Florensac : première société à mission dans les services publics de l’eau potable
Depuis le 1er janvier 2022, Eau du Bas Languedoc est le nouveau distributeur du service public d’eau potable des 21 communes du Syndicat du Bas Languedoc.
Cette Société d’Economie Mixte à Opérateur Unique (Semop) est une première en France dans un service public essentiel. Le 5 janvier dernier, elle a été officiellement lancée en présence de Yves Michel, président du Syndicat du Bas Languedoc et de la Semop, Marc Coustol, directeur du Syndicat, Laurent Sulkowski, Directeur de la Semop, et Antoine Bréchignac, directeur régional Suez eau France Occitanie.
Entreprise à mission
La forme juridique de la Semop « permet d’avoir un meilleur partenariat entre le privé qui a la gestion et la technicité, et les élus. Les élus seront en effet présents au sein même du Conseil d’administration, des comités stratégiques, du comité de suivi. Cela nous permettra régulièrement d’amener notre avis sur différents choix. Il y aura une action quasiment quotidienne dans le cadre de la gestion de la société » développe Yves Michel, le président d’Eau du bas Languedoc. Cette société d’économie mixte est détenue à 40% par la collectivité et 60% par Suez : cela se veut le gage d’une gouvernance partagée et transparente pour le service. L’entreprise s’est dotée d’une raison d’être : « assurer l’accès de tous à un service public d’alimentation en eau potable, géré de façon durable ».
Les enjeux environnementaux sont particulièrement importants sur le territoire, « nous devons garantir une des ressources principales, qui est la ressource en eau. La Semop aura en charge de protéger la ressource en eau (notamment le gaspillage) en améliorant les rendements, réduire les émissions de CO2, améliorer l’efficacité énergétique et protéger la biodiversité. Nous devons également diversifier les ressources : les nappes d’accompagnement de l’Hérault, les champs captant, l’usine de Fabrègues » rajoute Yves Michel.
L’entreprise à mission « a non seulement le besoin d’aller vers un rendement économique, mais également un rôle à jour dans l’écologie, le développement durable, le social. Ces piliers sont une des obligations d’Eau du Bas Languedoc », précise le président Yves Michel. Les objectifs de développement durable sont inscrits dans les statuts. Un comité de mission de 6 personnes, composé de 5 personnes de la société civile et un salarié, sera mis en place pour vérifier et s’assurer que l’objet de l’entreprise à mission est respecté.
Les prix devraient baisser de 10%
Yves Michel a déclaré « nous allons essayer de mieux répartir le coût de l’eau, le coût du mètre cube. Au premier janvier 2022, pour une consommation moyenne de 120m3 du foyer, la facture baissera de 10%. » Cela a été rendu possible par une baisse de l’abonnement eau potable et la création d’une deuxième tranche de consommation : usage vital de l’eau jusqu’à 120m3 et usage essentiel au-delà des 120m3. Cela permettra aux usagers, touristes comme résidents, de participer à la préservation de la ressource en adoptant une consommation raisonnée.
Pour lui : « le droit à l’eau, pour nous, il est universel. Ce volet social voit la création du chèque eau, géré directement par les Ccas. La société Eau du Bas Languedoc a prévu 10 000 € de budget pour ce sujet, le Syndicat va l’abonder si nécessaire. L’objectif est que certaines personnes n’aient pas à payer la partie ‘vitale’ qui sera remboursée sur la partie consommation. Nous serons précurseurs sur ce point pour venir en aide aux personnes qui sont le plus en précarité. »
Des usagers mieux informés
Pour Antoine Bréchignac, directeur régional Suez eau France Occitanie, « le groupe Suez apporte son expertise et sa R&D dans la création de cette Semop. C’est un modèle de gestion du service public qui nous plaît beaucoup par la cogestion avec les collectivités. Notre rôle est d’être en appui et en soutien. Il y a notamment un point particulier qui ressort : l’intelligence artificielle. C’est assez innovant d’apporter notre développement concernant le pilotage de la donnée et l’intelligence que l’on met autour des données pour préserver la ressource en eau et la prélever au meilleur moment. On va pouvoir gérer durablement la ressource et cela engendrera une baisse de 5€ par usager par an. On coche toutes les cases de l’économie circulaire, et de l’écologie. Concernant le pilotage des pertes en eau, nous allons installer 400 capteurs supplémentaires. Nous allons atteindre 91,5% de rendement de réseau, l’équivalent de la consommation d’une ville de 20 000 habitants qui va être économisé. Pour la télérelève, le syndicat était déjà dans cette démarche depuis une quinzaine d’années. Sur le Syndicat, nous avons la télérelève la plus fiable de France : plus de 98% de taux de disponibilité de la donnée relevée par les compteurs connectés tous les jours. Cela permet que les usagers reçoivent tous les jours des alertes fuite ou des alertes de surconsommation. »
« 2% des usagers reçoivent ces alertes. Cela leur permet d’économiser 4% de la consommation totale de l’ensemble du territoire. Grâce à cet outil, chaque citoyen s’engage et est acteur de la préservation de la ressource » rajoute le directeur régional.
26 millions d’euros d’investissement
C’est le montant que la Semop investira dans les 13 prochaines années. Cela visera notamment à préserver et sécuriser la ressource en eau, protéger la biodiversité, baisser l’empreinte carbone du service, moderniser les services clients, améliorer les conditions de travail des collaborateurs, protéger les installations (intrusion ou cybercriminalité).
Pour Laurent Sulkowski, Directeur d’Eau Bas Languedoc, « nous œuvrons pour une population de 220 000 habitants (en hiver), qui monte à plus de 500 000 en été. Nos équipes, ce sera 30 personnes dédiées à la production et la distribution (850 km de réseau et 50 465 compteurs) plus 10 personnes en équivalent temps plein des services régionaux de Suez. Nos salariés sont également motivés par l’intérêt général et le fait d’être entreprise à mission. Nous allons investir dans un système de télérelève en allant plus loin avec de nouveaux services comme des conseils personnalisés pour réduire les consommations. Nous aurons également 4 accueils physiques sur l’ensemble du territoire. Nous allons notamment rénover celui de Marseillan en intégrant un système qui permet de recevoir des personnes en langue étrangère. À Cournonterral nous aurons en plus un service de visio pour couvrir toute la semaine afin que l’accueil reste ‘physique’. »
Visite de la station André Filliol
C’est ici que se trouve la ressource historique du Syndicat du Bas Languedoc : « ce syndicat a été créé en 1946 par 9 communes pour la compétence de l’eau qui se décline en 3 parties : la production d’eau, l’adduction (le transport de l’eau) et la distribution. Au fil du temps, le périmètre s’est agrandi et nous sommes aujourd’hui à cheval sur trois intercommunalités représentant 27 communes : la métropole de Montpellier (pour 9 communes), Sète Agglopole Méditerranée (14 communes) et Agglomération Hérault Méditerranée (pour 4 communes) », explique Marc Coustol, directeur du Syndicat Bas Languedoc.
Pour Jean-Claude Aragon, vice-président du Syndicat du Bas Languedoc, qui est intarissable sur l’histoire de l’usine André Filliol : « André Filliol est le bâtisseur visionnaire de cette usine. J’ai eu la chance et le bonheur de le connaître. Sa fille m’a donné accès à certains de ses documents de travail. André Filliol a créé le syndicat avec le maire de Sète et le maire de Mèze. Les premiers tuyaux qu’il a posés apparaissaient à ce moment-là très très gros. J’ai retrouvé une lettre qu’il a envoyée au ministre de l’époque (il y a 80 ans) : il lui expliquait que le syndicat se créait, qu’il allait porter l’eau jusqu’à la mer et qu’il serait bien de donner le samedi en congé en plus du dimanche que les gens puissent venir passer le weekend à la plage. Dans ce cas-là, nous créerons des stations balnéaires avait-il dit. »
La visite de l’usine s’est faite sous l’expertise du passionné David Mimard, responsable de production. Dans la salle « musée », la salle des pompes, l’exposition photo et la première carte de couverture accueillent les visiteurs : une illustration de la zone alimentée avec la précision du nombre d’habitants alimentés à cette période. Pour David Mimard « une station de traitement d’eau potable, c’est un peu une marque de l’histoire, du temps. On y voit les évolutions technologiques, réglementaires, et les évolutions démographiques. L’usine a été créée, car il y avait des manques d’eau notamment à Sète. 9 communes au départ se sont associées pour créer des réseaux de canalisation : le syndicat a été créé en 1946. » L’usine de Florensac se situe sur la nappe aquifère, la nappe d’accompagnement de l’Hérault. Le premier bâtiment est sorti de terre en 1956. La station de pompage n’a pas beaucoup changé « il y a eu quelques coups de peinture », précise en souriant David. « Ensuite il a fallu construire des réservoirs et châteaux d’eau pour stocker l’eau. Certains étaient semi-enterrés, les châteaux d’eau étaient signe de richesse. Ces réservoirs doivent avoir une autonomie minimale de 24h », explique-t-il. Les puits font 12m de profondeur, et les pompes descendent de 22m jusqu’à 25m. Les outils informatiques d’analyse de données sont performants, le site est un point d’importance vitale. Il est contrôlé plusieurs fois par semaine, et même quotidiennement pendant la période estivale. « L’eau est traitée au chlore. On vérifie la turbidité (clarté et transparence de l’eau). On a également un paramètre biologique : capteur de mobilité des poissons » détaille David Mimard. « Nous avons un système de suivi en temps réel : le réseau, les pompes, les communes, les niveaux d’eau dans chaque réservoir, les débits, les lieux où il faut intervenir et le niveau d’urgence de l’intervention… En même temps, nous nous adaptons également pour surveiller et optimiser les coûts d’énergie (nous fonctionnons plutôt sur les heures creuses) », rajoute-t-il.