Dans l'Hérault, le bon filon des boissons sans alcool
Dry January. Deux mots qui, il y a dix ans, étaient encore un concept exotique. Aujourd’hui, ils marquent le début d’une transition dans nos modes de consommation. Ce défi né au Royaume-Uni en 2013, et adopté en masse en France, incite à une abstinence totale d’alcool pendant un mois. Une résolution qui trouve chaque année un écho grandissant : en 2023, ils étaient près de 10 millions à tenter l’expérience, selon une étude CSA pour la maison Chavin.
Et ce n’est pas qu’un effet de mode. Ce mois sobre catalyse une transformation profonde. Le marché mondial des boissons sans alcool a explosé, atteignant 11 milliards de dollars en 2023, avec une croissance annuelle moyenne de 7,8 %. En France, les “no/low” (sans ou peu d’alcool) séduisent près d’un tiers de la population, un chiffre qui grimpe à 45 % chez les 18-25 ans (source : SoWine).
“Le Dry January a ouvert la voie. Aujourd’hui, ne pas boire d’alcool, c’est une décision assumée, voire valorisée”, observe l’Héraultais Vincent Pugibet, du domaine La Colombette, pionnier du vin désalcoolisé.
Un mouvement porté par les jeunes
Ce sont les jeunes générations qui mènent la charge. Moins attirés par l’alcool que leurs aînés, ils recherchent des alternatives festives, mais plus saines et responsables. “Les jeunes ne veulent pas simplement un substitut. Ils veulent des produits cools et qui s’intègrent à leur mode de vie actif”, explique Jonathan Dubois, cofondateur de Goxoa, une marque de bières artisanales sans alcool.
Les chiffres confirment cette dynamique : en 2024, la bière sans alcool a connu une croissance de 15 % en France. Chez Goxoa, cette tendance se traduit par une fidélisation de plus en plus forte. “Notre bière est perçue comme une alternative sérieuse et qualitative, au même niveau que les bières artisanales traditionnelles, mais avec des bénéfices santé en prime”, précise Jonathan.
Et ce ne sont pas que les bières qui cartonnent. Le vin sans alcool, longtemps perçu comme un produit de niche, s’est démocratisé. La Colombette en est un exemple éloquent. “Depuis 2003, nous observons une progression constante, mais ces deux dernières années, c’est devenu complètement fou. Nos vins sans alcool représentent aujourd’hui un tiers de nos 3 millions de bouteilles vendues”, se félicite Vincent Pugibet.
Qualité et diversité : la clé du succès
L’autre raison du succès ? La montée en gamme des produits. Fini le temps où le sans-alcool se limitait à de l’eau pétillante ou à des jus trop sucrés. “Les boissons sans alcool ne sont plus des substituts bas de gamme. Ce sont des produits festifs et sophistiqués”, affirme Nicolas de Royer Dupré, cofondateur de Pierre & Nico, qui s’est spécialisé dans les cocktails prêts à boire.
Les consommateurs exigent désormais des produits qui respectent les codes du vin ou des spiritueux traditionnels, sans compromis sur le goût. “Nous cherchons à faire des vins sans alcool qui restent fidèles à l’essence du vin : pas trop sucrés, pas trop aromatisés, mais complexes et équilibrés”, explique Vincent Pugibet, dont le domaine s’exporte aujourd’hui aux États-Unis et au Japon. Même la mannequin Cara Delevingne s’y est intéressée, choisissant La Colombette pour produire une gamme de Prosecco sans alcool.
La diversité est également au cœur de la stratégie de Pure Drink, créée en 2022 à Castelnau-le-Lez. Cette jeune entreprise propose une gamme 100 % sans alcool, bio, artisanale et souvent locale, exclusivement destinée aux professionnels. “Les consommateurs ne veulent plus de substituts, mais des alternatives crédibles et gastronomiques”, explique Florian Farion, cofondateur. “Quand nous avons lancé, il y avait à peine 500 produits sans alcool sur le marché. Aujourd’hui, on en compte quatre fois plus.”
Les derniers freins
Malgré l’euphorie, des défis persistent. La distribution reste un obstacle majeur. “Convaincre des grands acteurs n’est pas évident. On entend encore : ‘Les gens veulent du Coca, pas autre chose’”, confie Nicolas de Royer Dupré. Les grandes surfaces, bien que de plus en plus ouvertes, laissent encore une part prépondérante aux géants comme Tourtel Twist, qui détient aujourd’hui près de 50 % du marché des bières sans alcool.
Pour pallier ces freins, certains misent sur des stratégies de niche. Pure Drink, par exemple, cible exclusivement les professionnels de la restauration et de la gastronomie. “Nous aidons les bars et restaurants à intégrer le sans-alcool dans leur offre, avec des accords mets et boissons qui créent une véritable expérience client”, détaille Florian Farion.