Société — Salagou Cœur d'Hérault

Boris Cyrulnik : « Catastrophe ça veut dire, obligation de changer !»

Boris Cyrulnik était l’invité d’honneur de la ville de Clermont-l’Hérault, ce mercredi 11 septembre, où il a désormais un centre médico scolaire à son nom. Il est l’homme qui a popularisé le concept de « résilience. » Comprendre : le développement de la capacité des individus à surmonter les épreuves.

« De la souffrance la plus pénible peut naître le meilleur ! » C’est du pur Boris Cyrulnik, un neuropsychiatre renommé et théoricien de la résilience. Ce mercredi, jour de la signature du contrat de ville 2024-2030, il a offert une prise de parole afin de porter une réflexion profonde sur les enjeux de l’évolution sociale et éducative. 

Le danger du « bonheur de ne plus penser »

Le neuropsychiatre identifie l’humanité comme un tout, comme un patient qui serait à un moment charnière, où la nécessité de l’évolution devient pressante : « Dès l’instant où il y a de la vie, il y a de l’évolution. Une société qui n’évolue pas se pétrifie et meurt, le problème c’est de savoir comment on va évoluer et aujourd’hui on est à la croisée des chemins. » Il rappelle que les épreuves, qu’il s’agisse de guerres ou de catastrophes, imposent un virage : « catastrophe, ça veut dire obligation de changer, obligation à évoluer. » 

Au cœur de la catastrophe, l’Homme est comme hypnotisé dans une société de divertissement. « On se tanque devant la télé. Et là ! On arrête de penser, quel bonheur ! On est transformé en zombie. Plus de problème ! Plus d’altérité. C’est le bonheur de ne plus penser, » affirme-t-il. Épreuve ultime à surmonter ou pas : ce moment propice pour tous les dictateurs de réussir à se faire élire démocratiquement. « La tendance naturelle, c’est ne plus penser, c’est de réciter. C’est pour cela que les partis extrêmes ont tellement de succès. On est tranquille, on ne se pose plus de questions, on récite la voix du chef, on est heureux, on ne résout rien et on aggrave tous les problèmes. » Pour le neuropsychiatre, c’est une pensée uniquement faite de slogans « et les slogans, c’est l’euphorie. » 

[VIDEO] Boris Cyrulnik, auteur et neuropsychiatre : résilience et euphorie de la dictature

La transmission du mal-être, une société divisée

Discours saisissant dans cette nouvelle école baptisée Laure Moulin, Boris Cyrulnik  aborde aussi la souffrance infantile, un sujet qui n’a véritablement été pris en compte que récemment. « Le 19e siècle a été marqué par la découverte de la souffrance des enfants : Charles Dickens, Victor Hugo, Oliver Twist… Avant, on ne s’en préoccupait pas. »

Certains résidus de stéréotypes éducatifs demeurent et ne se limitent pas à la souffrance infantile. Ils touchent aussi aux structures éducatives contemporaines. Il rappelle que le modèle scolaire actuel ne permet pas de s’adapter aux besoins individuels des enfants, en particulier ceux issus de milieux précaires : « un bébé à qui l’on ne parle pas, avec qui l’on ne joue pas, entre en maternelle à trois ans avec un stock de 200 mots. Ceux qui ont 200 mots ne vont même pas comprendre les consignes. Ils vont être humiliés par l’école parce qu’ils vont voir que leurs petits camarades de classe jouent à apprendre. »

L’impact de cette humiliation, selon ce neuropsychiatre, se répercute sur toute une génération : « ils détruisent l’école parce qu’ils sont malheureux à l’école et ils sont malheureux à l’école parce que leurs parents sont malheureux. » Cette chaîne de transmission du mal-être et de l’échec éducatif conduit à une société divisée, où une petite élite réussit et s’approprie les postes de pouvoir, tandis qu’une autre partie de la population reste en marge. Un discours qui fait sens ce 11 septembre pour cette signature du contrat de ville 2024-2030 des quartiers prioritaires de la politique de ville (QPPV). « Nous sommes à la croisée des chemins pour prendre une autre direction… La vie est passionnante, mais pas toujours facile », affirme Boris Cyrulnik.

C’est dans ce contexte, que Boris Cyrulnik plaide pour une approche plus holistique de l’éducation, qui intégrerait non seulement les savoirs académiques, mais aussi le sport, les arts et les relations humaines : « dans une crèche, dès que l’on met de la musique autour des bébés, on voit apparaître un sourire jusqu’aux oreilles. […] On voit que la musique sculpte le cerveau comme le sport. » Positif, plein d’énergie et d’espoir, il rassure sur la plasticité cérébrale, cette capacité du cerveau à se remodeler, qui permet d’espérer un changement positif, même dans des situations difficiles : « plus on intervient tôt, plus on récupère vite. »

« On est tous responsables de ne pas chercher à découvrir le monde de l’autre.» Boris Cyrulnik

« On est tous responsables de ne pas chercher à découvrir le monde de l’autre, et qu’est-ce qui nous permet de découvrir le monde de l’autre ? Le théâtre, la littérature, la musique. » À Clermont-l’Hérault, Boris Cyrulnik lance un appel à l’action, mais aussi à l’ouverture et à la compréhension, pour construire un nouvel avenir en commun.

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