Castelnau-le-Lez : Vanessa Demaria, "les gendarmes ont un devoir d'exemplarité"
La lieutenante-colonelle Vanessa Demaria, commandante de la compagnie de gendarmerie de Castelnau-le-Lez, évoque le rôle de représentation, la gestion du danger, et les joies et difficultés du métier de gendarme…
Vanessa Demaria est la commandante de la compagnie de gendarmerie de Castelnau-le-Lez, qui regroupe 6 brigades territoriales autonomes (Castelnau-le-Lez, Villeneuve-lès-Maguelone, Jacou/Clapiers, Saint-Gély-du-Fesc, Saint-Jean-de-Védas, Saint-Georges d’Orques, commandées chacune par un officier, qui couvrent 32 communes), et bénéficie de 2 unités d’appui – le Peloton de surveillance et d’intervention (PSIG) et la brigade de recherches (BR) – chacune commandée par un officier. Questions ouvertes…
Comment les gendarmes se protègent-ils du danger ?
Vanessa Demaria : « Depuis 2015, nous nous mettons en civil dès que nous ne sommes pas au travail, pour des raisons de sécurité. Dans ce contexte de menace terroriste, nous ne nous cachons pas mais une fois seuls, hors caserne, nous sommes toujours en civil. C’est un principe de protection, de ne pas faire ses courses en tenue pour éviter les atteintes. Nous, gendarmes, représentons l’autorité. La majorité des gens nous remercient et sont admiratifs, d’autres nous en veulent…
De toute façon, le danger est permanent. Ça fait partie du métier. On l’accepte quand on signe. Je suis amenée à sortir mon arme ; je mesure le risque. Mon rôle est de ne pas envoyer mes gendarmes faire n’importe quoi. Tout est étudié et pesé avant une arrestation au petit matin : le lieu, les antécédents… Mais nous avons conscience que, lorsque nous sommes appelés pour un banal différend de voisinage ou des violences intrafamiliales, nous pouvons être accueillis à coups de fusil. Nous suivons des formations pour diminuer le risque. Mais nous assumons le fait que nous sommes là pour protéger la population. »
Vous êtes un personnage public. Comment gérez-vous le fait que votre visage soit connu ?
Vanessa Demaria : « Je ne peux pas rester anonyme car je fais partie des autorités locales. On me voit lors des manifestations et des cérémonies, aux côtés des maires. C’est l’un des aspects de ma mission de rayonnement de l’institution. »
Comment vit-on le fait d’être gendarme, au quotidien ?
Vanessa Demaria : « On est gendarme 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, même lorsque l’on est en civil. Les gens nous posent des questions et rapportent tous nos propos à cet aspect-là. Je suis gendarme à plein temps. J’ai ce devoir d’exemplarité en tout temps et en tout lieu. Quand on est gendarme, on a conscience que tout ce que l’on fait même en civil peut avoir des répercussions sur l’image de l’institution. Donc on fait attention aux propos, comportements et positions que l’on prend. C’est aussi le cas sur les réseaux sociaux. Nous exerçons un métier où l’on peut subir une double sanction : si l’on agit mal en civil, une sanction disciplinaire peut suivre. On se doit d’être respectueux. »
Comment la gendarmerie prévient-elle les suicides ?
Vanessa Demaria : « Les gendarmes ont la facilité d’avoir l’armement sous la main pour passer à l’acte. Il y a une extrême violence dans cet acte. Mais la gendarmerie a déployé des mécanismes de prévention. Il existe un certain nombre de dispositifs. Dans le département, un psychologue clinicien est employé par la gendarmerie. On active ce dispositif à chaque situation préoccupante. Les gendarmes peuvent le solliciter en direct. On peut aussi signaler sur Internet. Il y a également des référents risques sociaux. En parlant aux gens on peut détecter les risques psycho-sociaux. La vie en communauté permet aussi des remontées d’informations de divers canaux. On peut alors solliciter le médecin chef militaire, le psychologue, mettre en place un accompagnement particulier. »
Quelles sont les difficultés du métier de gendarme ?
Vanessa Demaria : « Aujourd’hui, à mon sens, la principale difficulté consiste à concilier vie personnelle et vie professionnelle, car désormais, dans les couples, les deux ont des aspirations professionnelles. Etre gendarme est un métier prenant, passionnant. Il est difficile de mettre une limite. Les générations plus jeunes et la sortie du Covid sont à l’origine d’une volonté plus marquée d’avoir du temps pour soi. On fait des astreintes de 24 heures, de 8h à 8h. Pour les commandants c’est 4 à 6 jours d’affilée. C’est contraignant mais ça fait partie du métier ; pour les pompiers c’est pareil.
Personnellement, j’ai l’immense chance d’avoir rencontré mon époux en gendarmerie. Il comprend complètement mon rythme de travail car il a commandé le même genre d’unité. Lorsque nous travaillions tous les deux, il n’était pas facile de combiner notre métier et notre rôle de parents. Il m’est arrivé de faire venir ma mère en urgence par le train pour qu’elle garde notre fille. Mon conjoint, qui me soutient énormément, a pris un congé parental pour me permettre de suivre dans de bonnes conditions ma scolarité à l’Ecole de Guerre en 2021-2022. Actuellement, si j’exerce sereinement mon métier, c’est parce qu’il a pris sa retraite d’officier de gendarmerie pour me permettre de me libérer pour mon poste. Il gère la vie familiale, les devoirs de notre fille, les courses… Sans son aide, tout mener de front serait bien plus difficile…
Une autre difficulté que j’identifie est liée aux mutations fréquentes tous les trois ou quatre ans lorsque l’on est chargé de commandement, officier et tous les six ans quand on est à l’état-major. Le risque est de ne plus avoir envie de déménager, de déstabiliser une nouvelle fois sa famille, de se réadapter. Même si personnellement je ne regrette rien… »
Quelles sont les joies de ce métier ?
Vanessa Demaria : « On éprouve une grande joie à sauver des victimes, à empêcher un événement dramatique de se produire, à arrêter un délinquant après une enquête de plusieurs mois, à retrouver une personne disparue, à réussir sa mission. Il arrive que nous recevions des lettres de remerciement, des dessins d’enfants. C’est très gratifiant ; nous savons pourquoi nous faisons ce métier… »