Béziers : l’école Cime Art fait son cinéma
La semaine dernière, Cime Art Béziers a inauguré son nouveau campus, en présence de Robert Ménard. L'arrivée d'Ubisoft en 2025 ouvre de nouvelles perspectives professionnelles pour les jeunes Biterrois. Pierre Soulié, directeur de l'école, est revenu sur les évolutions des métiers de l'image.
On parle souvent du parcours des élèves, mais quel est le vôtre ?
Pierre Soulié : Je fais partie d’une génération où il n’y avait pas toutes ces écoles. J’ai étudié aux beaux-arts, car j’étais passionné par le cinéma et les effets spéciaux. Par la suite, je me suis spécialisé en storyboard et illustration. J’ai notamment travaillé pour Disneyland Paris à sa création. Après un retour à Béziers, j’ai enseigné 5 ans à l’IUT avant de fonder l’école Cime Art. C’était un challenge, en 2015, de créer une école d’animation et de jeux vidéo à Béziers, une ville qui n’est pas forcément réputée dans l’enseignement supérieur des métiers de l’image. La première promotion accueillait 17 étudiants. Depuis, l’école a bien grandi. Cette année, elle en reçoit 110, et ce seront 140 à la rentrée prochaine.
Infographie, direction artistique, développement… Comment regrouper des compétences distinctes dans une formation généraliste ?
PS : Nous sommes face à des industries qui évoluent rapidement. L’industrie du jeu vidéo par exemple, est en train d’absorber l’industrie du cinéma d’animation en termes d’outils de travail, donc il y a énormément de passerelles pédagogiques dans la formation. C’est-à-dire que la formation à la conception graphique d’un jeu vidéo diffère peu de celle d’un film d’animation, mis à part quelques blocs de compétences. Mais les fondamentaux sont les mêmes. D’ailleurs, beaucoup de professionnels basculent d’une industrie à l’autre dans leur carrière.
Malgré tout, il y a des parcours d’études spécifiques selon le type de métier ?
PS : Je préfère parler de profils, ce qui permet de dire que chacun a sa place. Et il y en a trois. D’abord, des profils créatifs et artistiques, qui aiment dessiner et créer des univers 2D/3D, qui vont plutôt se tourner vers l’infographie. Ensuite, il y a des profils créatifs, qui ont beaucoup d’idées, mais sans compétences en dessin ou en graphisme. Donc ils vont plutôt aller vers le game design, qui englobe toute la réflexion scénaristique et mécanique autour du jeu. Enfin, le dernier profil, ce sont les “techniciens”. Des étudiants plutôt axés sur la programmation, et qui vont s’occuper du développement informatique des moteurs de jeu. En tout cas, quel que soit le profil, on recherche avant tout des gens passionnés, qu’ils soient néo-bacheliers ou en poste depuis plusieurs années.
Cette formation privée est-elle accessible à tous ? Comment les étudiants financent-ils leurs études ?
PS : A la rentrée prochaine, l’école proposera l’alternance dès la deuxième année. Les étudiants en première année ou en formation initiale optent principalement pour des prêts étudiants. Donc évidemment, il y a une forme de sélection, il ne faut pas se leurrer, je ne suis pas là pour faire croire que tout le monde peut y accéder. Il y a ce problème financier qui est réel. Malheureusement, en France, les écoles privées ont les contraintes de l’éducation nationale, sans les avantages. Il faudrait que cela change pour pouvoir aider les élèves en difficulté financière. En tout cas, même si l’alternance ne couvrira pas l’intégralité du parcours, elle permettra de financer deux années d’études sur trois.
Les nouveaux studios Ubisoft qui s’installent à Béziers en 2025 devraient offrir plus d’opportunités ?
PS : C’est une chance pour le Biterrois et pour les jeunes. Nous travaillons déjà beaucoup avec les studios Ubisoft de Montpellier, que ce soit au niveau des stages ou des emplois. Donc il y a déjà cette relation privilégiée avec eux, et ça sera un tremplin supplémentaire.
Y’at-il un avenir pour le jeu vidéo dans l’enseignement public ?
PS : De manière générale, et ce n’est pas pour critiquer mais pour avoir travaillé dans l’enseignement public, il y a une forme de sclérose, des difficultés à évoluer vers des formations en adéquation avec la réalité économique. Mais je suis persuadé qu’on va trouver de plus en plus de formations dans le secteur du cinéma d’animation, des jeux vidéo, de l’e-sport ou de l’IA, qui vont s’imposer peu à peu, et j’imagine qu’on pourra en retrouver certaines dans l’enseignement public, d’ici quelques années.