Professions du droit et du chiffre — Montpellier

Hérault : d’après l'experte-comptable Sylvie Painvin, "la profession doit se tourner vers des tâches à plus forte valeur ajoutée”

L'homo "experto-comptabilus" doit évoluer pour survivre, rapidement, en anticipant. Et d’après l'experte-comptable Sylvie Painvin, c’est "en accompagnant les changements de méthodes", "en co-pilotant les efforts vers la durabilité" des entreprises, que la profession évitera la disparition.

Ainsi, du bilan sur l’exercice précédent, l’expert devient le traducteur du présent et le stratège de demain, une approche pro-active que la professionnelle du chiffre et du droit a intégrée dès la fondation de son cabinet.

Bâtir un nouveau modèle 

“Mon parcours d’experte-comptable a débuté de manière assez classique, et j’ai eu la chance de travailler dans trois cabinets avant de m’installer à mon compte, notamment en dirigeant l’un d’entre eux. Au-delà de la partie technique, cela m’a permis d’apprendre également le métier de cheffe d’entreprise et d’experte-comptable de terrain.” La suite de l’aventure professionnelle de Sylvie Painvin s’est écrite à Clermont-l’Hérault, dans la zone des Tannes Basses, où il y a 16 ans, elle décida d’ouvrir son cabinet d’expertise-comptable. “Pour différentes raisons personnelles, j’ai dû m’installer ‘ex nihilo’, c’est-à-dire que j’ai créé le cabinet de zéro, se souvient la professionnelle du chiffre. Ce qui, au départ, aurait pu être une contrainte, un obstacle financier en tout cas, s’est avéré être une véritable opportunité, car j’ai pu créer le cabinet de mes rêves. Dès le début, j’ai pu choisir avec qui je travaillais et comment, et ça, c’était génial.”

Quête d’efficacité immédiate, équilibre famille/travail, définition de la stratégie client, Sylvie Painvin n’a pas tardé à donner à son cabinet l’impulsion qui allait rapidement le démarquer : “Dès le départ, je savais quel type de clientèle je souhaitais attirer et j’ai axé ma stratégie en conséquence. J’ai donc étudié tout de suite la matière sociale et en ai fait une première spécialité. Cela m’a permis d’entrer rapidement sur des dossiers intéressants en termes de taille, car il s’agissait de sociétés, donc de clients ayant des salariés, qui recherchaient une approche à la fois juridique et comptable.”

Ainsi, la professionnelle a décidé de construire son modèle sur la base du “design thinking”, c’est-à-dire l’empathie, ou l’approche personnalisée aux besoins des clients en comprenant leurs objectifs et leurs obstacles. Et pour arriver à un tel résultat, selon elle, ”il faut du copilotage, du conseil, de l’écoute, car il n’y a rien d’hétérogène.” ​​Petit à petit, son équipe et elle ont créé et développé “INVi concept“, soit une offre de service flexible, adaptée à l’âge ou à la maturité de l’entreprise. Une approche qui encourage l’intervention des experts-comptables “au cœur du réacteur”, dont l’un des piliers est la démarche RSE. 

Obsolescence programmée, plus-values exigées

Le modèle traditionnel de l’expert-comptable, recevant ses clients une fois par an pour le bilan, est désormais obsolète. Avec l’automatisation des tâches comptables, les experts-comptables peuvent donc “se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée”, glisse Sylvie Painvin. Loin d’être un “truc en plus”, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) serait donc un nouvel angle pour redéfinir le métier, un facteur de développement pour les cabinets à l’heure où l’évolution des outils et des méthodes appelle à un nouveau modèle de travail. Ainsi, selon elle, on passerait d’une profession technique tournée vers le chiffre à “une profession accompagnatrice de la durabilité”, fournissant “du conseil proactif”.

Mais pour devenir un partenaire stratégique, évaluant non seulement les performances financières mais aussi les performances extra-financières, notamment en matière de RSE, cela ne se fait pas du jour au lendemain… Avec l’arrivée de l’application du CSRD, une directive européenne visant à améliorer et à harmoniser la divulgation d’informations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) par les entreprises, définir un cadre de progression et de responsabilisation devient nécessaire. Tout comme la montée en compétences RSE, et le cabinet Painvin est un précurseur dans ce domaine. “On a testé, on a essuyé plein de plâtre, du coup, on sait faire ! A nous d’acculturer nos collaborateurs”, lance la professionnelle, fière de la résilience de ses équipes.

Cabinet Painvin et sa ruche ©Painvin
Cabinet Painvin et sa ruche ©Painvin

Un cabinet précurseur

Application de la méthode SCRUM (méthode de gestion de projet agile et itérative dérivée du brainstorming) sur les points précis d’amélioration du cabinet tels que la maîtrise des flux d’information, mutation des modes de fonctionnement en phase avec la RSE (tri des déchets, réduction du papier, usage et stockage raisonné des données par l’usage d’INVIConnect, réflexion autour de la réduction du bilan carbone… Ce que l’experte-comptable appelle “l’amélioration continue”. Des chantiers et des ambitions qui, pour leur part sociale, ont été réunis dans ce quelle a baptisé “Horizon 2030″, que Sylvie Painvin résume par : “Comment intéresser les jeunes à notre profession ? Comment intégrer des personnes dans notre équipe ? Comment casser l’image souvent fausse de notre profession ?“. Secondaire mais marquant, la patronne et ses équipes ont décidé de réinvestir ce qui a été économisé dans l’installation d’une ruche, située à l’extérieur du cabinet de Clermont-l’Hérault : “Nous avons fait construire un petit enclos et un apiculteur vient à leur chevet. Elle est magnifique et peut accueillir 50 000 à 60 000 abeilles à elle seule. À m’entendre, cela ressemble à un détail mais cela a pris un an et nous avons un vrai sentiment d’accomplissement. Les gens sont en quête d’un retour à la nature et on l’a fait venir jusqu’à nous. Ça nous a créé beaucoup d’émotions”.

Le travail a payé puisque le cabinet a reçu la distinction RSE selon la norme ISO 26000. Cette norme basée pour le moment sur le volontariat, est reconnue mondialement pour guider les entreprises vers des pratiques socialement responsables et respectueuses de l’environnement. Pour obtenir la certification ISO 26000, l’équipe a travaillé sur tout ce qu’elle avait fait depuis 2016 : “Ça montre l’implication de nos équipes. Nous sommes allés le chercher car on avait besoin de reconnaissance en interne, besoin que quelqu’un voit ce qu’on a fait.” Car si Sylvie Painvin et ses collaborateurs se sont plongés dans les nouvelles méthodes pour apporter une expertise optimisée à leurs clients, “c’est par l’expérience qu’ils ont consolidé leurs savoirs”. Résultat, ce précieux sésame, le cabinet Painvain est le premier en France à l’avoir décroché !

Elle se souvient : “Nous avons annoncé notre objectif de certification à nos clients, avec la certitude que nous serions les premiers à l’obtenir. Après avoir essayé d’avancer avec plusieurs autres accompagnants de l’AFNOR (Association française de normalisation), nous sommes tombés sur une auditrice à l’écoute, qui nous a challengés, qui nous a aidé à structurer nos actions… Elle collectait toutes les informations et nous aidait à être en amélioration continue, de notre côté, nous étions à fond ! Conséquence de tant d’efforts, le 23 décembre, après plusieurs audits blancs, elle m’a confié que d’après ses calculs, on atteignait le niveau exemplaire. Alors qu’au début, elle nous avait dit que cet objectif n’était pas raisonnable. Nous sommes d’autant plus fiers que pour y arriver, il a fallu que la totalité de l’équipe soit investie. C’est vraiment le fruit d’un effort collectif focalisé sur la durabilité.”

Un soutien accru aux entrepreneurs

Utiliser l’analyse des données, des chiffres et des lois pour construire un projet et poursuivre une ambition adaptée est une méthode que Sylvie Painvin applique également à la tête de l’association Initiative Cœur d’Hérault, dont le siège se trouve à Gignac. “L’initiative Cœur d’Hérault est une association membre du réseau national Initiative France. Nous prêtons de l’argent sans intérêt à des entrepreneurs sous forme de prêts d’honneur, ce qui permet de lever des fonds supplémentaires auprès des banques. Actuellement, nous pouvons prêter jusqu’à 20 000 euros en prêt d’honneur et le constat fait est que chaque euro prêté par notre initiative attire 13 euros de prêts bancaires”, résume-t-elle. 

Avec “un taux de réussite de 90 % sur trois ans” pour ces “micro-crédits”, l’association joue un rôle clé dans le soutien aux créateurs et repreneurs d’entreprises, si bien que la présidente confirme que les porteurs de projets toquent à la porte. Recommandés par des experts-comptables, des banquiers ou des organismes consulaires, ils sont reçus par l’association qui les aide à monter leur dossier de financement, leur stratégie, leur méthodologie… “Nous ne forçons pas la démarche RSE mais nous apprécions toujours quand il y a une culture de la responsabilité sociétale des entreprises. D’ailleurs, nous attribuons le label Initiatives Remarquables aux entreprises très engagées”, ajoute-t-elle. 

Un boost significatif qui a permis la création de 138 emplois rien qu’en 2022. Problème : l’association a du restreindre les prêts l’année suivante en raison des fonds disponibles. Initiative Cœur d’Hérault souhaite désormais engager davantage de partenaires tels que les banques, les assurances et les collectivités locales pour soutenir la création d’emplois et de richesse dans la région Cœur d’Hérault. Après avoir longuement travaillé avec les cabinets indépendants d’expertise comptable, soit “une profession qui accompagne depuis toujours les créateurs d’entreprise”, aujourd’hui au nombre de 7, l’organisme s’adresse aujourd’hui à tous les interlocuteurs qui comprennent l’enjeu et l’impact de la création de richesse sur un territoire à développement rapide. L’objectif poursuivi : maximiser l’accessibilité et l’incidence de l’initiative afin de favoriser une croissance durable et inclusive.

L’entrepreunariat au féminin 

Autre combat et fierté de Sylvie Painvin et ses équipes : le travail effectué pour l’égalité hommes-femmes dans l’entrepreneuriat. “Cette année, au sein d’Initiative Cœur d’Hérault, nous avons soutenu autant d’hommes que de femmes créateurs d’entreprise, ce qui est une grande satisfaction”. L’association a mis un point d’honneur à soutenir l’entrepreneuriat féminin, convaincue que “l’indépendance financière est un vecteur de liberté”, jusqu’à atteindre la parfaite équité au sein du comité de l’association.

Et plus qu’une promesse ou une ambition, ce succès résulte de mesures concrètes : “Nous avons éliminé les questions personnelles des comités de sélection et assuré une représentation équilibrée de femmes et d’hommes. Nous avons aussi mis en place des programmes de soutien et de coaching pour les femmes entrepreneuses, grâce à l’implication de Johanna Cebria, l’une de nos permanentes”. Une vraie fierté pour celle qui se dit convaincue que la seule manière d’accompagner les entreprises dans leur quête d’exemplarité est de “montrer l’exemple”.

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