Emploi : 3 millions de chômeurs au 3e trimestre, "Il y a une dégradation assez notable du marché du travail"
Pas de dégringolade pour l'heure sur le marché du travail, mais un "chant du cygne"? : le nombre de demandeurs d'emploi sans activité (catégorie A) est resté quasi stable au troisième trimestre (+0,2%), tutoyant toujours la barre symbolique des 3 millions de chômeurs.
Selon les chiffres publiés vendredi par le ministère du Travail, le nombre de chômeurs inscrits à France Travail s’est établi à 3,021 millions en France (hors Mayotte), soit 5.200 inscrits en plus par rapport au trimestre précédent. En incluant l’activité réduite (catégories B et C), le nombre de demandeurs d’emplois s’établit à 5,4 millions. Il augmente de 0,2% par rapport au trimestre précédent et de 0,8% sur un an. La dernière fois que le nombre de chômeurs de catégorie A a été sous la barre des 3 millions remonte au 3e trimestre 2011 (2,992 millions), il y a 13 ans.
Par tranche d’âge, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A diminue de 0,9% pour les moins de 25 ans (+0,9% sur un an), augmente de 0,1% pour ceux âgés de 25 à 49 ans (-0,2% sur un an) et de 0,8% pour les 50 ans ou plus (+0,3% sur un an). Pour Mathieu Plane, économiste à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), “on est plutôt dans une stabilité du chômage”, ce qui s’observe depuis “une bonne année”.
Mais, dit-il, c’est un peu “le chant du cygne”, car on observe “quand même une dégradation assez notable, petit à petit, du marché du travail”. Il prédit “un ajustement progressif” avec “des destructions d’emplois”, lié à plusieurs facteurs dont “l’ajustement budgétaire”, une croissance faible, ou encore des “politiques de l’emploi qui sont moins généreuses”. “On est sur le plateau, mais on ne devrait pas y rester”, estime l’économiste.
“On est qu’au début”
Même pessimisme pour Nathalie Chusseau, économiste à l’Université de Lille, qui relève “un indicateur conjoncturel qui n’est pas de bon augure” et juge qu’“on est qu’au début”. Elle souligne que “la hausse se concentre quand même sur les personnes de 50 ans ou plus”, ce qui est à mettre en lien avec “la question du recul de l’âge de la retraite”, avec en corolaire le sujet du maintien en emploi des seniors.
Elle pointe aussi la hausse des entrées à France Travail pour cause de licenciement économique (+5,7%) estimant que cela corrobore “le pessimisme ambiant”, notamment en ce qui concerne l’industrie où certains secteurs “souffrent particulièrement”, comme l’automobile.
Plus que cette augmentation des entrées pour cause de licenciements, Mathieu Plane juge pour sa part “inquiétante” la baisse des sorties de France Travail pour reprise d’emploi déclarée (les personnes qui sortent des statistiques parce qu’elles ont trouvé un emploi).“Il y a une chute sur le dernier trimestre qui est marquée” (-9,4%), relève-t-il, mais surtout, “c’est le point le plus bas depuis 2014 à l’exception du choc Covid”. “Cela montre qu’on a un petit problème du côté du dynamisme du marché du travail et qu’on a un très fort ralentissement du côté de l’emploi”, poursuit l’économiste.
Les économistes s’attendent à une remontée du taux de chômage mesuré par l’Insee, qui sert pour les comparaisons internationales. Il était de 7,3% au deuxième trimestre. Dans sa dernière note de conjoncture en octobre, l’Institut national de la statistique anticipait ainsi une “légère” hausse pour s’établir à 7,5% en fin d’année. L’OFCE a aussi indiqué la semaine dernière s’attendre à ce qu’il grimpe à 7,5% fin 2024 et même 8% un an plus tard.
Le gouvernement n’a pas pour autant abandonné l’objectif de plein emploi que le chef de l’État Emmanuel Macron espère atteindre en 2027. Il se définit par un taux de chômage “frictionnel”, ne concernant que les personnes entre deux emplois ou arrivant sur le marché du travail, évalué autour de 5%. Dans un communiqué, la CGT voit dans la hausse des demandeurs d’emploi ce trimestre “l’échec flagrant” d’Emmanuel Macron.