Castelnau-le-Lez : Olivier Morançais, nouveau programmateur du Kiasma, "faire sens via la médiation culturelle"
Le Kiasma dispose d'un nouveau programmateur en la personne d'Olivier Morençais. Il répond aux questions de la rédaction sur son parcours et les premiers axes de la programmation 2022-2023 de ce lieu culturel castelnauvien emblématique …
Quel est votre parcours ?
Olivier Morançais : “Il y a de nombreuses années, j’étais comédien de théâtre et de télévision. Au théâtre j’ai travaillé avec des gens comme Jacques Fabbri, Jean Le Poulain de la Comédie française, puis avec des jeunes metteurs en scène plus ou moins connus. A la télévision j’ai travaillé avec Vincent Cassel, Corinne Touzet, Guy Marchand et d’autres…
J’ai ensuite créé une compagnie théâtrale. De 1984 à 2008, nous avons monté 25 spectacles et 8 opéras.
J’ai monté deux salles (qui n’existent plus) au Festival d’Avignon, de 1986 à 1995. Pour l’anecdote, l’une des deux salles était une chapelle désacralisée, comme il en existe beaucoup en Avignon. C’était le seul endroit où Molière avait joué ; une plaque l’indiquait. Il s’agissait d’un jeu de paume à son époque.
A partir de 1995, ma compagnie a été en résidence pendant treize ans à Herblay, dans le Val d’Oise, ce qui nous a permis de nous implanter et d’avoir du temps pour faire de la médiation culturelle, qui est mon credo, avec les 4 à 5 communes des alentours, à la fois sur le théâtre, la marionnette, l’opéra… Il s’agissait du plus petit opéra de France en termes de jauge et de moyens, mais nous montions un opéra classique par an. J’ai eu la chance d’entre mettre en scène huit.
Puis je suis passé à la direction et la programmation de théâtres. J’ai estimé qu’il y avait des gens incroyablement talentueux pour faire de la mise en scène et jouer la comédie, et que j’allais me mettre à leur service et les promouvoir, pour le plus grand plaisir du public. J’ai effectué de la direction et de la programmation pendant treize ans. J’ai dirigé 4 lieux ou théâtres différents, à Calais (Pas-de-Calais), à Poissy (Yvelines), Ermont (Val d’Oise) et pour la communauté d’agglomération du Douaisis, où j’ai eu la chance d’ouvrir mon éventail de connaissances. 31 communes étaient concernées. J’ai eu la chance d’avoir sous ma responsabilité un musée, un auditorium et deux salles de spectacles. Cela m’a ouvert l’esprit. C’était extrêmement passionnant.”
Qu’avez-vous retiré de ces expériences ?
Olivier Morançais : “La mise en scène d’opéras m’a beaucoup marqué en tant que programmateur. On apprend beaucoup des chanteurs lyriques. Ce sont des athlètes de haut niveau, d’une fragilité incroyable, comme les danseurs. Chez eux tout passe par le corps. Les comédiens de théâtre aussi, mais eux ont moins le stress d’avoir un corps parfait (les cordes vocales pour les chanteurs lyriques ou le corps entier pour les danseurs). Le stress est extrêmement prégnant chez les chanteurs lyriques. Ils sont souvent d’une très grande humilité car d’une grande fragilité”.
Vous êtes un ardent défenseur de la médiation culturelle.
Olivier Morançais : “Je crois beaucoup en la médiation culturelle. Elle est fondamentale vu la crise que notre pays traverse. Il y a un problème d’acculturation flagrant dans certains endroits, et à la place d’une culture positive, fraternelle se mettent en place des cultures que je considère comme négatives.
Selon moi, la médiation culturelle est profondément indispensable à la construction d’un individu et d’un citoyen. Ça passe par un travail avec les enseignants, qui sont toujours de grands vecteurs de nos propositions, toujours partants, et avec les artistes, qui sont très souvent prêts à faire des hors-plateaux et à aller dans les écoles, les collèges, les lycées pour expliquer leur art, dire pourquoi ils sont devenus comédiens, metteurs en scène, scénographes, décorateurs… Ça passe aussi par le développement du sens civique et républicain à travers les différents spectacles que l’on peut proposer.”
Comment décririez-vous la programmation que vous envisagez pour le Kiasma ?
Olivier Morançais : “Je propose une programmation porteuse de sens, riche de divertissements, de découvertes, de diversité. Pour moi le maître-mot sous-jacent est le sens. Il s’agit d’une programmation singulière avec des spectacles qui interrogent sur notre vision du monde, les chaos que notre monde traverse, les changements que ce monde est en train de vivre, que l’on pressent. Il est fondamental de travailler à partir de là en médiation culturelle avec les jeunes de la maternelle au lycée pour appréhender avec eux ce monde nouveau qui transparaît à travers les spectacles vivants d’aujourd’hui.
Il existe une effervescence artistique formidable actuellement en France. On a vu durant la période d’après Covid la résurgence des propositions faites aux programmateurs, ce foisonnement en matière de danse, de cirque, de toutes les esthétiques… Cela prouve que notre pays est riche d’artistes débutants ou confirmés, d’une grande diversité artistique.
Au travers du spectacle vivant, il faut transmettre, au-delà du divertissement, le sens citoyen et civique. On va au spectacle pour se faire plaisir. Mais au-delà de cela, on vient souvent y chercher du sens. Le sens et les émotions partagées avec les artistes doivent nous faire réfléchir, en tant que citoyens, aux transformations de ce monde.
Mais cette programmation, je tiens à le souligner, doit rester accessible à tous, ne pas être pas élitiste ni underground, selon moi. Le Kiasma est un théâtre de ville, qui s’adresse à tous les publics de Castelnau et de la métropole.”
Quel sera le fil rouge de la saison 2022-2023 ?
Olivier Morançais : “Ma proposition artistique s’articule autour d’une thématique : la femme, la féminité, l’amour et la fraternité. Dans plus de la moitié des spectacles, on va accompagner des parcours de femmes, certains drôles, déjantés, certains passionnants, très forts sur le plan politique. Il y aura notamment un parcours extrêmement dur de femme lié à la radicalisation.
Deuxième axe fort : Molière, dont on célèbre le 400e anniversaire de la naissance en 2022. On ne peut pas y échapper cette année ! Trois spectacles très différents autour de Molière se tiendront au Kiasma, dont un baroque, éclairé à la bougie, qui reprendra les textes in extenso de Molière, comme on les disait à l’époque. Après quelques secondes, l’oreille et le cerveau s’habituent au vieux français et on comprend tout. C’est très étrange !
Cette programmation sera inédite au regard de ce qui a été fait avant. Elle sera différente, riche, singulière, avec une grande diversité, du divertissement et, je le répète, du sens.”