Frontignan : Prism fabrique des masques 100% français
La société est installée dans la zone du Barnier et a été créée à l’été 2020. Le projet est né lui, juste avant le début de la pandémie. Rencontre.
C’est, comme souvent, une histoire de rencontres qui a donné naissance à la société Prism qui produit à ce jour 7000 masques FFP2 par heure et 1M de masques chirurgicaux chaque mois. Christian Curel, l’un des dirigeants fondateurs, a rencontré l’inventeur des machines de production des ‘becs de canard’. Eric Bellet est en effet installé à Lunel avec sa société d’ingénierie, louant ses locaux à Jean-Marc Azam, Valéa Santé. Ces rencontres se sont faites lorsque Christian Curel, alors président de Leader Montpellier, cherchait des fournisseurs pour des commandes groupées de masques et de gel hydroalcoolique.
Des machines FFP2 disponibles à Lunel
L’inventeur Éric Bellet disposait dans ses locaux de Lunel, de machines de production de ‘becs de canard’ qu’il a inventées. Ils ont tous trois décidé de monter un projet, car « nous n’avons pas de masques, on a un concepteur de machine de production de masques, il faut y aller » raconte Christian Curel qui a pris en main la maîtrise d’œuvre du projet. « Je n’ai pas basé mon business plan sur la pandémie, j’ai cherché un modèle pérenne. Avant le Covid, le marché concernait 1,5Md à 2Md de masques par an avec une croissance de 5 à 8%. Le bémol c’était 95% des achats d’importations chinoises » explique Christian Curel. En octobre 2020, les machines étaient prêtes, avec toutes les certifications nécessaires et « nous avons démarré à Frontignan début janvier 2021. La deuxième machine est arrivée en février. Nous avions également intégré de fabriquer des masques chirurgicaux. D’ailleurs, la prochaine machine que nous recevrons d’ici la fin du mois de janvier va permettre de logotiser des masques chirurgicaux en couleur, nous avons déposé un brevet sur ce point ».
Fabrication 100% française
Le travail a été d’abord d’assurer la fourniture de matière première : « nous avons beaucoup œuvré avec l’État pour assurer cela. Nous sommes allés rapatrier ces matières premières d’Espagne et nous sommes autonomes aujourd’hui. Nous allons sûrement fabriquer nous-même nos propres élastiques prochainement » détaille Christian Curel. Les masques, chirurgicaux et FFP2 sont totalement fabriqués sur place. Le fait d’avoir leur propre machine leur a permis de développer l’offre, par exemple pour les masques chirurgicaux qui peuvent être de différentes couleurs. La prochaine machine qu’ils vont recevoir dans le courant du mois de janvier leur permettra de logotiser les masques en quadrichromie « cela ouvrira d’autres marchés. En effet, certains budgets de communication peuvent être reportés sur ces achats de masques avec un message de communication dessus ».
Des commandes en montagne russe
« À notre lancement nous avons eu des commandes de façon impressionnante : les gens avaient peur et surstocker. Nos premiers mois étaient extraordinaires. Puis au printemps, plus rien. La pandémie semblait se calmer, plus de commande ! Sur les FFP2, quasiment aucune commande entre avril et fin novembre 2021, c’était la même chose chez nos confrères. La filière était à l’arrêt. On avait des stocks jusqu’à deux millions. On a du coup arrêté la production, sauf pour des productions logotisées, car nous pouvons le faire. Depuis la mi-décembre, c’est l’affolement complet avec le variant Omicron, tout le monde refait des stocks », raconte Christian Curel.
L’export
Prism a commencé à exporter « nous avons un agent en Belgique, un accord en Allemagne et ce gros contrat avec un pays du Golfe de plusieurs millions d’euros qui devrait être signé prochainement. Nous sommes prêts avec 7 langues : espagnol, italien, allemand, hollandais, français, anglais, arabe. Nous pouvons exporter un peu partout » expose Christian Curel. Les perspectives en France sont déjà très encourageantes et les réflexions sur les nouveaux secteurs sont bien avancées.
La création d’une filière française
L’État l’a dit, il faut se rendre autonome et créer une filière française sur ce genre de produits. Christian Curel raconte que « l’État a soutenu cette filière avec plusieurs dizaines de millions d’euros pour les matières premières, les masques, tout le monde a été aidé. La majorité du montant des investissements a été amenée par les industriels de l’ordre de 70 à 80%. Mais entre l’été 2020 et l’été 2021, on s’est aperçu que 97% des appels d’offres publics étaient affectés à des masques d’importation chinoise, alors que la filière française pouvait fournir. » La qualité des masques fabriqués en France est largement supérieure à celle des masques chinois, lesquels étant peu contrôlés, là où les masques français subissent une ribambelle de tests : « les gens ne savent pas, mais il y a un énorme problème de qualité des masques d’importation. Ce seraient des masques français, ils ne seraient même pas sur le marché », précise le chef d’entreprise.
Le syndicat des fabricants de masques
Les membres du syndicat ont demandé à Christian Curel d’en prendre la présidence « car j’ai basé ma réflexion non pas sur le renouvellement des stocks stratégiques de l’État en situation de pandémie, mais bien sûr le fonctionnement de la filière hors Covid », explique Christian Curel. Le syndicat a beaucoup œuvré dans le fait que l’État et les collectivités achètent français : « nous avons dit que soit l’État décide que c’est stratégique d’avoir une filière, soit on ne pourra pas maintenir cette filière. Cela a été assez facile de les convaincre puisque l’achat d’un masque 100% français permet un recyclage de 75% de sa valeur en France, ce qui veut dire que l’État en récupère une partie par les taxes, les charges … Les matières premières étant également en France, tout cela est en cascade, cela créait finalement de la richesse française. Tout cela permet de compenser la différence de coût entre l’achat chinois et l’achat français. Et je ne parle pas de la partie environnementale puisqu’en commandant chinois, il y a 20 fois plus de carbone émis. » L’État a également émis une circulaire en instituant de nouvelles clauses d’achat pour les services publics de santé : le critère du prix n’est plus prioritaire pour les hôpitaux français. La préférence française ou européenne doit l’emporter, tout comme la sécurité d’approvisionnement ou le respect de l’environnement. Une bonne nouvelle pour les « 18 fabricants français, dont 70% font partie du syndicat » précise Christian Curel.
Le prochain chantier du syndicat est de créer un laboratoire de contrôle qualité pour tous les masques : « un masque est très sensible à la chaleur et à l’humidité. Pour les masques qui viennent de Chine, ils passent d’abord par les docks de Shanghai (40°), puis ils voyagent entre 6 et 8 semaines dans une cale au fond d’un bateau, ça ne peut pas être plus humide que cela. Donc si votre masque a une odeur, il faut le jeter, c’est que des bactéries se sont développées et qu’il n’est plus utilisable. La solution du graphène n’est pas bonne puisque la matière est toxique. Les contrôles portent sur les tampons et les papiers administratifs. Il faudrait contrôler réellement les marchandises et aux frais de l’expéditeur. Ce que nous demandons au final c’est qu’il y est les mêmes contraintes pour tous les fabricants, qu’il y ait des prélèvements de masques » développe Christian Curel.