Emploi : des conditions de recrutement plus souples
Face à la tension du marché, les entreprises semblent faire œuvre de davantage de souplesse pour recruter.
Perspective des recrutements, impacts de la pandémie, recrutement virtuel, diversité… L’enquête annuelle de Monster, The Future of Work, a abordé divers domaines pour comprendre l’état d’esprit, les enjeux et les attentes pour 2021 des recruteurs et des candidats, après une année marquée par la crise…
« Pour six cadres sur dix, la crise a été l’occasion de réfléchir sur le sens à donner à leur vie professionnelle*, affirme Gilles Gateau, directeur général de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres). Ils ont l’envie et la volonté de développer leur carrière en intégrant des critères de qualité de vie. Cependant, leur mobilité ne sera pas aussi grande que les années passées car nous ne sommes pas au même niveau d’offres ». Par rapport au marché des cadres des années passées, « en 2020, nous étions entre -30 et -40% sur le recrutement de cette population », rappelle le responsable. Certains secteurs d’activité peinent à retrouver leur niveau de recrutement d’avant la crise, alors que d’autres « marchent bien », notamment ceux de la construction, de l’ingénierie et l’informatique.
Perspectives d’embauche inégales
Dans l’IT, 28% des entreprises prévoient de créer de nouveaux postes. Soumia Malinbaum, vice-présidente chez Keyrus et co-présidente de la Commission emploi du Syntec numérique, syndicat professionnel de l’industrie du numérique, dresse un bilan optimiste de son secteur avec « deux entreprises sur trois qui ont maintenu leurs effectifs et qui ont continué à recruter en 2020 et des perspectives d’embauche sur 2021 marquées par un optimisme fragile, mais réel. » De manière générale, les perspectives de recrutement dans les entreprises sont bien orientées, avec 82% des employeurs qui prévoient de recruter en 2021 et 90% qui se disent confiants dans le fait de trouver les bons candidats. Ainsi, moins de 20% d’entre eux envisagent de geler leurs embauches en raison de la situation.
Source d’inquiétude, les jeunes. « Notre préoccupation reste forte pour les jeunes diplômés qui entrent sur le marché du travail et sont plus pénalisés que les autres », explique Gilles Gateau. Consciente de leurs difficultés, l’Apec a déployé, dès septembre 2020, un plan « Objectif Premier Emploi » visant à accompagner 50 000 jeunes diplômés d’ici à l’été, soit plus du double des années précédentes. Heureusement, certaines entreprises privilégient encore ces embauches. C’est le cas de la société de conseil Mazars qui, « sur un objectif de 800 recrutements en 2021 va recruter 600 personnes juniors en France », note Charlotte Gouiard, responsable RH Tech & Expérience candidats chez Mazars.
Moins de barrières du côté des recruteurs
Heureusement, la politique volontariste du gouvernement et les aides pour embaucher des alternants ont créé «un appel d’air », relève Soumia Malinbaum. « La crise a rebattu les cartes du recrutement, certaines entreprises ayant recruté pour la première fois des alternants », ajoute-t-elle. Bonne nouvelle, le contexte amène les recruteurs à faire des concessions et lève certaines barrières, donnant plus de latitude aux candidats. Ainsi, 28% des RH se montrent par exemple moins regardants sur le manque d’expérience des jeunes diplômés. Et 42% accordent moins d’importance au secteur géographique des candidats, si celui-ci est éloigné de l’entreprise, 39% se montrent moins attentifs aux « trous » non-expliqués dans les CV, affirmant que c’est devenu chose acceptable en raison des circonstances actuelles. Autre phénomène auparavant peu apprécié des recruteurs, le « job hopping » (changement d’emploi fréquent) ne serait plus un obstacle pour un recruteur sur deux(49%). Parmi les différents challenges à relever cette année pour les RH, outre, le recrutement virtuel à distance, le tri d’un volume de candidatures plus important qu’auparavant, la gestion d’attentes irréalistes en matière de salaires (pour 27% d’entre eux) et l’évaluation de la productivité des futurs salariés en télétravail.
Nouvelles pratiques RH
Concernant les pratiques RH mises en place pendant la crise, un employeur sur deux estime que ces changements seront permanents après la crise. Il en va ainsi de la flexibilité de télétravail offerte en réponse à la crise par 53% des employeurs et de celle des horaires de travail, proposée par 43% d’entre eux. Des évolutions RH qui rejoignent les attentes des candidats, notamment sur ces deux pratiques, jugées conditions sine qua non d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. « Le télétravail devient un atout supplémentaire pour les entreprises qui recrutent », juge Michaël Carpentier, manager chez Expectra,filiale du groupe d’intérim Randstadt. Même si in fine « les offres d’emploi ne font pas toujours référence aux conditions de travail », regrette Gilles Gateau.
En revanche, certaines pratiques divergent avec les attentes des candidats. Ainsi, près d’un tiers des salariés souhaitent sécuriser les salaires. « Les candidats ont peur de perdre leur emploi et ont besoin d’être rassurés. Ils ne sont pas prêts à faire des concessions en matière de salaire », estime Romain Giunta,responsable Marketing B2B de Monster France. En termes de carrière, un autre tiers désire se former aux nouvelles méthodes de travail et 27% avoir des opportunités de développement de carrière, n’ayant pas envie de stagner dans leur vie professionnelle pendant la crise. Du côté des RH, les priorités semblent tout autres et concernent l’amélioration des protocoles sanitaires, le renforcement de la sécurité et l’amélioration de la collaboration.
*Chiffre issu du Conseil en évolution professionnelle (CEP)
** Etude globale annuelle « The Future of Work », réalisée auprès de plus de 8 000 recruteurs et candidats dans le monde