller plus loin, d’aller sur des matériaux plus nobles pour le bâtiment, l’architecture » détaille Laurence Magne. Des projets sont en cours sur de la porcelaine blanche : extraire la moelle des coquilles pour en faire un matériau luxueux, évalué à 2 ou 3 000€ le kilo pour des produits design vendus en magasins de luxe.
Autre usage des déchets de coquilles d’huîtres, l’entreprise Géocorail, qui « met en cage des déchets coquilliers, y adjoint une anode avec un courant faible. Cela permet la création d’un matériau qui ressemble à une tranche de falaise avec des effets et des coloris différents. Cette matière, moins costaud que le béton, mais très costaud quand même, peut être découpée en différentes formes. C’est totalement biosourcé : c’est élevé, développé et structuré dans son milieu naturel. La densité est moins élevée que celle du béton mais sa résistance aux contraintes de l’univers marin est plus performante, la ressource vient de cet univers : on remet des morceaux de coquillages là d’où ils viennent. L’effet d’usure est moindre qu’avec du béton que l’on mettrait dans l’eau de mer. On est sur du local par excellence, car les coquilles d’huîtres sont réimplantées quasiment à l’endroit où elles ont été prélevées », précise l’élue.
Une station d’épuration extrêmement moderne
La station d’épuration (Step) est équipée d’une technologie membrane, « choix qui n’était pas si courant lorsqu’il a été fait. C’est la meilleure technologie pour filtrer les eaux usées. Nous arrivons aujourd’hui à sortir des eaux de qualité ‘eau de baignade’. Nous fournissons de l’eau qui vient de la Step à certains industriels. Nous fournissons également de la vapeur d’eau qui vient du centre d’incinération des ordures. Ce centre va devenir une unité de valorisation énergétique ». Il s’agit d’une écologie industrielle de territoire, « une sorte d’allégorie du circuit court appliquée à l’échelle industrielle », annonce l’élue.
Une filière industrielle à créer
Laurence Magne constate : « il reste à créer une filière industrielle, un écosystème local capable d’aller jusqu’au bout du process de transformation de la matière. Prenons l’exemple de Colas. L’entreprise implantée ici a broyé les coquilles ici. Les premiers démonstrateurs ont été implantés sur le port de Sète et l’entreprise a réalisé un bout de piste cyclable avec le Département. Là, nous sommes sur une très belle boucle locale et industrielle. Nous avons d’autres idées. Par exemple équiper les foyers vivant en maison de composteurs pour transformer les déchets alimentaires en compost. En un an, sur le territoire de Sète Agglopole Méditerranée, nous sommes passés en taux d’équipement pour les foyers individuels de 22 à 30 % entre 2020 en 2021 ; notre objectif est d’arriver à 50 %. Nous allons d’ailleurs fabriquer ces composteurs avec le bois qui nous est ramené en déchetterie. » Les initiatives de la collectivité comportent également des aspects de formation et d’insertion professionnelle « afin de créer des techniciens de haute intelligence et de grande envie dans le domaine de l’économie circulaire. »
À Sète, un centre de tri urbain en centre-ville
Dans les halles de Sète et le centre-ville, 2 000 tonnes de déchets non triés sont collectées chaque année. Un centre de tri urbain est en projet : « nous trierons les déchets selon 9 flux différents. Ce sera autant de ressources. Nous passerons de zéro tri à un tri multiple ; le biodéchet comme les palettes, chacun aura sa valorisation. Un des objectifs par exemple serait de créer du compost avec les biodéchets mis dans un digesteur à une échéance d’un mois, là où le composteur met un an à le faire. Ce compost pourrait être utilisé immédiatement par le service vert de la ville », s’enthousiasme Laurence Magne.