Danielle Engel, créatrice : "Quand on a le respect de la planète, on a le respect des êtres humains et de toute chose"
La créatrice Danielle Engel a créé sa marque il y a presque 10 ans, en 2014. Depuis, elle a parcouru beaucoup de chemin et s’est inscrite comme une “précurseure” de la mode responsable, afin d’apporter qualité et transparence à ses créations.
S’adresser à toutes les femmes
Danielle Engel aborde la naissance de sa passion pour la mode en revenant sur ses racines. “Je viens du Togo, débute-t-elle. Lorsque j’étais enfant, ma maman cultivait le coton, un jour j’ai ramené quelques fleurs à ma tante, en guise de cadeau. Elle s’est mise à le filer avec du talc, pour moi c’était comme de la magie.” Aujourd’hui basée en France, à Montpellier, elle explique qu’il s’agit de son pays de cœur. “Je suis arrivée ici par amour de produire du beau, dit-elle. Certes, j’ai fait une collection avec du wax en hommage à mon pays d’origine mais je souhaite parler à toutes les femmes, je n’ai ni frontières ni couleur. Je ne m’adresse pas non plus à une classe sociale, je veux seulement apporter davantage de qualité et d’éthique.”
Une production européenne et française
La créatrice a fait une formation de haute couture qui est devenue le pilier central de ses créations. “J’ai constaté qu’il s’agissait d’un milieu réservé à une élite, dévoile-t-elle. C’est la raison pour laquelle j’essaie de conserver les prix les plus bas possibles compte tenu du coût des matériaux et de la main d’œuvre, mes tarifs varient entre 59 € et 400 €. J’achète des tissus haut de gamme qui viennent de France, d’Espagne et d’Italie pour la plupart. Il est très difficile de fabriquer uniquement en France, car beaucoup de savoir-faire sont décentralisés. J’ai quand même le label ‘Made in France’ certifié par la douane française, depuis j’essaye de tout relocaliser.”
Elle poursuit : “La crise actuelle ajoute une difficulté supplémentaire : les clientes doivent remplir leur frigo avant de se vêtir, car cela a un prix. J’ai constaté une augmentation du coût des tissus jusqu’à 50 %, j’ai été contrainte de revoir mes prix à la hausse, de 5 % à 10 %. En définitive, nous payons plus cher pour nos produits mais les gens gagnent la même chose, les ventes en sont impactées. Les mêmes clientes viennent, mais elles achètent moins qu’avant.”
Une mode respectueuse du vivant
En 2014, Danielle Engel a fait le choix d’une mode éthique, transparente, qui respecte les humains – clients et employés – et la planète, se plaçant comme une précurseure dans le domaine. “J’instaure une réelle proximité avec le personnel, nous sommes égaux, appuie la créatrice. Je me rappelle d’une fois où je suis allée travailler à la chaîne de production avec les employés. Le lendemain, une couturière m’a proposé de dormir dans son lit, tandis que son mari et elle iraient dans le salon. J’avais les larmes aux yeux parce que c’est ça pour moi la mode éthique, c’est partager avec les autres.”
Dans cette logique, elle se veut transparente avec l’acheteur et désire proposer des vêtements “sincères”. “Si j’ai de belles matières, que j’achemine moi-même en train, c’est par souci de qualité, d’écologie et de protection contre les maladies provoquées par l’industrie du textile, qui est la deuxième industrie la plus polluante au monde, explique Danielle Engel. C’est un combat quotidien car il y a une forte concurrence, avec des entreprises comme Shein ou Zara. Cela ne nous laisse que très peu de visibilité. Selon moi, il faut acheter de manière cohérente et ainsi faire le choix du long terme, pour le vêtement et l’environnement. C’est pourquoi j’utilise des tissus comme la viscose, qui est très peu nécessiteuse en eau, ou le polyester recyclé, qui provient de bouteilles en plastique transformées. Je récupère aussi les excès de tissus de grandes maisons qui travaillent avec Dior ou encore Chanel.”
“Faire du tout avec du rien”
Danielle Engel trouve une dimension magique dans l’acte de “faire du tout avec du rien” et s’émerveille du processus de création des vêtements. “Dans un premier lieu, je m’inspire des gens : ils sont ma source d’imagination principale, je tire mes idées de la manière dont ils bougent, marchent ou sourient, raconte-t-elle. Ensuite je dessine mon modèle. Une fois mon croquis achevé, j’effectue le patron. Puis, je prends 3 à 5 mètres de tissus pour réaliser mon prototype, parfois je crée des imprimés uniques. Il m’arrive de faire des enquêtes d’opinion auprès de mes clientes pour savoir ce qu’elles aiment ou non. L’étape suivante est dédiée au défilé, aux essayages et au shooting photo. Après, j’envoie mon modèle en taille 36, qui est la taille standard, à l’atelier à qui j’ai donné les tissus. Là-bas, ils entrent le dessin dans un logiciel qui crée les tailles suivantes. Enfin, c’est le moment de la production et de la vente dans ma boutique au 17, rue de la Croix d’Or à Montpellier, sur mon site internet et chez les revendeurs.”
Des améliorations à venir
La créatrice se réjouit de travailler dans un milieu qu’elle façonne de ses propres mains, elle explique d’ailleurs que de nombreux changements viendront l’améliorer. “À partir de septembre, je ne travaillerai plus seule à l’atelier, cela va beaucoup m’aider, annonce-t-elle, soulagée. J’aimerais aussi beaucoup déplacer la production à Montpellier, car pour l’instant, elle est à Paris. Je voudrais également mettre en place un logiciel de création informatique, cela me faciliterait la vie !”