Covid long - Ludivine, 33 ans : "ma vie est bouleversée par la maladie"
Ludivine Perret, 33 ans, a déclaré une forme sévère du variant anglais de la Covid le 15 mars 2021. Depuis bientôt neuf mois, elle se bat pour retrouver ses capacités physiques, afin d’être en état de reprendre son travail de préparatrice en pharmacie à Castelnau-le-Lez. Récit.
Ludivine n’était a priori pas une personne à risque. Certes, son travail de préparatrice en pharmacie l’exposait plus que la moyenne au virus… Mais en mars 2021, les vaccins anti-Covid Pfizer ou Moderna étaient encore réservés aux personnes âgées ou souffrant de comorbidités. Elle n’était donc pas encore vaccinée – rappelons que l’obligation vaccinale pour les professionnels de santé n’est intervenue que durant l’été 2021.
Premiers symptômes
“Le 15 mars 2021, d’un coup, ma gorge s’est mis à me brûler comme du feu, pas comme une angine blanche. Peu après, j’avais une toux grasse au fond des poumons et un petit mal de tête. Et ça a fait tilt. J’ai appelé mon médecin généraliste à 18h00, et je suis allée faire le test à la Clinique du Parc le lendemain matin. Et la réponse est tombée : j’étais positive au variant anglais”, raconte Ludivine.
S’ensuivent pour la jeune femme dix jours d’une énorme fatigue, “à passer du canapé au lit pour dormir, à table pour manger. Je devais mettre le réveil pour ne pas sauter les repas”. Ludivine ressent des “courbatures, supportables les dix premiers jours, ainsi qu’un mal de tête”, qu’elle décrit comme “supportable” car elle est habituellement “sujette aux migraines”. La toux persiste et la déchire.
Une brusque aggravation
“Au bout du 11e jour, tout s’est transformé, raconte Ludivine. J’avais l’impression d’avoir des déchirures musculaires à tous les muscles, des tendinites aux articulations. Il m’était extrêmement douloureux de rester en place, impossible de trouver une position confortable. J’avais les jambes noires de bleus. Le médecin m’a prescrit des anticoagulants, et une infirmière passait matin et soir prendre mes constantes. J’avais une saturation assez faible, mais pas suffisamment pour me faire hospitaliser. Mon employeuse, Mme Grand, voulait que je me fasse hospitaliser. Elle me téléphonait régulièrement. Mon voisin frappait à ma porte pour savoir si j’allais bien, ma généraliste m’appelait tous les midis en visio pour vérifier mon état. J’ai été très bien entourée. J’ai eu énormément de chance d’être crue et soutenue”.
“Quand j’étais endormie, ma chienne me réveillait pour m’empêcher de m’étouffer dans mon sommeil à cause des quintes de toux. Je lui dois la vie. Quand je pleurais, elle se mettait aux endroits où je souffrais. Pour la sortir, j’ai dû dépasser mes limites” raconte Ludivine.
De spécialiste en spécialiste
Il a alors fallu faire vite. “La remplaçante de ma médecin généraliste a mis des rendez-vous en place ; elle travaillait avec le MIT (service des maladies infectieuses et tropicales) du CHU de Montpellier. J’ai obtenu très rapidement un rendez-vous avec un pneumologue, qui a établi que je ne respirais plus qu’à un tiers de mes capacités précédentes. Il m’a mise sous traitement pour mes poumons, traitement que j’ai pris pendant un bon moment. Je l’avais arrêté cet été, mais avec l’humidité de l’automne, mes poumons sont de nouveau pris et je suis de nouveau sous traitement”.
Un rendez-vous avec un rhumatologue a suivi, accompagné d’une prise de sang pour rechercher des maladies auto-immunes dormantes qui auraient été éventuellement déclenchées par la Covid. Cela n’a rien donné.
En juin, un traitement a été mis en place pour calmer les douleurs neurologiques insupportables de la jeune femme. “Pendant plus d’un mois, il m’a été impossible de dormir tant je souffrais. Je pleurais de douleur, impossible de trouver une position. Seule la présence de ma chienne me calmait car elle s’allongeait près de moi, pile aux endroits qui me faisaient souffrir”…
“Une consultation avec un cardiologue a permis d’établir que j’ai une insuffisante mitrale mineure au niveau du cœur, qui a été amplifiée par la Covid. Cela provoque des crises de tachychardie (le cœur qui s’emballe), des vertiges, des jambes qui ne portent plus”, explique Ludivine. A cela s’ajoutent un essoufflement quasi permanent, une toux persistante.
“Ma chance est de ne pas avoir eu de perte de goût ni d’odorat. Cela aurait été une catastrophe si ça m’avait empêchée de manger, car je suis de corpulence très fine”, relève-t-elle.
Un travail quotidien sur soi pour retrouver un semblant de vie normale
Très sportive avant la Covid, adepte des randonnées et des sports d’extérieur, Ludivine, très affaiblie, suit désormais des séances de kinésithérapie pour renforcer les muscles de sa cage thoracique et se remuscler entièrement. En ce moment, sur les deux séances de kiné hebdomadaire, une séance est active, mais pas la seconde, car sinon elle met trop de temps à récupérer. Les séances se déroulent équipée d’un saturomètre. Il lui faut étirer ses muscles, réapprendre à respirer. Elle est encore souvent pris de vertiges et essoufflée. “Mon état est aléatoire selon les jours”, explique-t-elle. Ludivine se plaint de pertes de concentration, elle peine souvent à trouver ses mots. Elle doit tout noter pour combler ses pertes de mémoire. “Tous les jours j’essaie de lire pour retrouver une certaine concentration. Je m’efforce aussi de marcher un certain temps. C’est nécessaire pour espérer retrouver une vie normale un jour.”
“La Sécurité sociale ne guide pas suffisamment les patients Covid long dans leur parcours”
Elle se réjouit du soutien que lui prodiguent ses parents, qui vivent à Narbonne, ses employeurs, qui l’encouragent, mais regrette que la Sécurité sociale ne guide pas plus les patients déclarés positifs au Covid. Selon elle, il faudrait distribuer une brochure ou envoyer un mail répertoriant le parcours à suivre pour être traité correctement en cas de Covid long : pneumologue, cardiologue, rhumatologue, notamment. “On n’est pas assez encadré”, souligne-t-elle.
“Heureusement que j’ai un bon médecin généraliste et que je suis bien entourée, car il faut un moral d’acier pour se battre contre le Covid long”
La jeune femme se plaint du “manque de reconnaissance au niveau des indemnités sécu” et explique : “les préparateurs en pharmacie ne sont pas reconnus personnel soignant, donc il n’y a pas de reconnaissance comme maladie professionnelle. On est en première ligne, c’est anormal”.
Sur les réseaux sociaux, Ludivine est en lien avec d’autres personnes souffrant de Covid long. Elle témoigne : “Certains sont en Covid long depuis l’année dernière. Au bout d’un moment, les droits se coupent, c’est inadmissible. Certaines personnes se retrouvent sans rien”. “Quand les soucis financiers s’ajoutent aux problèmes de santé, c’est normal de craquer”, ajoute-t-elle.
De nombreuses peurs difficiles à contrôler
Outre la crainte de ne pas parvenir à reprendre durablement le travail, Ludivine Perret a “peur d’attraper le nouveau variant Omicron”. Elle se demande si et dans quelles conditions elle va pouvoir fêter Noël. “Je contrôle tout”, confie-t-elle. Elle avoue sa “peur d’aller au restaurant, de faire les courses, de recevoir des amis ou de la famille, par crainte d’être de nouveau contaminée”.
La jeune femme ne bénéficie d’aucun soutien psychologique. “Cela ne m’a pas été proposé par la Sécu. J’ai entendu à la radio qu’on y avait droit”. Elle indique : “Chaque jour je dois travailler sur moi, ne rien lâcher physiquement et psychologiquement. C’est compliqué. Parfois je dois m’autoriser à reporter certaines choses au lendemain, sinon ma récupération est trop longue, sur une ou plusieurs semaines”.
Envisager l’avenir
Ludivine Perret raconte : “En mai 2021, j’ai essayé de reprendre le travail, mais ça a été insupportable. Mon corps n’était pas en état de reprendre, même si ma tête voulait reprendre. Ça a été un vrai choc émotionnel. Actuellement, comme je ressens des améliorations, mon médecin et moi envisageons une reprise du travail mi-janvier en mi-temps thérapeutique. Mais j’ai peur de l’échec. Je considère énormément mes employeurs, qui ont été là pour moi quand j’en avais le plus besoin. Je ne veux pas les décevoir”.
Il lui est difficile d’envisager son avenir : “Outre mon travail, j’aimerais reprendre mon travail, mes activités, retrouver la possibilité de faire des randonnées, partir en camping, reprendre une vie normale, mais ça me paraît encore très loin”, détaille-t-elle.
La jeune femme confie ses difficultés et sa volonté d’aller mieux : “Je connais mieux mes limites maintenant. Je n’ai pas de certitudes, tout varie en fonction du temps. Je veux rester positive et me dire que ça va aller mieux. Je dois accepter que mon corps aille mal, garder le moral et essayer d’être entourée le plus possible”.
Monter un groupe de parole pour les personnes en Covid long
Ludivine Perret assure : “Quand on souffre de Covid long, on a besoin de se sentir considéré, reconnu, qu’on arrête de nous dire que c’est dans notre tête. Or ce n’est pas le cas. Beaucoup de personnes, dont des professionnels de santé, m’ont dit que c’était dans ma tête. Sur Facebook, j’échange avec des personnes confrontées au même problème”.
“Je réfléchis à monter un groupe de parole pour que l’on puisse se réunir, parler, organiser des petites marches pour ceux qui le peuvent, s’encourager mutuellement. Même quand je n’aurai plus de symptômes, je veux être là pour aider ceux qui passent par le même calvaire”, conclut Ludivine.