Béziers : LabEquipement dépoussière l'inutilisé et le transforme en opportunité
À chaque problème, sa solution. Et pour Kader Sirat, fondateur et dirigeant de LabEquipement, la réponse se trouve dans le réemploi.
C’est un fait : les équipements scientifiques coûtent une petite fortune. Et quand un laboratoire renouvelle son matériel, les anciens appareils finissent dans des remises poussiéreuses. C’est en observant cette impasse que Kader Sirat a eu une révélation : pourquoi ne pas donner une seconde vie à ces instruments, souvent encore parfaitement fonctionnels ? En avril 2019, il se lance dans l’aventure avec LabEquipement, une start-up qui transforme ce problème en opportunité. Et cinq ans après son lancement, la société a reçu en octobre dernier le trophée “Être” du Prix de la TPE 2024.
Les déchets, trésors des labos ?
L’idée prend forme dans l’esprit de Kader Sirat alors qu’il travaille sur des projets scientifiques au sein d’un grand groupe nucléaire. Lorsqu’une crise financière impose une série de restrictions budgétaires, le laboratoire dans lequel il est employé, axé sur l’hydrogène, se retrouve avec plus d’un million d’euros d’équipements inutilisés. “Ce marché souffre de l’absence de réemploi systématique. Les équipements sont souvent relégués à un rôle de déchet électronique, sans possibilité de valorisation. En l’absence d’une solution, j’ai décidé de créer LabEquipement”, explique-t-il.
Ainsi, son constat se transforme rapidement en projet concret : récupérer les équipements inutilisés pour offrir une alternative viable aux laboratoires et aux petites structures à la recherche de solutions économiques. Et, d’après l’entrepreneur, le marché du réemploi dans le secteur scientifique présente un potentiel immense : “Chaque année, près d’un milliard d’euros sont investis dans des équipements scientifiques en France. Environ 30 à 40 millions d’euros de ce montant pourraient être alloués au réemploi. Mais aujourd’hui, ce secteur n’atteint même pas les 10 millions d’euros.” Depuis février 2024, c’est au sein du parc d’activité économique (PAE) de Mercorent, à deux pas de son incubateur, Innovosud, que la société tente de répondre à ce besoin.
De A à Z
Avec LabEquipement, les équipements des laboratoires, des universités, des centres de recherche, et tant d’autres voient donc leur espérance de vie se prolonger, avant même que la poussière ne se dépose sur eux. La méthode est simple : “Nous pouvons être sollicités par des laboratoires qui souhaitent se séparer de leur matériel, ou bien nous pouvons prendre l’initiative de les contacter, explique le dirigeant. Puis, nous venons évaluer l’équipement, soit sur place, soit à distance. Nous leur proposons ensuite de récupérer le matériel, de le conditionner pour le transport, de le rapatrier chez nous et de le tester.” Ensuite, les équipements collectés gagnent les paillasses : “Lorsqu’un produit arrive, l’objectif est de vérifier s’il répond bien à ce pour quoi il est conçu, témoigne Yohann Lerouge, technicien labo. C’est important de s’assurer que le produit n’a pas perdu de sa valeur avec l’usure, comme une voiture qui a beaucoup de kilomètres.” Dans un futur proche, le laboratoire de LabEquipement permettra aux clients de venir directement tester le matériel sur place. “Si nous arrivons à obtenir des financements, nous aimerions l’inaugurer dès l’année prochaine”, confie Kader Sirat.
Mais alors, que se passe-t-il quand l’équipement ne répond pas aux normes exigées ? La benne ? Non. Ici aussi, la start-up sait que la poubelle de quelqu’un est le trésor d’une autre personne. Et les pièces détachées, difficilement trouvables, sont de ceux qui apportent une vraie plus-value. “Quand l’équipement présente une erreur trop importante, il peut finir en pièces, ce qui permet de revaloriser le matériel et de prolonger la vie d’autres produits, ajoute-t-il. Nous souhaitons développer cette partie de notre activité pour qu’elle serve au mieux nos clients”.
Un marché à enjeux
Pour LabEquipement, l’enjeu est donc multiple. Pour les petites et moyennes entreprises, souvent avec des budgets serrés, il s’agit d’adopter une solution plus durable, avec “des produits à 40% du prix équivalent neuf”. Tandis que pour les grands groupes comme Sanofi ou Pierre Fabre, l’objectif est de limiter l’impact environnemental tout en réduisant le montant des investissements de renouvellement. “La communauté scientifique locale est accueillante. Elle comprend notre approche et l’alternative complémentaire qu’on peut leur apporter. Un peu comme dans le secteur automobile : une voiture d’occasion peut parfaitement remplir sa mission pour un usage quotidien, mais dans des contextes plus exigeants, du matériel neuf est indispensable”, commente-t-il.
Bien que le réemploi gagne du terrain, la structuration de cette filière reste un défi de taille. “Il n’y a pas de chaîne bien établie pour récupérer et revaloriser ces équipements”, remarque le dirigeant. Et pour évoluer, la jeune entreprise a besoin de moyens. “Nous avons identifié un marché, mais pour y répondre, nous devons grandir et c’est un cercle vicieux : nous avons besoin d’investir pour répondre à la demande, mais pour investir, il nous faut des financements.” Aujourd’hui, c’est vers la BPI, l’ADEME et les acteurs régionaux que Kader Sirat se tourne.
Car, malgré les embûches, les projets de LabEquipement se multiplient. En 2025, la société prévoit de renforcer sa présence, notamment en région. “Nous réfléchissons à des partenariats plutôt qu’à des contrats classiques, ce qui permettrait d’établir une relation plus régulière avec nos fournisseurs,” explique Kader Sirat. À court terme, “l’objectif poursuivi est de constituer une équipe de 10 à 15 personnes d’ici trois ans”, en fonction des financements obtenus. “Comme un avion en phase de décollage, nous devons consommer beaucoup pour aller de l’avant. Mais une fois cette étape franchie, nous espérons atteindre un régime de croisière”.