Livres — Frontignan

Frontignan : Laurence Serra fait vivre l’opération archéologique ‘Aresquiers 12’ dans un livre

Laurence Serra est archéologue maritime. Elle fait partie de ces gens qui, lorsqu’ils vous racontent une histoire, vous embarquent et vous donnent envie de la vivre avec eux. Son port d’attache est Frontignan et elle fait partie de la Section de Recherche Archéologique de Frontignan.

(Extrait de la couverture La Justine et l’Olympia, 1867)

C’est pour partager ce qu’elle a vécu lors de fouilles maritimes à Frontignan qu’elle a écrit le livre La Justine et l’Olympia – 1867, un cold case sous la mer, livre édité par Le Papillon Rouge, éditeur de Villeveyrac. Ce chantier de fouilles a porté Laurence Serra et son équipe dans une véritable enquête pour (r)établir la réalité de ce qu’il s’est déroulé cette terrible nuit du 14 février 1867. Cette aventure vécue et le livre qui en est sorti pourraient être la base d’un scénario de série à plusieurs saisons !

Qui est Laurence Serra ?

« Vaste question ! » commence par répondre l’archéologue aux mille facettes quand on lui demande comment elle en est arrivée là : « cela fait longtemps que je suis archéologue. J’ai toujours voulu faire de l’archéologie sous l’eau. J’ai commencé par des études de psycho à Paul-Valéry à Montpellier, j’ai ensuite travaillé dans le privé, les RH et la formation. Enfant, j’étais toujours baigné dans l’histoire romaine, car nous pêchions des oursins dans des champs d’amphores en Tunisie. C’était un peu le jeu de la chasse au trésor. Mes parents nous amenaient dans des musées découvrir tout ce qui était ethnologique, les métiers de l’artisanat, les artisans qui faisaient perdurer les métiers ancestraux. Cela doit venir de là ». C’est finalement assez « tardivement, lors d’un voyage en Syrie avant la guerre, que j’ai eu le choc. Ma vocation d’archéologue est arrivée comme une révélation. Je suis rentrée, j’ai repris mes études et je suis devenue archéologue ».

C’est par le CNED qu’elle débute ses nouvelles études, passant ensuite ses niveaux de plongée loisirs qu’elle débute à Paris en piscine après avoir quitté Montpellier. Elle passe ensuite à Marseille ses niveaux professionnels. C’est là que le service du ministère de la Culture, le DRASSM, « le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines nous a proposé, à ma petite bande et moi, de venir comme bénévoles sur une épave au large de l’île des Embiez. On commence souvent comme bénévole. L’archéologie est un métier de passion et cette vie de chantier m’a passionnée : c’est un peu comme une troupe de théâtre, on vit ensemble 24h/24, deux mois par an pendant quatre ans ». Durant ses études de psycho, Laurence Serra avait pris une option criminologie, une prédisposition ou une prémonition ? « Faire une fouille archéologique sous-marine, c’est réellement mener une enquête sur le terrain, puis dans les archives, dans les médias », constate l’autrice.

Dans la région Occitanie, il existe trois associations d’archéologie : une à Perpignan, Collioure ; une à Agde, historique avec l’Éphèbe du Musée d’Agde ; et celle de Frontignan qui s’est fait connaître avec les épaves napoléoniennes du Lion et du Robuste ; elle qui existe depuis 1981. « Cette ‘greffe’ avec l’association frontignanaise a pris et je suis avec eux depuis 2003. Nous avons commencé à fouiller ensemble, avec l’épave de l’Amphitrite pendant trois ans. Nous avons sorti un livre à ce sujet ». C’est à cette occasion qu’elle précise ses méthodes d’enquête : « chercher dans la presse ancienne, identifier les nouvelles maritimes dans la presse qui annonçaient en deux lignes le naufrage, les archives des douanes. Nous avons fouillé beaucoup d’épaves et malgré notre méthode de recherches, toutes ne trouvent pas d’identification ».

LaurenceSerra
LaurenceSerra

De rebondissement en rebondissement

Laurence Serra « aime bien la marine marchande, les histoires de commerce. On me propose alors ‘Aresquiers 12’, nom de code de l’opération, car il y avait des traces de soufre autour d’une épave. Le soufre sert à la fermentation du vin, limite les champignons au printemps dans les vignes. L’Hérault étant un département viticole, le port de Sète étant très proche, il y a eu une usine de soufre à Frontignan qui a tourné pendant 100 ans ; elle faisait travailler la moitié de la ville … L’agent du ministère de la Culture souhaitait rattacher cette épave avec l’histoire locale, que l’on puisse l’identifier ou pas ». Les autorisations pour fouiller sont donc données et l’aventure débute en 2015.

« Nous avons débuté par une enquête sur le terrain en étudiant les restes du navire, la structure la plus basse. Nous allions effectuer un travail d’archéologie : rendre un rapport documenté avec des photos. Nous avons découvert des compressions circulaires, nous pensions à des pièces de monnaie. L’un de nous a fait tomber une de ces compressions et la pièce s’est ouverte en deux. A l’intérieur nous avons découvert l’empreinte de la pièce dans la compression. On a relevé dessus l’inscription ‘Napoléon 3, 1862’. Nous sommes alors allés chercher dans la presse ancienne, dans les archives à Frontignan. Puis, nous sommes allés aux archives de Pierresvives consulter le dossier des naufrages. Puis nos recherches nous ont menés vers la presse : nous avons trouvé e nombreux navires transportant du soufre. Au détour d’une page, nous sommes tombés sur un véritable feuilleton à la suite d’un ‘scoop’ dans la presse. Le journaliste avait réalisé un réel travail d’investigation, du même niveau que la journaliste Florence Aubenas. Sur presque un mois entier, de nombreux articles ont été publiés. Il y a eu 8 morts à la suite de ce naufrage, l’affaire était importante. En fait, nous nous sommes rendu compte que sur ces 8 morts, il y a avait les 7 morts de la Justine dont le capitaine. C’est ce que le journaliste a écrit qui nous a intrigué. Nous n’avons pas le nom de ce journaliste et le regrettons. Il raconte que parmi les deux seuls survivants se trouvent un officier, le second et le cuisinier. Les deux raconteront deux versions différentes ».

Les fouilles se transforment en enquête policière. Qui dit vrai ? Comment trouver des éléments 150 ans plus tard ? Laurence Serra partage dans son livre les montagnes russes émotionnelles de ses découvertes, les ‘coups de chance du destin’ qui apportent une réponse et de nouvelles questions à creuser. Elle partage jusqu’à des échanges de mails qu’elle a eus avec des professionnels, chaque mail apportant une preuve, une réponse, une validation d’hypothèse ou encore de nouvelles questions. Son livre explique le métier d’archéologue, présentant les outils, les méthodes et les innovations dont elle a pu se servir pour identifier le second navire, l’Olympia : « le même type de sous-marin qui est allé visiter l’épave du Titanic ! », confie-t-elle. Elle y partage aussi l’histoire du territoire, les liens découverts et les personnalités qui ont compté.

La transmission à cœur

Dans son ouvrage, Laurence Serra transmet. Elle le fait également en participant à des conférences et des ateliers avec des collégiens « avec un sourire permanent qui dit sa bienveillance et son plaisir de partager ‘son’ affaire. Une plongée dans le passé du village et une occasion de confronter les jeunes à l’écrit et à l’histoire », comme le précise dans sa préface Michel Moatti, écrivain et maître de conférences à l’Université Paul-Valéry. L’archéologue a « convaincu Michel Moatti de participer à cette transmission envers des collégiens. Sa préface du livre est très touchante. Il s’est pris au jeu. J’interviens pour le compte du Département au collège les Deux Pins. Il a accepté d’animer un atelier avec moi pour ces collégiens. Au début, nous voulions leur faire écrire une nouvelle où ils inventeraient leur propre enquête policière et réinterpréteraient l’histoire », raconte Laurence. « Avec eux, nous avons imaginé des choses, pointé du doigt de possibles coupables et inventé un peu aussi des situations dignes de Racambole, dont le roman-feuilleton passionnait les lecteurs des journaux parfaitement contemporains du drame des Aresquiers », détaille Michel Moatti. Les élèves de 4e ont travaillé et rédigé une nouvelle qui a été présentée au FIRN ; ils sont venus le lire pendant le festival : « elle était super bien écrite ! »

Couverture j peg Justine et lOlympia 1867 002
Couverture j peg Justine et lOlympia 1867 002
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