Frontignan : Michel Arrouy, « on paie 30 ans de descente aux enfers de la politique de la Ville »
Pour le maire de Frontignan la Peyrade, pas de doute, les maires sont les acteurs du contrat social, de la sécurité, de la cohésion pour faire société, au cœur de la cité. Interview.
Agresser un élu en charge d’un mandat, vouloir brûler son domicile, ce sont des actes inacceptables. Michel Arrouy, le rassemblement du 3 juillet se devait d’être un moment solennel, d’unité entre les citoyens et leurs représentants ?
Michel Arrouy : Oui, évidemment ! C’est ce que nous avons fait hier à l’appel de l’Association des maires de France. C’est un acte de solidarité et de soutien au maire Vincent Jeanbrun, mais aussi à tout ce qui représente l’autorité publique, que ce soit les élus, les agents publics, les agents municipaux, les pompiers, la police nationale, la police municipale, et plus globalement l’ensemble des citoyens.
La réponse face à un problème ne doit jamais être la violence. Je pense qu’il y a une relation privilégiée entre une population et son maire qui dépasse toute autre relation. Donc, beaucoup de gens sont venus soutenir la fonction de maire, au-delà des questions de la personne.
Nous sommes les premiers interlocuteurs, et nous répondons aux préoccupations des citoyens. Nous sommes des élus de proximité, beaucoup de gens, nous accompagnent. Il y avait une dame avec une pancarte : « je soutiens mon maire ! »
Des jeunes hyperconnectés et survoltés, les émeutiers ont des profils multiples. Quelles réponses rapides doit-on apporter à leur sentiment de vivre dans une société injuste ?
Michel Arrouy : Je pense que, quels que soient nos origines ou notre milieu social, la question du respect est centrale, le respect doit se donner tous les jours. On stigmatise beaucoup les jeunes qui viennent des quartiers dits populaires, mais on paie 30 ans de descente aux enfers de la politique de la ville. On a confondu la réhabilitation des ensembles, avec les véritables politiques d’accompagnement en matière d’insertion et de prévention.
Les financements ont été coupés au niveau national, on a flingué les associations d’éducateurs qui faisaient, un petit peu, la spécificité de ces quartiers. Et aujourd’hui, on en a les conséquences. Ce n’est pas parce qu’on requalifie un quartier que l’on résout les problèmes ! En revanche, flinguer l’accompagnement social dans les quartiers, ça génère d’énormes conséquences. Beaucoup de ces quartiers se sont paupérisés faute de lien social, et d’acteurs intermédiaires. Aujourd’hui, il faut remettre du service public et de l’ordre républicain dans ces quartiers, et aussi réinstaller une dynamique du secteur associatif. Voilà, il faut tout reprendre à zéro.
Jacques Chirac disait en 2005 après trois semaines d’émeutes : « Je veux dire aux enfants des quartiers difficiles, quelles que soient leurs origines, qu’ils sont tous les filles et les fils de la République. » Le leur dire, c’est bien, mais comment on le leur prouve au niveau d’une commune ?
Michel Arrouy : La priorité, c’est le respect au quotidien. Quelles que soit les origines, d’où que l’on vienne, l’important c’est le respecter du citoyen. Au niveau d’une commune, il faut rester au contact, aller dans les quartiers, se rencontrer, se saluer. Se dire et s’assurer que l’on fait partie de la même communauté, la communauté des Frontignanais et des Lapeyradois. Et sur la question des choix de société, il faut mettre en place des politiques publiques pragmatiques. À Frontignan, nous avons l’accompagnement scolaire, nous avons un programme de réussite éducative, nous avons des espaces jeunesse, nous avons des espaces ouverts, comme des Centres nautiques, et un espace de vie sociale. Ce sont tous ces services dans les quartiers, et hors des quartiers qui sont essentiels. Et nous maintenons ces choix, malgré les difficultés en matière de financement.
Après, on attend de l’État qu’il joue son rôle sur la sécurité. C’est le pouvoir régalien de l’État, il faut qu’il y mette les moyens. Et il doit être présent sur des politiques de financement public.
Aujourd’hui je pense que l’état a abandonné un certain nombre de politiques depuis des décennies. Il ne met pas les moyens là où il faut. Et comme disait François Mitterrand, j’ai l’impression « qu’il n’y a plus que des financiers et des comptables ! » Il y a des politiques qui ne s’envisagent pas uniquement sur des questions comptables.