Environnement — Montpellier Méditerranée Métropole

Geneviève Marais, présidente d’Aquatech Innovation : “J’ai compris que l’eau était un enjeu d’avenir, même si ce n’était pas aussi évident il y a six ans” 

A la tête de la startup montpelliéraine qui propose la collecte, le traitement et le recyclage des eaux usées, l’entrepreneure fait partie des 10 lauréats du programme “France Tourisme Tech” piloté par le ministère de l’économie.

Dans une grande salle de réunion toute neuve dans laquelle la startup Aquatech Innovation vient de s’installer, Geneviève Marais n’arrête pas de travailler. Pleine d’énergie, la présidente et confondatrice de la startup prend la parole sans pouvoir s’empêcher de glisser une vanne entre deux informations pourtant bien sérieuses. 

Car l’enjeu est grand : l’entreprise créée en 2018 propose des solutions techniques aux acteurs du tourisme pour collecter, traiter et recycler l’eau des ports et des campings. Car les touristes “ont le pire comportement quand ils sont en vacances”, constate Geneviève Marais, chiffres à l’appui : en France, une personne consomme en moyenne 148 litres d’eau par jour, contre 230 litres quand il est en vacances… et ce chiffre augmente encore plus quand il s’agit de l’hôtellerie haut de gamme. 

Avec des premiers projets d’abord au Cap d’Agde puis à Palavas, l’entrepreneure ne fixe aucune limite à ses ambitions. 

Hérault Tribune : Ça sert à quoi d’être lauréate de la “France tourisme tech” ? 

Geneviève Marais : Nous faisons partie des dix entreprises qui représentent l’innovation dans le tourisme en France, identifiées par le ministère de l’économie. Cet accélérateur va contribuer à notre développement avec des mises en relation directes. Car c’est toujours difficile d’accéder aux grands groupes comme Accor, qui est un monstre de l’hôtellerie. Mais quand vous avez France Tourisme tech qui organise un rendez-vous, nous allons être reçus et tout va aller plus vite. Les grands groupes sont ouverts à l’innovation mais ils ne savent pas quelle startup sélectionner. Le programme France Tourisme Tech est un gage de sécurité sur la validité de notre entreprise. 

Vous avez levé 2 millions d’euros en novembre 2023. A quoi cela vous a-t-il servi ?

Nous avons changé de locaux : nous dépassons les 100 mètres carrés de bureaux et les 200 mètres carrés d’atelier. Nous poussons les murs pour accueillir l’équipe qui s’agrandit. Nous sommes pratiquement 20 personnes, contre seulement 12 avant la levée de fonds. Nous allons encore recruter cet hiver afin de faire face au début de saison. Fin 2025, nous devrions avoisiner les 30 personnes. Puis nous repartirons en levée de fonds ! 

En termes de production, quelle a été votre évolution ? 

Nous en sommes à plusieurs dizaines de clients. Nous sommes sur plusieurs cibles touristiques, les ports et les campings. Les hôtels vont commencer cet hiver avec un premier contrat en Occitanie. Nous avons une courbe de croissance à trois chiffres. 

Quelles sont vos évolutions en termes de recherche et développement ? 

Notre programme de R&D a pour objectif d’améliorer nos solutions. Par exemple sur le digital, nous devons développer l’intelligence artificielle, c‘est dans les tuyaux. Et dernièrement, il y a deux ans, on a rajouté le volet digital car je voulais garder la maîtrise sur le développement des unités de gestion électronique qui régulent les flux. 

Pensez-vous à diversifier vos clients ? 

Bien sûr. Par exemple, les acteurs de la ville durable s’intéressent à nous. Dans les campings ou les ports, nous recyclons l’eau des douches pour alimenter les chasses d’eau ou l’arrosage des espaces verts. Des immeubles durables peuvent être équipés d’un système similaire. Nous avons des discussions avec des promoteurs qui sont très intéressés. Et comme toute structure publique se doit d’être exemplaire, je vais aussi aller toquer à la porte du ministre de l’économie de ce pas (rires). 

Quels sont les projets que vous avez eu dans le département de l’Hérault ? 

Nous avions équipé le port du Cap d’Agde mais aussi le camping de Palavas. La solution n’est plus en place mais le camping a pu continué son activité pendant trois années supplémentaires. Car à cause de la montée de la mer, ils étaient dans la bande des 100 mètres du littoral donc ils n’avaient plus le droit d’avoir du réseau enterré. Ils ont donc fait appel à notre solution. Mais le niveau de la mer a continué à monter donc ils ont dû arrêter d’exploiter. 

Dans d’autres cas, nous proposons une solution pérenne comme à Port-Camargue (30) qui voulait développer un quai avec un ponton d’accueil pour les catamarans qui se trouvait dans une zone où vit un petit hippocampe à protéger. Leur projet d’aménagement ne pouvait se faire s’ils n’avaient pas une solution comme la nôtre. 

Pourquoi vouloir travailler sur le traitement de l’eau ? 

Après des années de création d’entreprises, j’ai voulu revenir à des valeurs et trouver du sens. Suite à la rencontre avec un ingénieur qui travaille sur le traitement de l’eau, je me suis lancée dans l’aventure. J’aime bâtir, j’ai construit des hôtels haut de gamme. Mais très vite, j’ai compris que la clé de l’aménagement du territoire c’était l’assainissement. J’ai compris que l’eau était un enjeu d’avenir, même si ce n’était pas aussi évident il y a six ans. J’ai beaucoup galéré les premières années. 

Comment avez-vous ressenti cette évolution de conscience concernant la problématique de l’eau ? 

La différence est énorme. Le regard des gens n’est plus le même. Tout le monde a compris qu’un jour on pourrait ouvrir le robinet et que ça ne coulerait plus. Quand les communes n’ont plus d’eau, qu’il y a un arrêté sécheresse et que les gens ne peuvent plus remplir leur piscine, ça fait parler, les gens se sentent concernés car cela touche à leur confort. Le changement climatique est réel. Les professionnels ont compris la nécessité de changer leurs habitudes. 

Comment ont évolués vos produits face à ce changement – même lent – des comportements ? 

Notre solution pour récupérer l’eau des douches afin de les réutiliser dans les chasses d’eau ou pour arroser les espaces verts est une solution récente, pas techniquement, mais en possibilité de développement. Car en France, la nouvelle législation qui le permet ne date que du 12 juillet 2024. L’Etat a pris conscience qu’il fallait se bouger. Nous sommes le dernier pays européen à faire ce qu’il faut pour les eaux usées. En France, nous ne recyclons qu’1% des eaux usées contre 8 et 15% pour l’Espagne et l’Italie. On est à la traîne !

Avez-vous des projets à l’étranger ? 

Oui, nous avons commencé en Espagne avec le camping Anfora en bord de mer près de Girone, où nous installons un traitement de l’eau de lavage de filtre pour la remettre dans le bassin. Nous avons aussi gagné un prix en Italie et nous avons été sollicités car des ports pourraient avoir besoin de nos solutions. Cela est cohérent de travailler sur l’arc méditerranéen car nous avons des problématiques proches des nôtres. 

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