Politique — Ganges

Ganges, Michel Fratissier : “On va devoir faire des choix très douloureux”

Baisse des dotations, transferts de compétences coûteux, hausse des dépenses : aux yeux de Michel Fratissier, maire de Ganges, les moyens alloués aux collectivités ne suivent plus, et les marges de manœuvre se réduisent dangereusement, au détriment des habitants.

Quel regard portez-vous sur la colère des maires ?

M.F : Les maires sont très inquiets et en colère. Il faut comprendre que depuis la crise du covid, nos dépenses de fonctionnement ont explosé. À cela s’ajoute la flambée des prix de l’énergie. Nous n’avons pas, comme les particuliers, bénéficié du bouclier tarifaire, et ces augmentations pèsent lourdement sur nos budgets. Le problème, c’est qu’on nous demande sans cesse plus d’efforts, mais avec des moyens qui ne suivent pas. Et contrairement à d’autres organismes, une collectivité n’a pas d’autre choix que de maintenir un budget équilibré. Cela devient intenable. Les crises se sont cumulées, et c’est cela qui explique la colère actuelle. Ce n’est pas une seule mesure qui met en difficulté les collectivités, mais une succession d’événements qui fragilisent même les communes les plus raisonnables.

À Ganges, quels exemples concrets illustrent ces difficultés ?

M.F : Prenons la gestion des passeports et des cartes d’identité : cette compétence relève désormais des communes. À Ganges, cela m’a contraint à embaucher trois agents presque à plein temps. Pourtant, la compensation de l’État est loin de couvrir ces coûts. Autre exemple : la fermeture de la trésorerie. Pour compenser, nous avons dû créer un espace France Services. Cela mobilise deux personnes supplémentaires, mais là encore, le financement de l’État est insuffisant. 

Le principal point d’ombre reste les coûts de fonctionnement, qui explosent. On a tout fait pour maîtriser les dépenses : économies sur le chauffage, sur l’électricité, et même un inventaire précis de nos compteurs pour identifier les anomalies. Malgré tout cela, on subit de plein fouet la hausse générale des prix. Par exemple, chauffer notre halle des sports nous coûtait 8 000 € il y a quelques années. Aujourd’hui, c’est 32 000 €.

Certaines voix estiment que les collectivités doivent encore rationaliser leurs dépenses. Qu’en pensez-vous ?

M.F : Je veux bien qu’on parle de rationaliser, mais je pense sincèrement que les collectivités ont déjà fait tout ce qu’elles pouvaient. À Ganges, par exemple, nous avons renégocié nos assurances pour limiter les hausses. Pourtant, cela nous coûte encore 40 000 € de plus par an, et avec des garanties moindres. Ce n’est pas une question de mauvaise gestion. Les communes, surtout les petites, savent qu’elles ne peuvent pas se permettre de gaspiller. Nous avons été prudents, nous avons fait des efforts, mais les crises successives nous ont mis à genoux. 

Quelles pourraient être les conséquences pour les habitants ?

M.F : Si ça continue comme ça, on va devoir faire des choix très douloureux. Par exemple, à Ganges, nous avons un point écoute-parents pour aider les familles en difficulté. Cela coûte 8 000 € par an. Ce n’est pas énorme, mais dans le contexte actuel, c’est une dépense qu’on pourrait être contraints de supprimer. Pareil pour la culture : si on réduit les subventions, il y aura moins de représentations théâtrales. Même l’école pourrait être impactée, avec une réduction du personnel d’accompagnement (Atsem). En clair, les habitants vont vite ressentir les effets des coupes budgétaires dans leur quotidien. Ce sont des décisions difficiles à prendre, mais si rien ne change, elles seront inévitables.

Envisagez-vous des augmentations pour compenser ?

M.F : En tant que maire, depuis mon élection, je me suis toujours refusé à faire des hausses d’impôt et je maintiendrai cette promesse jusqu’à la fin de mon mandat. Cependant, l’an dernier, j’ai été contraint de le faire pour la communauté de communes. Cette année, ce n’est pas prévu, du moins je l’espère. Je demanderai à la DGS qu’on trouve une autre solution. Mais il faut bien aller chercher des recettes quelque part, même indirectement. Prenons l’exemple de la garderie : à la communauté de communes, elle est gratuite. Nous devons nous demander si nous pouvons continuer à la maintenir ainsi, car c’est un service coûteux. À un moment donné, il faudra choisir et ce seront les contribuables qui en supporteront le coût.

La situation est critique, mais est-elle sans espoir ? 

M.F : La situation est difficile pour toutes les collectivités mais il ne faut pas oublier les efforts déjà réalisés, ni minimiser les dispositifs d’aide de l’État. Surtout en local, où nous sommes très écoutés et soutenus par les préfets et sous-préfets. Je pense particulièrement au Fonds vert, par le biais duquel nous avons obtenu 300 000 € pour remplacer une partie de l’éclairage public par des LED afin de réaliser une économie d’énergie importante à long terme. Le plan de relance post-Covid nous a également permis de financer la démolition d’immeubles vétustes avec une subvention de 250 000 €. Le problème est qu’à côté de ces aides ponctuelles, les charges continuent d’augmenter. Les subventions ne compensent pas ce qu’on perd chaque année. Maintenant, ce qu’il faut, c’est un vrai travail commun entre l’État et les collectivités pour trouver des solutions durables. Si nous continuons à gérer au jour le jour, sans vision à long terme, ce sont les habitants qui en paieront le prix.

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Depuis 1973, d’abord sous format magazine, puis via son site, Hérault Tribune informe le public des événements qui se produisent dans le grand Agathois, le Biterrois et le bassin de Thau.

Depuis 1895, l’Hérault Juridique & Economique traite l’économie, le droit et la culture dans son hebdomadaire papier, puis via son site Internet. Il contribue au développement sécurisé de l’économie locale en publiant les annonces légales.