Hérault : délinquance, guerre des clans, renforts de CRS, les annonces du préfet
Sécurité, économie, transport, le préfet de l’Hérault Hugues Moutouh a pris le temps de répondre à nos questions lors d'un entretien accordé à la presse ce jeudi 12 janvier 2023. Un temps de parole très attendu alors que le climat social continue d'être impacté par les crises.
Le préfet de l’Hérault Hugues Moutouh ©Louise Brahiti
Une course contre la montre
Arrivé il y a 17 mois à la préfecture de l’Hérault, le préfet Hugues Moutouh se définit lui-même comme “un homme pressé par le temps”. S’il se dit fier des engagements tenus depuis sa prise de fonction, dont la baisse “très significative de la délinquance” en 2022, le représentant de l’Etat reconnaît que sa fonction s’accompagne “d’une peur de ne jamais faire assez”.
“On a une horloge dans la tête puisque nous sommes à la disposition de l’Etat, rappelle le préfet. En moyenne, les préfets restent en poste 2 ou 3 ans avant d’être déplacés. Ce mouvement constant est intéressant pour garder une forme d’impartialité, mais cela signifie aussi que nous sommes pressés de tenir nos engagements. Et il y a beaucoup à faire”.
Un climat social instable
Alors que des contestations sur la réforme des retraites s’élèvent et que l’inflation impacte les populations les plus vulnérables, certains experts craignent une multiplication des protestations et des perturbations. “Nous vivons un début d’année qui est difficile et la période qui va suivre ne sera pas simple, admet le préfet. En 2023, le premier objectif de l’Etat doit être de faciliter le quotidien des citoyens et des entreprises face aux crises à répétition. Le rôle des préfets est aussi de servir de relais pour mettre en avant les aides proposées. Récemment, par exemple, nous avons communiqué sur la décision du ministre de l’Économie Bruno Lemaire de plafonner le montant des factures d’électricité des TPE.”
Pour le préfet cependant, il est encore trop tôt pour que la colère des gens, créée par la réforme des retraites, se traduise sur la voie publique : “Si les Français sont majoritairement opposés à la réforme, les services de l’Etat n’ont pas encore identifié de troubles. On est encore très en amont du processus donc on ne peut pas savoir comment cela va évoluer. J’ai aussi l’impression que, même si les gens sont hostiles au projet, ils sont conscients que des décisions doivent être prises afin de restructurer les systèmes de retraites”.
La priorité : la sécurité
Le vendredi 6 janvier, à l’occasion de ses vœux aux forces de l’ordre et de secours, Hugues Moutouh avait dévoilé les chiffres de la délinquance dans l’Hérault, annonçant une “baisse très significative” dans le département. Concrètement, les données de décembre 2022 indiquent une baisse de plus de 19% des vols avec violences, une baisse de 20% pour les violences aux personnes dans les transports en commun et une baisse de 18% pour les cambriolages. “Le seul point noir que nous n’arrivons pas à endiguer, ce sont les violences intrafamiliales qui connaissent une hausse de plus de 21%, avait reconnu le préfet. Cependant, il faut retenir que ce qui fait monter ce chiffre, ce n’est pas forcément une augmentation des violences mais plutôt une libération de la parole”.
Pour le préfet de l’Hérault, si l’évolution de la délinquance connaît une tendance à la baisse dans le département, elle n’est pas ressentie pas les Héraultais, pour qui le sentiment d’insécurité est toujours très pesant. “Nous avons des objectifs clairs afin de faire baisser ce ressenti et améliorer davantage la vie des concitoyens, explique Hugues Moutouh. Aujourd’hui, nous sommes présents en nombre grâce à nos effectifs de départ et les renforts de CRS que nous avons reçu à Béziers et à Montpellier l’an passé. Si les renforts accordés à Béziers ne sont pas maintenus, ceux de Montpellier le sont. Dans les prochains mois, les 80 CRS conservés feront des va-et-vient sur le territoire et agiront aux côtés des commissariats pour garantir la sécurité publique. Si nous avons obtenu d’aussi bons chiffres cette année, c’est parce que nous avons tenu notre cap, utilisé nos moyens différemment et augmenté nos effectifs. Après, même si je suis satisfait de cette baisse, ça ne sera jamais assez.”
Pour accompagner une nouvelle baisse, le préfet a dressé une liste des priorités de la Préfecture en matière de sécurité : la poursuite des actions dans les transports publics, l’amélioration de l’accueil des victimes et la lutte contre l’alcoolisme, afin de prévenir des crimes et des délits liés à un excès d’alcool.
“Nous allons bien entendu poursuivre le démantèlement des points de deal, complète Hugues Moutouh. Le problème est qu’après chaque démantèlement, un nouveau lieu de trafic ouvre à quelques mètres de là parce que le crime paie. Certains clans arrivent à se faire plusieurs millions par semaine. A Montpellier, ils sont une vingtaine à se disputer la ville et à collaborer quand cela est nécessaire. La spécificité de la métropole est qu’au sommet de la chaîne alimentaire, il y a les gitans, une situation qu’on trouve nulle part ailleurs. D’ailleurs, les réseaux sont principalement installés dans la Cité Gély et à la Paillade”.