Cuisine et vins — Saint-Guilhem-le-Désert

Saint-Guilhem-le-Désert : Château de Castillonne, du caviar, du bonheur et des esturgeons

Dégustation gratuite tous les jeudis à Lavérune, projet de nouveau restaurant, caviar par césarienne… Reportage à Saint-Guilhem-le-Désert, à la pisciculture Château de Castillonne.

Des dégustations gratuites de caviar et de produits fumés à Lavérune… Voilà le programme de la pisciculture du Verdus, Château de Castillonne qui a pour projet d’ouvrir un restaurant dans cette commune près de Montpellier, en début d’année 2025. En attendant, tous les jeudis sur la place de la République, des dégustations sur réservation de leurs mets sont possibles, dont leur caviar, qui a la particularité d’être extrait par césarienne, sans tuer l’esturgeon. Reportage à la pisciculture du Château de Castillonne à Saint-Guilhem-le-Désert, là où bien-être animal et caviar d’exception se côtoient.

Dans les Gorges de l’Hérault, dans la région d’Occitanie, entrelacé entre les montagnes du Verdus et ses ruisseaux, vit un petit village paisible, existant sous le regard approbateur en surplomb du château du Géant ou aussi appelé “Du Verdun”, désormais en ruine. C’est à Saint-Guilhem-le-Désert, qu’on produit, dit-on, un caviar “d’exception”. Léo Carpentier, est l’une des trois âmes de la pisciculture du Château de Castillonne qui nourrit le rêve singulier de François Réné, ancien directeur de recherche à l’IFREMER à Palavas-Les-Flot : produire un caviar sans tuer les esturgeons !

Pisciculture Chateau de Castillonne ©Mathis Brachet
Pisciculture Chateau de Castillonne ©Mathis Brachet

Plus belle la vie

En contrebas de la côte où s’est installé le trio, les esturgeons frétillent. Les bassins de la pisciculture abritent près de 500 spécimens noirs, luisants et semble-t-il, très amusés de la présence de l’homme près d’eux, en témoigne leur attroupement lorsque Léo s’approche. “On a une relation particulière avec nos poissons”, confie Léo. “Ils ont tous des noms.” Certains sont nommés pour leur trait physique particulier. “On a Dory qui a une nageoire manquante depuis sa naissance et Janet qui a le nez raboté, comme la chanteuse”, raconte cet ancien promoteur immobilier reconverti, tout en les désignant du doigt. Et pour chaque production de caviar, le nom est inscrit au dos de la petite boîte métallique contenant les précieuses pépites noires. “En ce moment, ce sont les œufs de Georgia, par exemple”, explique-t-il.

Esturgeon de Chateau de Castillonne ©Mathis Brachet
Esturgeon de Chateau de Castillonne ©Mathis Brachet

Ces passionnés chérissent leurs animaux. Si bien qu’au-delà de la norme bio imposant un maximum de 30 spécimens par mètre cube d’eau, Léo et ses compères ont fait le choix de conserver une population équivalente à 10 seulement. Un travail qui n’en reste pas moins titanesque et contraignant : il faut pouvoir habiter sur place pour parer à tout imprévu ou éventualité. C’est le cas, par exemple, lors d’orages. “On peut penser qu’il y a trop d’eau dans les bassins, mais c’est l’inverse, les tuyaux et les grilles se bouchent. Il faut qu’à deux heures du matin la personne en charge nettoie le système. Toujours être présent sur le site est capital”.

Un choix de vie qui en vaut la peine, car l’eau qui coule à Saint-Guilhem-le-Désert est particulière. Le Verdus offre aux esturgeons une qualité de vie parfaite pour la réalisation d’un mets unique. ”Il donne un caviar clair, très rond, sans vase. Des subtilités intéressantes.”

Un emplacement idéal tant pour l’élevage que pour les producteurs : “Les montagnes derrière nous font du lieu un bureau assez sympa”, sourit Léo, fièrement, en regardant tout autour de lui les rayons du soleil descendre et s’éteindre lentement sur les hauteurs qui entourent la pisciculture.

Tout pour vos beaux oeufs

Des esturgeons heureux et qui vivent longtemps, voilà donc le credo de ces pisciculteurs. Si la technique traditionnelle pour réaliser du caviar nécessite de tuer l’animal en l’éventrant, l’homme à l’origine du projet, François René, imaginera une solution inédite : pratiquer une césarienne sur le poisson pour récolter les œufs. Pris d’abord pour un fou par la communauté scientifique, il transmettra tout de même son savoir à son fils Frédéric qui l’améliora pendant deux ans pour obtenir près de 95 % de survie à l’opération dans cette même pisciculture.

Caviar du Chateau de Castillonne ©Mathis Brachet
Caviar du Chateau de Castillonne ©Mathis Brachet

Léo Carpentier, lui aussi est formé à la pratique et explique comment ils font pour ne pas faire souffrir l’animal. “L’esturgeon est un poisson qui hiberne en Sibérie. On va reproduire cette hibernation de façon artificielle grâce à un bain de glace dans notre laboratoire et le plonger en catalepsie, ce qui va nous permettre de l’opérer, le recoudre et le remettre dans l’eau.” Si la méthode est révolutionnaire, elle est néanmoins compliquée à réaliser et demande du temps et de l’énergie, avoue Léo. Énormément. Tant, qu’il n’est pas possible de comparer la production du caviar avec la technique traditionnelle, entre 900 kg et 30 tonnes, à la leur : une centaine de kilos par an. Ce qui en fait “Un produit exclusif, une petite production. Elle est principalement réservée aux chefs étoilés, et cela, sur plusieurs années.”

Le goût de nos souvenirs

Ainsi, la production de la pisciculture du Château de Castillonne est principalement réservée par les chefs de la région comme Philippe Goujot à l’Alternative, Pierre Gagnaire à l’Imperator ou à Clément Briand-Seurat dans son restaurant à Montpellier, Cena. “D’autres chefs rendent visite à la pisciculture, parce qu’ils ne travaillent pas le caviar traditionnellement, mais ont décidé de l’utiliser parce que c’est local.”

bassins de la pisciculture Chateau de Castillonne ©Mathis Brachet 1
bassins de la pisciculture Chateau de Castillonne ©Mathis Brachet 1

On ne vient pas de ce monde, alors on a pu s’affranchir de la vente traditionnelle”, explique Léo. Le caviar traditionnel provient d’un poisson tué en octobre et les œufs vendus en décembre. C’est un caviar jeune, un caviar primeur. Assez croquant et avec une salaison importante, on l’appelle aussi le caviar d’instant, car il ne reste qu’un court temps en bouche. “À l’inverse, nous nous sommes tournés vers un autre genre de mets : le caviar d’affinage. Avec un affinage de six mois pour développer les saveurs, il pourra durer jusqu’à quatre minutes quand la plupart des produits durent entre 30 et 45 secondes. La texture sera également plus crémeuse et donnera une plus grande longueur en bouche. Au goût, on pourra ressentir une saveur Umami et de noisette”, explique-t-il.

La technique de la césarienne ne changera pas le goût du caviar en lui-même. En revanche, “Elle joue indirectement sur la taille des œufs, puisqu’on a des esturgeons de plus en plus gros”, expose Léo. Normalement, le poisson est tué aux alentours de ses dix ans. “Nous, on peut faire plusieurs fois du caviar, comme avec Frédérica qui a déjà été opérée trois fois et qui a 16 ans déjà. Ses œufs sont encore plus gros, ils font entre 3,2 et 3,4 mm, contre 2,5 mm en moyenne dans une production classique”, souligne-t-il.

Mais le plus délicieux est le souvenir provoqué par la dégustation : “On a une dame qui vient tous les ans avec sa petite fille. Elles achètent une boîte de 100g qu’elles mangent ici même, au bord des bassins. C’est leur moment à elles, entre petite fille et grand-mère. Elles n’ont pas beaucoup d’argent, mais chaque année elles tiennent à venir. C’est un moment hors du temps”, se souvient Leo.

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