Béziers : subventions massives, Code du sport, rachat, la Chambre régionale des comptes passe la gestion de l’ASBH au crible
Le célèbre club de rugby de l'Association Sportive Béziers Hérault (ASBH) est de nouveau au centre de l'attention, mais cette fois, ce n'est pas pour ses performances sportives.
La Chambre régionale des comptes d’Occitanie (CRC) a publié le mardi 1ᵉʳ octobre un rapport détaillé sur la gestion financière du club sur la période 2018-2023, et les conclusions sont sans appel. L’audit met en lumière une situation économique fragile et une dépendance préoccupante aux financements publics…
Déficit chronique et subventions massives
L’une des principales critiques soulevées par la CRC concerne l’ampleur du soutien financier apporté par la Ville de Béziers à l’ASBH. Plus de 7,1 millions d’euros ont été injectés dans le club au cours des cinq dernières années, dont 4,8 millions provenant directement des caisses municipales. Ce montant inclut des subventions exceptionnelles de 1,25 million d’euros, octroyées pour maintenir à flot la Société Anonyme Sportive Professionnelle (SASP) du club. Problème : ces aides ne sont pas prévues par le Code du sport, ce qui interpelle sur leur légitimité.
Le soutien de la municipalité ne s’arrête pas là. L’entretien du stade Raoul Barrière, où évolue le club, est également à la charge des contribuables. Un exemple marquant : la remise en état de la pelouse, qui a coûté pas moins d’un million d’euros. Si la CRC reconnaît que les plafonds réglementaires de financement public n’ont pas été dépassés, elle s’interroge néanmoins sur l’intérêt général d’une telle mobilisation de fonds. En d’autres termes, à quel point ces dépenses sont-elles réellement justifiables au regard des bénéfices pour la collectivité ?
Malgré ces apports considérables, les finances du club restent dans le rouge. La section professionnelle, la SASP, présente un déficit structurel persistant. Même l’entrée de nouveaux actionnaires, dont une société coopérative soutenue à hauteur de 700 000 euros par la ville, n’a pas suffi à redresser la barre. Pour la Chambre, le modèle économique semble inadapté aux exigences financières du haut niveau, et ce, malgré les efforts déployés pour réduire les coûts.
L’association en charge des équipes amateurs n’est pas non plus épargnée par les difficultés. L’augmentation des coûts salariaux et la mise en place d’un projet de campus coûteux ont mis à mal ses finances, un nouveau point de tension sur l’équilibre budgétaire déjà fragile du club.
Un rachat pour sauver les meubles, mais jusqu’à quand ?
En 2021, l’ASBH était au bord de la rétrogradation administrative à cause de sa mauvaise santé financière. Pour éviter la catastrophe, Robert Ménard, le maire de Béziers, a pris une décision osée : racheter le club, expliquant que c’était le seul moyen pour la ville de contrôler l’utilisation des fonds publics. Ce rachat, présenté à l’époque comme temporaire, devait permettre à la municipalité de stabiliser la situation dans l’attente d’un repreneur privé. Près de quatre ans plus tard, les subventions ont continué de combler l’absence d’investisseurs.
Face aux critiques, Robert Ménard n’a jamais manqué d’arguments pour défendre sa politique de soutien au club. Selon lui, l’ASBH n’est pas seulement un acteur sportif, mais aussi un moteur social majeur. Le club, dit-il, joue un rôle essentiel dans la formation et l’insertion des jeunes, des missions que la ville se doit de soutenir. Il insiste aussi sur les résultats sportifs du club, rappelant que l’ASBH a bien failli monter en Top 14 lors de la dernière saison, un signe de sa compétitivité sur le plan sportif.
Quant à l’accusation selon laquelle cet engagement en faveur du rugby se ferait au détriment des autres sports, Robert Ménard est catégorique : cela n’impacte en rien les subventions accordées aux autres disciplines. Le volley, la gymnastique ou encore le baseball continuent de recevoir un soutien financier équitable, assure-t-il.
Vers une gestion plus rigoureuse ?
L’avenir de l’ASBH reste suspendu à plusieurs inconnues. Sans changements significatifs dans la gestion du club, les difficultés financières risquent de perdurer, mettant en péril sa pérennité. Si la ville de Béziers a jusqu’ici joué le rôle de bouée de sauvetage, cette situation ne peut se prolonger indéfiniment. Le club devra impérativement trouver de nouveaux investisseurs pour garantir sa survie à long terme. En attendant, la gestion des fonds publics devra faire l’objet d’une surveillance accrue pour éviter tout nouveau dérapage financier.
À ce propos, le rapport de la CRC ne se contente pas de pointer les lacunes de gestion. Il propose également sept recommandations destinées à améliorer la situation. Parmi les priorités, la mise en place d’un compte d’emploi des subventions apparaît indispensable, tout comme la nécessité de mieux suivre les recettes et dépenses des manifestations organisées par le club. Certaines recommandations, comme la publication des comptes de l’association, ont déjà été partiellement mises en œuvre. En revanche, d’autres, comme la mise en place des outils de gestion et de contrôle ou l’application stricte des conventions entre l’association et la SASP, restent à appliquer.
La CRC rappelle par ailleurs l’importance pour le club de respecter les dispositions du Code du commerce, notamment en ce qui concerne les conventions touchant indirectement les actionnaires. Le non-respect de ces règles pourrait entraîner de nouvelles complications, tant pour le club que pour la ville de Béziers.
Quel avenir pour le club de rugby ?
Le rapport du CRC tombe deux mois après que la mairie de Béziers a officialisé la signature d’un protocole d’accord avec un fonds d’investissement étranger, un pas important vers la vente du club. Selon les informations de Rugbyrama, ce fonds irlandais pourrait voir l’un de ses associés, le légendaire demi d’ouverture néo-zélandais Andrew Mehrtens, prendre la présidence de l’ASBH. Ancien joueur du club entre 2011 et 2013 et membre du staff, il reviendrait ainsi sur ses terres.
Le mardi 1ᵉʳ octobre, jour de la publication du rapport du CRC, l’Autorité de régulation du rugby (ex-DNACG) chargée d’analyser la viabilité de ce rachat a donné un avis favorable. La mairie a confirmé qu’elle échangerait avec les potentiels repreneurs le 4 octobre afin d’arriver à un accord gagnant-gagnant.