Hérault : colonel Jérôme Bonnafoux (SDIS 34), "notre force réside dans notre capacité d'anticipation"
L'Hérault est un département régulièrement touché par des incendies de forêt, accentués par les périodes de sécheresse. Afin de mieux comprendre les enjeux et les mesures prises pour y faire face, nous avons eu l'opportunité de discuter avec le colonel Jérôme Bonnafoux, porte-parole des sapeurs-pompiers de l'Hérault.
“Entre 300 et 800 pompiers supplémentaires”
L’heure est à la préparation chez les sapeurs-pompiers de l’Hérault. Campagne de recrutement, analyse des ressources, commande de matériels, les soldats du feu ne cessent de s’investir pour éviter un été destructeur.
“Notre force réside dans notre capacité d’anticipation : dès que la saison estivale commence, nous nous préparons pour la suivante, explique Jérôme Bonnafoux. Afin d’agir au mieux, nous allons prochainement lancer une grande campagne de recrutement de sapeurs-pompiers et de pompiers volontaires. Nous savons que nous sommes un département à risque pendant l’été, donc nous veillons à ce que les casernes soient pleines. Nous mettons également en place des dispositifs supplémentaires afin de pouvoir gérer les feux de forêt et continuer à couvrir les incidents de la vie quotidienne (accidents, malaises, etc.).”
Pendant l’été, en moyenne, entre 300 et 800 pompiers supplémentaires sont déployés quotidiennement en plus des 400 de garde. Ces renforts sont appuyés par de nouveaux matériels : “Nous venons de récupérer les camions de lutte contre les incendies que nous avions prêtés à la Gironde et avons commandé douze véhicules d’intervention supplémentaires pour mieux opérer lors de la saison estivale, ajoute le colonel. De plus, nous maintenons nos cartes de données à jour pour pouvoir avoir toutes les informations à portée de main.”
Les sapeurs-pompiers de l’Hérault suivent tout au long de l’été les rapports fournis par l’Office National des Forêts pour déployer les effectifs et le matériel en conséquence. “Le département de l’Hérault, comme le reste de la France, est divisé en 8 zones météo, continue-t-il. Chaque jour, l’ONF effectue des prélèvements et analyse le taux de sécheresse des végétaux à l’aide d’un spectromètre de masse. Le soir, les agents communiquent les risques prévus pour le lendemain, sur une échelle similaire à celle de Météo France, allant du risque ‘faible’ au risque ‘exceptionnel’.” En fonction de ces prévisions, les pompiers adaptent les moyens déployés sur le terrain. “Nous avons l’habitude de nous fier à ‘la règle des trois 30’, c’est-à-dire que lorsque le taux d’humidité dans l’air est inférieur à 30%, que la température au sol est supérieure à 30 degrés et que le vent est supérieur à 30 km/h, nous savons que nous avons une journée à risque”, confie le porte-parole du SDIS 34.
Agir face à la pénurie d’eau
En période de sécheresse, les pompiers sont confrontés à une autre problématique : le manque de ressources en eau. “La situation du département n’est pas aussi catastrophique que celle des Pyrénées-Orientales, mais nous devons rester vigilants en raison d’une certaine tension”, glisse Jérôme Bonnafoux. Pour s’adapter au mieux aux conditions du territoire, les pompiers suivent quotidiennement les données fournies par le Système d’Information Géographique (SIG) : “Chaque jour, cet outil produit une carte sur l’état des ressources en eau, une information indispensable pour intervenir sur les feux. Nous devons connaître l’état des sources pour nous assurer du bon déroulement des opérations.”
Pour pallier le manque de ressources en eau, le président du Département Kléber Mesquida a demandé aux sapeurs-pompiers de l’Hérault de travailler sur l’eau brute. “Nous sommes conscients que mettre de l’eau potable sur un incendie, c’est gaspiller une ressource précieuse, développe le colonel. Nous avons donc créé un service qui a répertorié tous les points d’eau naturels du département sur une carte. Ces données sont analysées lors de nos interventions grâce à un véhicule cartographique. Une carte est imprimée sur place pour indiquer où nous pouvons prélever de l’eau, que ce soit un étang, un canal ou une mare.” Afin de garantir l’efficacité de cette solution, le SDIS 34 procède à une analyse méticuleuse de ces points d’eau depuis plusieurs semaines pour vérifier s’ils sont toujours opérationnels.
Nouvelles technologies de prévention et d’intervention
Grâce aux investissements innovants du Département de l’Hérault, le SDIS 34 dispose de moyens de pointe pour faciliter son intervention sur le terrain et prévenir les feux de forêt. “Nous sommes le seul département de France à disposer d’une cellule aérienne départementale, ce qui signifie que nous possédons nos propres avions de lutte contre les incendies, se réjouit Jérôme Bonnafoux. Chacun des trois avions est basé chaque été sur l’aéroport de Béziers-Cap d’Agde, et complète les actions de notre hélicoptère.” En 2023, une nouvelle innovation a été ajoutée à l’hélicoptère des pompiers : “Il est désormais équipé d’une caméra qui nous permet de renvoyer des images du feu en temps réel au centre opérationnel pour affiner les moyens d’intervention. En plus de sa fonction de surveillance, l’hélicoptère peut larguer environ 600 litres d’eau sur les points chauds.”
Pour lutter contre les risques de propagation des incendies, les sapeurs-pompiers de l’Hérault disposent également depuis peu de douze caméras numériques de levée de doutes. “Installées dans des zones à risque, ces caméras puissantes nous permettent de trianguler rapidement l’emplacement d’un feu pour adapter l’engagement des moyens de lutte contre l’incendie”, clarifie le porte-parole.
La stratégie du SDIS 34 est renforcée par l’utilisation de ces outils, d’autant plus que les sapeurs-pompiers de l’Hérault s’efforcent d’intervenir rapidement sur les feux naissants : “En agissant dans la demi-heure suivant le premier signalement, nous parvenons à freiner l’évolution des flammes. Nous combinons immédiatement nos moyens terrestres et aériens, une méthode qui s’est avérée efficace. En effet, malgré le nombre croissant de départs de feu, la surface touchée par les incendies a diminué”.
La prévention et l’anticipation jouent un rôle primordial dans la stratégie des sapeurs-pompiers de l’Hérault, y compris en matière de formation des intervenants. À partir d’avril 2024, un nouveau centre régional de formation des pompiers ouvrira à Gignac. Ce site offrira aux pompiers des treize départements de la région Occitanie des simulations réalistes dans lesquelles s’entraîner. “Nous avons prévu deux outils supplémentaires sur ce nouveau plateau technique : la formation virtuelle, qui permet une immersion totale dans une simulation de l’évolution du feu face au vent, ainsi qu’un simulateur de feu pour aider les pompiers à adopter les bons réflexes s’ils se retrouvent piégés par un incendie”.