Société — Montpellier

Hélène Donnadieu, addictologue au CHU de Montpellier : "Le Dry January permet de se questionner sur la place de l’alcool dans sa vie"

Le Dry January, ce défi qui consiste à faire une pause dans la consommation d’alcool pendant un mois, n’est pas qu’une simple tendance. Il nous confronte à notre relation avec l’alcool, une relation que l’on perçoit souvent comme festive mais rarement remise en question. Pourtant, chaque année en France, l’alcool est responsable de 41 000 décès et reste l’une des trois premières causes de mortalité évitable.

Alors que les bonnes résolutions s’installent après les fêtes, Hélène Donnadieu, cheffe du service d’addictologie au CHU de Montpellier, nous aide à comprendre les dessous de cette maladie souvent mal comprise : l’addiction à l’alcool. Une pathologie bien plus profonde qu’un simple manque de “self control”.

L’addiction à l’alcool : un mythe tenace

On entend souvent que l’alcoolisme est une simple question de volonté, un mythe alimenté par des clichés comme celui de la célèbre publicité qui dit : “C’est de la faute à la bouteille”. Mais cette vision est réductrice et erronée. Comme le rappelle le Pr Hélène Donnadieu : “Les principales idées reçues sur les addictions sont que les personnes concernées auraient une maladie auto-infligée et manqueraient de volonté pour ‘s’en sortir’. C’est une représentation très péjorative de la maladie, multifactorielle qu’est l’addiction”. Ces jugements sont rarement exprimés à propos d’autres maladies chroniques, mais ils exacerbent la souffrance des personnes touchées, leur infligeant angoisse et culpabilité. “C’est un combat que de lutter contre ces idées reçues néfastes”, souligne-t-elle.

Hélène Donnadieu, cheffe du service d’addictologie au CHU de Montpellier ©CHU de Montpellier
Hélène Donnadieu, cheffe du service d’addictologie au CHU de Montpellier ©CHU de Montpellier

Le vrai problème, c’est la confusion persistante entre “consommation excessive” et “dépendance réelle”. Elle explique : “L’addiction, c’est perdre le contrôle.” Ce n’est pas une question de quantité, mais de pouvoir sur sa propre consommation. “On parle d’addiction quand la personne perd la liberté de s’abstenir de consommer. C’est-à-dire quand elle n’est plus en capacité de choisir le moment de consommer, la quantité, et que malgré la connaissance des conséquences, la consommation continue.”

L’alcool devient alors bien plus qu’un simple plaisir : il devient une nécessité, un moyen d’évasion. Souvent, ce sont les proches qui, avant nous, remarquent que quelque chose ne va pas. Les signes d’alerte sont subtils : boire pour se détendre, augmenter progressivement les doses, ou encore boire systématiquement en situation sociale. Ces comportements, souvent perçus comme anodins, peuvent marquer le début d’une dépendance aux conséquences dramatiques.

Une pause bénéfique, mais une illusion ?

Le Dry January n’est pas qu’un simple défi à tenir un mois sans alcool. Il offre des avantages notables, au-delà du côté “challenge”. Le Pr Donnadieu le précise : “Le Dry January s’adresse essentiellement à des personnes qui n’ont pas une addiction sévère, sinon cela pourrait être dangereux. Il permet de se questionner sur la place de l’alcool dans sa vie, de ressentir les bienfaits immédiats d’une pause, et de réajuster la place de l’alcool de manière plus raisonnée dans son quotidien.”

Les bienfaits sont palpables et immédiats : un meilleur sommeil, plus d’énergie, un esprit plus clair… C’est comme redécouvrir la vie sans la brume de l’alcool. Et ces effets peuvent perdurer bien après janvier. “L’analyse des précédents Dry January montre que ce mois sans alcool diminue généralement la consommation d’alcool dans les mois qui suivent chez ceux qui l’ont fait.”

D’ailleurs, les chiffres le confirment : en 2024, 61 % des Français connaissaient l’initiative et plus de 4,5 millions de personnes y ont participé, selon l’étude Janover. Ce n’est pas une mode passagère : c’est une occasion de réévaluer ses habitudes et de démarrer un changement durable.

Attention au mirage

Cependant, il serait naïf de penser qu’un mois sans alcool suffit à résoudre une dépendance bien ancrée. Le Dry January est un excellent début, mais il ne brise pas les chaînes de la dépendance. “Le Dry January est un outil de réduction des risques majeurs pour la santé des individus, mais il ne suffit pas pour traiter une dépendance sévère”, avertit la cheffe du service d’addictologie.

Avec l’essor des boissons sans alcool, certains croient que cela facilite la gestion de leur consommation. Cependant, le Pr Donnadieu met en garde : “Ces alternatives sont utiles, mais il faut se questionner sur l’idée de se tourner vers des boissons qui rappellent l’alcool, afin de ne pas maintenir les rituels associés.” Il est essentiel de ne pas se duper en pensant que remplacer l’alcool par une version sans alcool efface les habitudes profondément enracinées.

L’accompagnement médical : une étape indispensable

Pour ceux déjà piégés par la dépendance, le Dry January n’est qu’une première étape. “Ce n’est qu’une première étape”, rappelle-t-elle. L’accompagnement médical est fondamental : thérapies, traitements médicamenteux, consultations spécialisées… La dépendance à l’alcool, comme toute maladie chronique, nécessite une prise en charge de long terme.

Si l’addiction est déjà sévère, un mois de sobriété ne suffira pas. “Une personne en proie à une addiction sévère, avec des signes marqués de manque physique, ne doit pas entreprendre un Dry January sans accompagnement médical. Les médecins de premiers recours et les structures spécialisées en addictologie, comme les CSAPA, sont essentiels.”

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