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Étienne Garcia : « Il y a beaucoup de films dont l’intention est politique »

À partir de ce jeudi 16 et jusqu’au lundi 20 janvier, Carcassonne accueille la 7e édition du Festival international du film politique, un rendez-vous devenu incontournable pour les amateurs de films engagés et porteurs de questionnements sur la société. Interview d’Étienne Garcia, président de ce festival au programme alléchant présentant 44 films dont 38 avant-premières cette année.

Votre ambition, avec ce festival du film politique, c’est de “parler politique sans politiciens” et sans “enjeux directement électoraux”. Comment y parvenez-vous ?

On a tous vu des films qui nous ont interrogés sur la société et qui ont marqué plus fortement nos mémoires et notre engagement que des pétitions ou des manifestations sur des questions variées. Ils ont questionné notre monde et l’humanité, de manière générale. C’est très grand, le champ politique, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de films dans le monde dont l’intention est politique. […] Du coup, nous sommes complètement en dehors du champ électoral puisqu’on n’a pas de thématique liée à ce qu’on vit aujourd’hui ou à la mort de [Jean-Marie] Le Pen, par exemple. Ce sont les médias qui traitent l’information. Nous, nous ne sommes pas un festival d’information, mais un festival de films, on apporte un regard et on sélectionne ceux qui nous paraissent les plus pertinents, que ce soient des documentaires, des courts métrages ou des longs métrages.

« On a tous vu des films qui nous ont marqué plus fortement que des pétitions ou des manifestations. »

Il y a 44 films sélectionnés, dont 38 long métrages. Qu’est-ce qui a guidé votre choix ?

L’ouverture des comités de sélection se fait dès le mois de juillet. Il y a en trois – courts métrages, documentaires et longs métrages – qui mixent des personnalités venues de tous horizons, de différents milieux […]. Cela permet de ne pas fermer la perception dans un entre-soi [les 13 membres ont visionné plus de 220 films], ce qui fait que la sélection bouge jusqu’à tard dans l’année. Elle est réellement définitive à la fin du mois de novembre, au moment où on la présente au public.

Et côté jury ?

Pour le jury fiction, ils étaient quatre l’an passé, ils sont cinq cette année. Il y a un grand producteur – il a produit La Haine, Welcome, La Loi du marché, etc. -, de très grands films politiques, c’est Christophe Rossignon. Il y a aussi Mounia Meddour, une réalisatrice engagée, césarisée pour “Papicha”. Ensuite, il y a trois comédiens :  Alice Isaaz, la plus jeune, Pierre Deladonchamp, une [étoile] montante du cinéma français, et Anne Consigny, comédienne césarisée qui a une carrière de théâtre également très importante. 

Le jury documentaire est composé de membres du syndicat de la critique et puis ensuite on a un jury court-métrage avec des jeunes youtubeurs, qui sont critiques sur le web.

Étienne Garcia © Stéphanie Limongy.
Étienne Garcia © Stéphanie Limongy.

Vous avez d’ailleurs plusieurs temps forts cette année, notamment la masterclass de Costa-Gavras…

Oui, il vient également présenter son dernier film en amont [Le Dernier souffle] et en avant-première. C’est quelqu’un à qui je dois beaucoup. Quand l’idée du festival est née, j’avais 28 ans, donc des difficultés à trouver de grands partenaires. Et Costa a su leur dire, à Cannes lors d’une réunion, qu’il fallait qu’ils fassent pleinement confiance aux projets artistiques qui étaient portés et qu’il nous soutiendrait dans la mesure où on avait vraiment la pleine liberté de travail dans ce champ, hors politicien, hors actualité, hors enjeux électoraux.

Costa est un fil conducteur depuis très longtemps, sa bienveillance est totale, je l’appelle x fois par an depuis qu’on s’est rencontrés en 2018, pour lui expliquer quelle est notre démarche, quels films on a vu, comment ça se passe, etc. […] On est très honoré de l’accueillir et de faire cette masterclass pour le public au palais des congrès le 18 janvier.


« Le Seigneur des Anneaux ou Star Wars sont des films archi-politique. »

Vous parliez des films politiques qui nous ont tous marqué dans notre vie. Quels sont ceux qui vous ont marqués, vous ?

Clairement, pour moi, c’est “Welcome” [Philippe Lioret, 2009]. Parce que j’ai 19 ans, parce que j’habite à Roubaix, parce que je fais mes études audiovisuelles, que je suis à quelques kilomètres de Calais, que je vais en festival à Angers. Et je vois cette histoire entre ce jeune migrant et Vincent Lindon, qui me bouleverse profondément, je vois que Philippe Lioret questionne la dignité humaine à ce moment-là et je me dis : « waouh, en fait, on n’est pas forcément là pour raconter une histoire dans un film de cinéma, il y a autre chose. Derrière cette histoire-là, peut-être qu’on peut changer des choses. » 

Le film a fait un million et demi d’entrées, des textes de loi sont allés au Sénat et il y a une association à Perpignan qui s’appelle Welcome 66 pour l’accueil des immigrés, etc. 

Et puyis j’ai l’impression que ça fait très longtemps que je regarde des films politiques. Beaucoup de de choses sont évoquées dans le Roi Lion, par exemple [..] ou dans des fictions très grand public comme Star Wars ou Le Seigneur des Anneaux, qui sont archi-politiques. On ne s’adresse pas à une élite […]. Les séries comme Baron Noir, House of Cards, Le Bureau des légendes ou d’Argent et de sang sont infiniment politiques.

Est-ce que l’on peut dire que la réussite d’un film politique, c’est d’avoir des conséquences dans la réalité ?

J’ai du mal à savoir quelle est la finalité du film politique. À la base, c’est qu’il puisse être vu, si cela peut faire changer certaines choses, tant mieux. C’est toujours très difficile à mesurer, on n’a pas d’indicateur ou de chiffres. Costa-Gavra a fait de grands films sur les dictatures et il y a toujours des dictatures… Mais par contre, montrer des choses, justement, que l’on n’attendait pas et qui ont bougé les lignes du monde, quoi qu’il en soit, il y aura eu de la résonance. […] Donc oui, c’est une finalité si on peut avoir un impact.


« Le cinéma, c’est un questionnement et non pas la transmission d’un message. Ça, c’est du militantisme. »

Maintenant pour le reste on dit toujours qu’une œuvre elle est faite pour être vue, partagée et appréciée. […] D’ailleurs, Costa-Gavras dit toujours que [le cinéma] c’est un questionnement et non pas une transmission de message. La transmission de message, c’est le film militant. Vous avez vu ça donc vous allez penser ça. Alors que le film politique, c’est justement pas ça, c’est : vous avez vu ça, pensez ce que vous voulez.

Vous faites un festival de film de genre, d’un genre qui n’existe pas vraiment. Pensez-vous que, au fil des éditions, vous allez arriver à définir vraiment ce qu’est un film politique ?

Ce n’est pas évident. On continue à avoir des vraies divergences aussi dans les comités de sélection en fait, des divergences. […] Nous, c’est ce que l’on s’est dit, c’est : est-ce que le cinéaste a eu pour intention d’éveiller des consciences ou pas ? En ce sens, est-ce que le film est considéré comme politique ? Mais de là à ce que ça devienne un genre… On touche au drame, au film de guerre, à la comédie, au cinéma d’animation… C’est tellement large que, finalement, la politique est entrée dans beaucoup de genres.

– Du 16 au 20 janvier 2025,  44 films sont  projetées, dont 38 avant-premières, issues de 28 nationalités. Parmi ces créations, 21 films sont en compétition (fictions, documentaires et courts-métrages).

– Les journées professionnelles, ouvertes au public, seront ponctuées par des interventions avec, entre autres, Patrick Chauvel, grand reporter et photographe,  Thierry Laurentin, ancien directeur des ventes chez Gaumont.  

Programmation et  infos pratiques sur :  www.festival-cinema-carcassonne.org/fr

Festival international du film politique de Carcassonne, 6e édition, Ken Loach © Nicolas Lalos.
Festival international du film politique de Carcassonne, 6e édition, Ken Loach © Nicolas Lalos.
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