Embauche des cadres : vers un redémarrage progressif et contrasté
« Emploi cadre en 2021, quelles perspectives un an après le début de la crise sanitaire ? ». Lors de sa conférence de presse du 6 mai, l’Apec a laissé entrevoir une éclaircie. Après avoir fait le bilan 2020, l'Association pour l'emploi des cadres a apporté quelques perspectives pour 2021, avec un focus par région et par secteur.
228 700 recrutements de cadres en 2020. « Alors que nous avions pronostiqué des baisses de l’ordre de 30 à 40% des intentions de recrutements des cadres au sortir du premier confinement, nous sommes sur une baisse de 19% par rapport à 2019, détaille Gilles Gateau, directeur général de l’Apec. Nous ne sommes pas dans une crise hors normes, avec une baisse qui reste comparable aux grandes crises du passé ». C’est ce qui ressort de l’enquête annuelle del’Apec, réalisée auprès de 8 000 entreprises entre janvier et mars 2021. « La France a continué de créer des emplois cadres y compris pendant la crise avec un solde d’entrées et de sorties qui reste positif », constate Gilles Gateau, malgré des départs en retraite plus nombreux qu’en 2019 (+7 %).
Il semblerait que les entreprises aient comblé leurs besoins de compétences par de la mobilité interne, avec 53 000 promotions de cadres en 2020. Tout comme l’a montré l’enquête annuelle de Pôle emploi sur les besoins en main d’œuvre (BMO), publiée le 4 mai, qui fait état de 2,723 millions de projets de recrutement pour 2021 soit 30 000 de plus qu’en 2019 – et de perspectives d’embauche « extrêmement positives et encourageantes », l’Apec affiche un certain optimisme. Même si in fine, les deux ne se comparent pas : l’enquête Pôle Emploi a été réalisée plus tôt, entre octobre et novembre 2020 et prend en compte toutes les embauches, y compris les contrats courts. Tandis que celles de l’Apec ne retient que les intentions d’embauche en CDI et CDD de longue durée.
Les services à forte valeur ajoutée moteurs des embauches
En termes de prévisions, les entreprises envisagent de recruter 247 000 cadres, soit une progression de 8 % par rapport à 2020. Ce chiffre global cache d’énormes disparités territoriales et sectorielles. Le redémarrage progressif prévu en 2021 se fait ainsi à différents rythmes. Il est d’abord tiré par les métiers habituellement moteurs de l’emploi cadre qui représentent plus de la moitié des recrutements de cadres en France. A savoir, les activités informatiques (+22 %), l’ingénierie-R&D (+10 %) et les commerciaux et services marketing (+11 %). « Les embauches cadres ne retrouvent pas encoreleur niveau d’avant-crise, avec toujours une baisse de 12%par rapport à 2019, mais cela constitue un allant dans ce rebond. La progression de la fonction commerciale montre l’optimisme et la confiance des entreprises pour réamorcer la pompe de l’activité », note avec satisfaction Gilles Gateau. Plus globalement, les services représentent le plus grand pourvoyeur d’emploi cadre avec 74 % des embauches prévues en 2021. Certains secteurs comme la construction, les équipements électriques et électroniques, la chimie et mais aussi logiquement la santé (+7 %) s’en sortent plutôt bien.
D’autres restent en revanche très affectés par la récession, étant quasiment à l’arrêt. L’hôtellerie-restauration voit ainsi ses recrutements de cadres de nouveau reculer à 4 380 en 2021 (contre 5 470 en 2020 et 7 440 en 2019), soit une chute de 41 % entre 2019 et 2021. D’autres secteurs industriels restent fortement fragilisés, à l’instar de l’automobile-aéronautique et autres matériels de transport qui enregistrent,en 2021, une nouvelle baisse des recrutements de cadres de 8 %, après une chute de 32 %, entre 2019 et 2020.
De fortes disparités régionales et des publics particulièrement fragilisés
En termes géographiques, la dynamique pour l’emploi cadre est portée également par trois grandes régions : l’Île-de-France (+10 %), qui polarise près d’un recrutement sur deux grâce à la forte concentration en services à forte valeur ajoutée, la région Auvergne-Rhône-Alpes (+11 %), et les Hauts-de-France (+10 %). « A elles trois, ces places fortes de l’emploi cadre concentrent deux tiers des recrutements prévus en 2021, souligne Gaël Bouron, responsable adjoint du pôle études au sein de l’Apec. En revanche, certains secteurs importants restent à l’arrêt, impactant durement certains territoires ».
C’est notamment le cas de la région Occitanie, qui accuse une chute vertigineuse de 29% en 2020 par rapport à 2019 et affiche encore une évolution négative (-1 % en 2021 vs 2020), due essentiellement à l’impact de l’industrie aéronautique. Les régions Bourgogne-Franche Comté, Grand-Est et Normandie, caractérisées par d’importants bassins d’emploi industriels, ne bénéficient pas du redémarrage attendu, avec des progressions en 2021 qui oscillent seulement de 2 % à 4 %, par rapport à 2020. A contrario, la Bretagne tire son épingle du jeu. Moins impactée par la pandémie, et grâce à ses spécificités économiques, notamment la résistance des activités informatiques, cette région est la seule qui affiche des intentions de recrutements qui surpassent celles de 2019.
Comme avant la crise, les cadres de six à dix ans d’expérience restant les plus convoités, ils enregistrent une hausse de 14 % vs 2020. Ce sont les seuls à se rapprocher du niveau d’avant-crise. Si les débutants subissent de plein fouet la contraction du marché de l’emploi cadre, rendant leur insertion professionnelle difficile, les plus expérimentés ne semblent pas non plus profiter du redémarrage attendu pour 2021 : les plus de 20 ans d’expérience subissent ainsi une baisse des intentions de recrutements de 28 %, par rapport à 2019.