Hérault : cap sur un nautisme plus responsable, “l’économie bleue doit se verdir”
Face aux courants écologiques, le secteur du nautisme ajuste ses voiles pour réduire son empreinte et naviguer vers un avenir plus durable. Au Salon nautique d’automne du Cap d’Agde*, plusieurs initiatives locales voient leurs étendards écologiques prendre un nouvel élan.
L’éco-conception : un horizon encore incertain
Sous l’impulsion de la Fédération des Industries Nautiques (FIN) et en collaboration avec l’European Boat Industry (EBI), l’industrie nautique européenne trace depuis 2023 un nouveau cap, avec une initiative visant à évaluer l’impact environnemental des embarcations tout au long de leur cycle de vie. L’objectif ? Établir un standard partagé pour guider les entreprises vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement dès la mise en cale sèche des premières coques.
L’éco-conception progresse en France grâce à des initiatives comme l’Alliance Posidonia, le programme “Bateau Bleu” et le dispositif Ecogestes. Mais avancer dans cette voie n’est pas sans remous : les matériaux recyclables et les procédés de production écologiques augmentent les coûts de fabrication, un obstacle de taille pour les constructeurs. Le président de la Fédération des Industries Nautiques (FIN) Jean-Paul Chapeleau insiste : “l’éco-conception doit être pensée dès le départ, mais cela suppose des investissements importants. Il est essentiel que les consommateurs comprennent la valeur ajoutée de ces nouvelles pratiques pour que le secteur puisse évoluer”. Dans l’Hérault, certaines sociétés tentent de se démarquer, comme Bateaux pour la planète, à Lattes, qui depuis dix-sept ans travaille “à la conception de bateaux de plaisance électro-solaires, 100% autonomes en énergie, destinés à la navigation fluviale décarbonée.” D’autres se sont focalisés sur les équipements nautiques, comme French Eaux, à Béziers, qui “a développé toute une gamme d’équipements dédiée pour consommer enfin l’eau des réservoirs des bateaux et ne plus utiliser de bouteilles plastiques à bord.” Enfin, certaines entreprises, comme Nav’Elec au Cap d’Agde, misent sur l’électronique embarquée pour une meilleure gestion de l’énergie à bord, permettant un contrôle plus minutieux afin de limiter l’impact de la consommation quotidienne.
À Mauguio, c’est l’un des plus grands facteurs de pollution du nautisme que K-Ren tente de combattre. La jeune entreprise propose des solutions écologiques pour protéger les œuvres vives de tout type de navire en bloquant la prolifération des algues et micro-organismes : “On a inventé une solution innovante qui protège la coque des bateaux sans utiliser les peintures antifouling, extrêmement polluantes, développe Lucie Doriez, fondatrice et CEO de K-Ren. Notre système est tout simple : pas de lumière, pas de photosynthèse, pas de vie. On installe une housse qui bloque la lumière, prenant seulement huit minutes à installer. Cela protège efficacement toutes les parties immergées du bateau, comme la coque, l’hélice, le safran et la quille.”
La vague verte de l’occasion et la déconstruction
Le marché de l’occasion, en plein essor, constitue une réponse durable en prolongeant la vie des navires tout en réduisant la demande pour de nouvelles constructions. Jean-Paul Chapeleau observe : “le marché de l’occasion des multicoques s’est largement développé, alors qu’il y a encore un an, il y avait peu d’offres disponibles.” En effet, le nombre croissant de catamarans et autres embarcations de plaisance d’occasion témoigne d’un changement dans les habitudes d’achat, une tendance vers la préservation des ressources. Cependant, cette alternative est encore loin de pouvoir absorber tous les bateaux en fin de parcours. “Le marché de l’occasion est prometteur, mais ne peut à lui seul absorber tous les navires en fin de vie,” souligne le président de la Fédération.
Car la plus grande difficulté de l’industrie nautique est sans conteste la déconstruction, en raison de la longue durée de vie des navires, qui peut atteindre 40 ans. La France se positionne en pionnière grâce à l’APER, le premier éco-organisme au monde dédié à la déconstruction des bateaux de plaisance, agréé par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire. Bien que cette filière porte un potentiel certain, elle reste en phase de structuration, naviguant encore entre des zones de flou et des attentes de concrétisation. Pour Jean-Paul Chapeleau, “la déconstruction est une nécessité et une responsabilité que nous ne pouvons plus ignorer”. Actuellement, environ 3 000 navires sont déconstruits chaque année en France.
*Le Salon nautique d’automne du Cap d’Agde se déroule du 30 octobre au 3 novembre, à la Zone technique du port. Entrée gratuite.