Frontignan - urbanisme : du bon sens à l’utopie, le riche retour des prix du littoral
Le Département de l’Hérault a organisé un concours d’idées inédit en France baptisé « Habiter le littoral, demain ! » et mené en partenariat avec la ville de Frontignan et le Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement de l’Hérault. Les meilleurs projets sélectionnés par le jury composé d’experts et d’aménageurs ont reçu leur prix récemment.
Ce concours a permis de solliciter des architectes, urbanistes et paysagistes – professionnels ou étudiants – sur la manière d’habiter le littoral héraultais en 2050 au regard des évolutions climatiques attendues. 14 dossiers ont été étudiés et la moitié ont reçu un voir deux prix.
Michel Arrouy, le maire de Frontignan, est un maire content : « quand on s’intéresse à sa ville, je crois qu’on ne peut être que fier. Frontignan est le trait d’union entre l’agglomération de Thau et celle de Montpellier. Cette démarche arrive à un moment stratégique : loi climat et résilience, recul du trait de côte, on sait que Frontignan est un point un peu sensible de notre littoral. Toute cette réflexion va nous amener en même que nous faisons la révision de notre PLU, la révision du Scot… Tous vos travaux sont vraiment essentiels : soit en politique on se limite au court terme, soit on essaie de penser à moyen et long terme et là-dessus, nous savons que nous allons devoir changer un ensemble de nos habitudes. Nous allons devoir avoir du courage politique. Et le courage politique c’est de dire des vérités et d’agir, en tout cas, c’est toute l’action que nous menons dans notre ville ».
Le président du Département, Kléber Mesquida, a rappelé l’enjeu : « le département de l’Hérault, c’est 90 km de littoral, un littoral fragile soumis aux aléas climatiques, dont la montée des eaux. Cette idée de lancer un concours était une évidence et prenait la suite de l’action Hérault Littoral qui consacrait 350 millions d’euros pour accompagner ou faire en direct un certain nombre d’opérations. Nous avons également fait l’acquisition à Vic la Gardiole de la Maison du Littoral, autour de laquelle une concertation sera faite pour que les habitants se l’approprient. Cette Maison du Littoral est le pendant de la Maison de l’Environnement que nous avons fait à Restinclières. Avec nos constats comme la montée des eaux, le réchauffement climatique, on comprend bien que les problématiques seront là demain au niveau de l’habitat. Les 5 objectifs de ce concours sont l’économie des ressources, les réductions de CO2, la biodiversité et les écosystèmes, les modalités d’épuration et les mobilités. Les propositions que nous avons reçues étaient parfois curieuses, mais intéressantes ».
Les projets qui ont gagné
Madame NAVE Laura, AGENCE ARCHILES, représentant le groupement Nave Laura / Levy Théo / Froger Chloé / Gautier Léa / Dumonthier Anaelle / Stab Chloé / Lenoir Léo / Gonzalez Guillaume a gagné le 1er prix et reçu 5 000 € ainsi que 1 000€ pour le Prix spécial du Jury « innovation et résilience ». Pour ce projet « OYAT », le jury du concours a salué une « réponse opérationnelle […] aboutie, complète et sérieuse ». La démarche terrain du Cabinet a également été appréciée, avec différentes prises de contact menées auprès de personnes au hasard, mais aussi de professionnels. Autre point singulier souligné du dossier : les réponses techniques à la contrainte des submersions, des ouragans et des vents.
Monsieur BRETON Benjamin, AGENCE EN PLEIN MILIEU.X, représentant le groupement breton Benjamin/Calazel Yann / Lahiani Karim / Plantier Thomas / Peytavin Manon / Peytavin Pauline, remporte le 2e prix et a reçu 5 000 € ainsi que le prix spécial du Jury « environnement » et ses 1 000 €. Ce projet « L’HOMME ET LES ROSES EAUX » est un projet hors norme qui propose une « bio-utopie » concrète, une « nouvelle alliance entre l’homme et la nature », qui a séduit le jury, car elle « invite à un changement de paradigme, une approche intéressante et globale sur l’eau, le territoire, et les ressources » sans entrer dans le détail d’une spatialisation fine à l’échelle urbaine. Le jury souligne également une très grande qualité graphique au service de la proposition.
Madame GILLES Karine, AGENCE LES ATELIERS UP + SCE, CREOCEAN Montpellier, représentant le groupement Gilles Karine/Benosa Claire/ Mellet Anaïs / Montel Mélody / Coquet Marion a reçu 5 000€ pour le 3e prix et le prix spécial du Jury « social ». Le jury a souligné pour le projet « SITE, CYTE, CITÉ » « un important diagnostic territorial et des propositions à l‘échelle supra-communale très intéressantes ». Autre point apprécié par les membres du jury : l’originalité, avec par exemple le développement de liaisons fluviales et maritimes.
Madame JOLYS Ophélie, étudiante, représentant le groupement Jolys Ophélie/Visouthivong Anouka / Cherqui Ikhlas, a reçu 5 000€ pour le 4e prix. Le projet « LE LITTORAL DU FUTUR » a été salué par le jury : « une très bonne approche territoriale par le prisme de l’eau qui monte et qui ruisselle, l’agriculture et la biodiversité, les mobilités, les risques, avec une prise en compte des temporalités ». Point singulier, Ophélie JOLYS propose la renaturation du site avec pour spécificité de ne pas habiter le secteur des Hierles, mais plutôt de le considérer comme une « opportunité de mettre en relation ce qui a été séparé : eau, biodiversité, sols fertiles… » Les interventions proposées se déclinent selon trois temporalités : de Frontignan 2023 à Frontignan 2100.
Monsieur MARTINIE DE MAISONNEUVE Shama, étudiant ENSA Montpellier, représentant le groupement Martinie de Maisonneuve Shama / Elberte Nicolas a obtenu le 5e prix et remporté 5 000 €. Pour le projet « EN ATTENDANT LA MER », le jury a salué une « réponse opérationnelle aboutie » et « un mode architectural intéressant ». Le projet imagine notamment la création d’un quartier formé par un ensemble de maisons individuelles à étage construites en pierre de taille, sur un sol de carreaux. Le choix s’est posté sur la pierre calcaire du Gard, dont la carrière est située à une centaine de kilomètres de Frontignan. Entièrement recyclables, les habitations en pierre de taille peuvent être transformées et déplacées à volonté. Au fur et à mesure de la montée des eaux, les maisons peuvent être déconstruites pour être de nouveau construites plus haut sur l’axe Montagne-Mer.
Monsieur BRUNEL Mathieu, étudiant ENSA Montpellier, représentant le groupement Brunel Mathieu / Dossetto Jean Baptiste a remporté le prix spécial du jury « adaptation – valeur d’usage – impact énergétique » et 1 000 €. Avec cette mention pour le projet « PROMESSES SILENCIEUSES », le jury a salué « une réponse littéraire, poétique, élégante qui esthétise les risques naturels ». Le parti-pris du projet repose sur une logique de « réécriture permanente du sol » permettant le développement de nouvelles cultures, la création de jardins et d’espaces boisés et favorisant les espaces de rencontres intergénérationnels.
Monsieur SOULEZ LARIVIERE Sébastien, AGENCE SLOW ARCHITECTURES, représentant le groupement Soulez-Larivière/Frapolli Olivia obtient le prix spécial du Jury « paysage » et 1 000 €. Là encore, dans le projet « FAIRE PLACE », le jury a été séduit par cette « belle proposition onirique et graphique » qui propose une solution à habiter et touristique, s’appuyant sur l’imaginaire de la maison de pêcheurs. Hormis le sujet de la biodiversité, toutes les thématiques sont traitées avec soin, en particulier celles du paysage, des espaces publics et privés et de la typologie d’habitat.
Et maintenant ?
Reste à savoir si Michel Arrouy va mettre en pratique certaines de ces suggestions : « je voudrais d’abord saluer toutes ces présentations, car ce qui est important c’est le récit, comment on amène à ce cheminement. Ce qui est important pour expliquer à nos populations demain que cela va changer, il faut aussi qu’il y ait ce récit. Ce qui m’a fait du bien ce matin, ce sont tous ces récits, car on s’imprègne de cette projection, de ces perspectives. Il y a aussi de l’utopie, mais finalement, quand je voyais notamment ces bacs au milieu de l’eau, on se dit que ce n’est pas si utopique que cela. Mettre en place ces projets, ce n’est pas tant cela aujourd’hui dans le court terme, c’est se placer dans la perspective collective qu’on y aille. Aujourd’hui, le prix du foncier à Frontignan Plage n’a jamais été aussi haut. Les gens achètent même pour 20 ans, certains ne croient pas à ces évolutions que nous connaissons. Il faut amener les populations vers un récit collectif. Ce que je retire de ce concours, c’est toute l’intelligence collective, l’expertise citoyenne de ce matin et qui va évidemment nous aider à écrire le récit avec nos habitants ».
Concernant l’arrière-pays héraultais, le président Kléber Mesquida explique « nous avons beaucoup d’idées sur nos politiques publiques, on fait en fonction de moyens, car lancer un projet, c’est aussi mettre les moyens d’atteindre les objectifs. En ce moment, sur le plan budgétaire, c’est un peu compliqué… Par contre, nous ne sommes pas du tout insensibles à des réflexions, des évolutions, en permanence je demande à mes équipes, aux élus de faire appel à leur ingéniosité, créativité… pour faire évoluer nos politiques publiques. Nous cherchons toujours quel bien être apporté aux héraultaises et aux héraultais. Par exemple, dans les hauts cantons, quand nous aurons des problèmes naturels de ressources en eau, que se passera-t-il ? »