Castelnau-le-Lez : un dispositif d’autorégulation pour enfants autistes dès la rentrée 2023
A la rentrée 2023, un dispositif d’autorégulation sera mis en place dans l’école Jean-Moulin, à Castelnau-le-Lez. Une première dans l’Hérault…
Rencontre avec Christophe Mauny, inspecteur d’académie, directeur académique des services de l’Education nationale (DASEN 34), Frédéric Lafforgue, maire de Castelnau, Isabelle Seran, adjointe à l’Education, et Matthieu Perrot, conseiller municipal chargé des actions sociales et du handicap, pour évoquer ce nouveau dispositif.
Qu’est-ce que le dispositif d’autorégulation ?
Christophe Mauny : « Le dispositif d’autorégulation ou DAR s’inscrit dans la démarche d’école inclusive. Il vise à permettre aux enfants d’être accueillis dans une classe ‘ordinaire’ malgré la diversité de leurs différences et handicaps. Il fait partie de la diversité des modalités existantes pour accueillir les enfants souffrant de troubles du spectre autistique.
Il faut savoir qu’il existe plusieurs formes d’autisme. On ne peut pas y répondre de manière uniforme. Parmi les enfants autistes, certains ont de grandes difficultés d’autonomie et ont besoin d’un accompagnement constant au quotidien. D’autres font preuve d’autonomie et peuvent suivre un parcours scolaire comme n’importe quel autre enfant. C’est à ces enfants repérés, scolarisés en classe ordinaire, ayant un niveau d’autonomie normal, que s’adresse le dispositif d’autorégulation. Une prise en charge spécifique à la fois pédagogique et médico-sociale leur sera proposée à des moments de la journée dans ce cadre, pour faciliter leur apprentissage. Nous travaillons en étroite relation avec l’Agence Régionale de Santé et avec la municipalité de Castelnau pour organiser les conditions d’accueil dans une salle normale, qui sera dédiée au dispositif d’autorégulation. Elle sera équipée de matériel d’accompagnement pédagogique, et de matériel de soins avec l’ARS. Le dispositif d’autorégulation répond à une volonté nationale. Il y en aura un dans l’Hérault, à Castelnau, qui permettra de déterminer s’il faut développer ce modèle. Une généralisation n’est pas envisagée actuellement. »
En quoi consiste-t-il concrètement ?
Christophe Mauny : « D’abord, il s’agit d’école inclusive, ce qui signifie que les élèves sont prioritairement dans les classes avant d’être dans le dispositif. Ils ne sont pas séparés du reste des élèves. Concrètement, ils n’étudient pas dans une salle à part. L’école accueillera des élèves en classe, dont certains, identifiés comme porteurs de troubles autistiques, intégreront le dispositif. Dans certaines écoles on dédie une salle au Rased ou au psychologue ; la salle dédiée au DAR permettra au personnel de l’association ou à des enseignants de prendre en charge environ 7 ou 8 élèves sur des niveaux d’enseignement primaire différents. Donc il y a un gros travail d’articulation entre les enseignants du point de vue du besoin pédagogique, entre l’association du point de vue des besoins médico-sociaux, pour que l’enfant puisse être concentré et pris en charge pendant quelques heures sur des besoins spécifiques qui ne concernent pas les autres enfants. Le DAR s’adresse aux enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme, mais sans difficultés scolaires. Nous allons axer les interventions sur les compétences psychosociales, la relation à l’autre, qui posent souvent problème. L’objectif est de renforcer leur développement personnel et de conforter leur réussite sur le parcours scolaire.
Le point essentiel du dispositif est l’accompagnement par la formation des personnels de l’Education nationale et de tous les personnels de la municipalité qui œuvrent dans l’établissement, notamment dans la relation avec l’association médico-sociale qui sera retenue par l’ARS pour apporter sa contribution à ce dispositif. »
Comment le DAR sera-t-il intégré au sein de l’école Jean-Moulin ?
Frédéric Lafforgue : « L’école Jean-Moulin a été construite dans les années 90. Elle dispose de grands couloirs et de grands espaces, ce qui permet d’effectuer des réaménagements sans trop de difficultés. La bibliothèque, située dans un lieu central du bâtiment, sera transférée dans le hall d’entrée, très spacieux, de façon à libérer une salle. Cette salle, située à côté de l’Accueil de Loisirs Périscolaires, sera réaménagée afin d’accueillir le dispositif d’autorégulation dès la rentrée de septembre 2023. Du mobilier spécifique équipera cet espace de façon à recevoir au mieux l’équipe médico-sociale et les enfants bénéficiant du dispositif. L’équipe de l’école Jean-Moulin est très motivée pour recevoir ces enfants. Nous travaillons par ailleurs sur la mise en accessibilité totale de cette école, qui n’est pour l’instant accessible que par l’extérieur. Petite précision, le restaurant scolaire inclus dans Jean-Moulin ouvrira en septembre 2024. »
Pourquoi avoir choisi Castelnau pour mettre en place un dispositif d’autorégulation ?
Christophe Mauny : « L’objectif est de répondre aux besoins exprimés sur ce secteur. Il ne s’agit bien évidemment pas d’implanter ce DAR sans raison. Des enfants scolarisés à Castelnau ont été identifiés comme pouvant intégrer ce dispositif. Il n’est pas question de leur faire effectuer de longs déplacements. Autre raison, la municipalité est très ouverte à ces dispositifs de prise en compte du handicap, qui accueillent des publics divers. Cette commune travaille déjà avec nous sur des modalités de prise en charge diversifiées. De plus, l’école Jean-Moulin est animée par une équipe très volontariste sur la prise en charge des enfants dans leur diversité ; des pratiques pédagogiques y sont déjà en réflexion sur ces thèmes. C’est ce qui a motivé cette future mise en place. »
Monsieur le maire, qu’attendez-vous du DAR ?
Frédéric Lafforgue : « La proposition de monsieur Mauny porte sur un travail concerté entre l’Education nationale et la Ville de Castelnau, notamment avec l’adjointe à l’Education Isabelle Seran et Matthieu Perot, conseiller municipal délégué, chargé des actions sociales et du handicap.
Je vois dans le DAR une chance pour les élèves atteints de troubles du spectre de l’autisme ainsi qu’une opportunité de formation complémentaire pour les enseignants, et pour le personnel municipal qui encadre les enfants dans le temps périscolaire (le matin, à la cantine, entre midi et deux, le soir…). Les enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme sont un public particulier, mais il peut aussi y avoir dans les écoles des enfants qui ont des troubles du comportement. Cette formation aidera à mieux les encadrer. Les autres écoles en bénéficieront aussi par un effet boule de neige, car il y aura des échanges entre les équipes pour se former sur les troubles de comportement des enfants. La commune de Castelnau a une forte sensibilité envers le handicap*. Le DAR sera en place en septembre 2023, le groupe scolaire Jacques-Chirac sera doté d’une classe Ulis en 2024… La loi de 2005 prend tout son sens dans ce type de dispositif. La commune de Castelnau est pilote et référent sur ces sujets, bien sûr avec l’Education nationale. Selon moi, l’école inclusive ne doit pas être une exception. J’espère que cela donnera envie à d’autres maires de s’inscrire eux aussi dans l’école inclusive. »
Il y a déjà une classe ULIS à Castelnau et une autre ouvrira en 2024. En quoi le DAR s’en différencie-t-il ? Que va apporter ce DAR en plus ?
Christophe Mauny : « En matière de handicap, plusieurs dispositifs existent : les ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire), les Unités d’enseignement autisme, et bientôt le DAR. L’instauration du dispositif d’autorégulation ne remet pas en cause les ULIS. Le DAR offre une approche complémentaire, pour accompagner les enfants autistes autonomes, déjà scolarisés, pour lesquels on a identifié la nécessité d’un accompagnement spécialisé. L’ULIS offre aux élèves la possibilité de poursuivre en inclusion des apprentissages adaptés à leurs potentialités et à leurs besoins et d’acquérir des compétences sociales et scolaires, même lorsque leurs acquis sont très réduits. N’importe quel dispositif est une chance dès lors qu’il prend en charge un enfant qui a des besoins spécifiques. Nous allons tout faire pour que le DAR, qui est une chance supplémentaire, fonctionne. Etant donné le volontarisme de la commune, nous partons sur de bonnes bases. »
Frédéric Lafforgue : « La mise en place du DAR est une richesse pour l’ensemble de l’école, et pas uniquement pour les enfants qui en bénéficieront directement. Cette méthode apportera des connaissances supplémentaires qui serviront aux enfants de l’école Jean-Moulin et à ceux de l’ensemble des écoles castelnauviennes. La formation assurée dans le cadre du DAR donne aussi l’opportunité de préparer le dispositif Ulis qui ouvrira dans le groupe scolaire Jacques Chirac et de mettre les équipes municipales à niveau sur ce sujet. Elles seront bien plus à même d’accompagner et de recevoir les enfants lors du travail extrascolaire et périscolaire et dans les centres de loisirs… C’est gagnant-gagnant. A Castelnau, nous proposons un patchwork de dispositifs pour répondre au plus près des attentes des familles. Nous collons vraiment à la réalité du terrain. Il ne s’agit pas de dispositifs hors sol. Nous travaillons main dans la main avec l’Education nationale, les équipes éducatives, le directeur de l’accueil de loisirs périscolaires et d’autres pour avoir un maillage pertinent et efficace en matière de handicap. Le DAB est une pierre de plus à l’édifice. »
Isabelle Seran : « Le volet formation qui accompagne le DAR est très important et novateur selon moi. Il va permettre au personnel de l’Education nationale et de la commune de travailler en partenariat autour de ces enfants dans l’esprit d’assurer la continuité éducative. »
La continuité éducative est importante pour les enfants en situation de handicap ?
Matthieu Perrot : « Nous rencontrons des Castelnauviens et avons procédé à l’Analyse des Besoins Sociaux. Il en ressort que des besoins se font sentir en matière de handicap lors du parcours de vie. Des dispositifs existent pour accueillir les enfants en situation de handicap à la crèche, mais lors du passage au niveau supérieur, certains parents sont perdus. Ce qui est intéressant dans la multiplication de ces dispositifs, c’est de pouvoir accompagner les familles lorsque la situation change. Cela permet d’avancer plus sereinement dans la vie et que le parcours soit plus fluide, pour ne pas ajouter de la complexité pour les parents. On leur apporte des solutions. »
Christophe Mauny : « Effectivement, l’école inclusive pose la problématique de la continuité éducative, car le handicap ne s’arrête pas au temps scolaire. L’enfant est aussi en situation de handicap lors des moments périscolaires. Il faut qu’on lui apprenne à vivre avec pour que sa scolarité se passe le mieux possible. Ce qui est commun entre le DAR, ULIS et les unités d’enseignement, c’est le travail fait auprès des parents et avec les parents pour la continuité éducative entre le temps scolaire, le temps périscolaire, le temps extrascolaire et le temps familial, afin qu’il y ait le moins de ruptures possible dans la nature des prises en charge. »
Qu’implique l’école inclusive ?
Christophe Mauny : « Au niveau de la DSDEN 34, nous travaillons sur l’école inclusive depuis plusieurs années. Il y a deux ans, en pleine crise sanitaire, on a formé la totalité des enseignants en visio avec le Pr Baghdadli, réputé sur les troubles du neuro-développement. Plus de 1 000 enseignants en élémentaire et autant d’enseignants en maternelle ont été sensibilisés dans l’Hérault sur cette thématique. Parler de la difficulté scolaire n’a aucun sens. On s’aperçoit que parler des difficultés scolaires est bien plus proche de la réalité. L’école inclusive est une chance pédagogiquement parlant. La loi de 2005 a rendu progressivement visibles des enfants qu’on ne voyait pas dans les écoles précédemment. On progresse dans la connaissance des handicaps, des dispositifs diversifiés sont créés. Quand on accueille des enfants qui ont besoin d’accompagnement, les réflexions pédagogiques aboutissent à des propositions qui ont un rayonnement positif sur tous les élèves. ».
Frédéric Lafforgue : « Selon moi, l’école inclusive n’est pas uniforme, elle doit s’adapter aux différents types et degrés de handicap. Il n’y a pas une réponse unique, c’est du cousu main pour faire en sorte de ne laisser personne sur le bord du chemin. »