Hérault : face aux budgets en chute libre, les élus dénoncent "une absence de leviers"
“Je suis très, très, très inquiet.” A en croire les mines grises des élus présents à l’assemblée générale de l’Association des maires de France de l’Hérault (AMF34), Kléber Mesquida n’est pas seul.
Au Palais des Congrès de la Grande-Motte, environ 200 élus locaux ont assisté à la présentation d’un bilan noir, encore plus fragilisé par les débats autour de la Loi des Finances 2025. Ensemble, ils dénoncent des “difficultés devenues ingérables” et désignent un ennemi commun : “la surenchère normative”.
Pression financière et déséquilibre
Stéphan Rossignol, maire de La Grande-Motte, a lancé l’alerte dès l’ouverture des débats : “Nous sommes dans une période extrême, confrontés à des difficultés financières qui ne cessent d’empirer.” Il ne s’agit plus de simples contraintes budgétaires, mais bien de la menace d’un effondrement imminent des collectivités locales, comme le signale Kléber Mesquida : “Le système est à bout de souffle, il faut le dire clairement, et si nous n’agissons pas rapidement, il sera trop tard pour nos territoires.” Les élus sont unanimes : ils ne peuvent plus se permettre d’attendre.Et ce n’est pas le Projet de Loi de Finances 2025 qui va arranger les choses. Florence Brutus, vice-présidente de la Région Occitanie, a martelé avec une inquiétude palpable : “Aujourd’hui, nous vivons des moments difficiles collectivement, car avec le projet de loi de finances 2025, l’État s’attaque une nouvelle fois aux finances des collectivités pour combler un déficit que les gouvernements successifs depuis 2017 ont eux-mêmes creusé.” Le coup de grâce ? “En 2025, ce seront 180 millions d’euros de moins pour le budget régional”.
Réinventer la fiscalité, un impératif
Et dans cette atmosphère de crise généralisée, une réforme de la fiscalité locale devient plus que jamais une nécessité d’après les élus. “Nous ne parlons toujours pas de fiscalité, toujours pas de levier”, pointe du doigt Florence Brutus. Un vide législatif qui ne fait qu’aggraver le fossé entre l’État et les collectivités locales.
Kléber Mesquida, lui, a lancé un véritable cri du cœur : “Il est grand temps de réinventer le système fiscal. Il faut que les collectivités puissent disposer de véritables leviers pour financer leurs politiques publiques. L’État doit comprendre que nous ne sommes pas là pour être ses exécutants, mais pour être les premiers à connaître les besoins de nos territoires.”
Des territoires “étouffés”
Mais l’une des principales causes du mal-être des élus locaux, c’est l’attitude de l’État. Kléber Mesquida a dénoncé la déconnexion totale du gouvernement : “L’État a systématiquement délaissé les collectivités, en leur imposant des contraintes de plus en plus lourdes, sans jamais offrir de solutions concrètes. Quand vous avez une économie en crise, il faut accompagner les territoires, pas les étouffer avec des baisses budgétaires.” Et pour le président du département, la solution est évidente : un retour à une décentralisation véritable et une autonomie renforcée des collectivités locales.
Il voit dans l’unité locale la seule chose qui pourrait sauver les territoires : ”Si nous ne nous unissons pas, il sera impossible de maintenir une action publique digne de ce nom.” Selon lui, la coopération intercommunale entre les 340 communes et 17 communautés de communes de l’Hérault sera essentielle pour traverser cette tempête. Mais cette solidarité devra s’accompagner d’une révision totale des financements : “Nous devons repenser en profondeur la manière dont les territoires sont financés, si nous voulons encore servir nos citoyens.” L’heure est grave, et Kléber Mesquida ne cache plus son urgence : “Le temps n’est plus aux compromis. Nous avons des solutions, mais il faut que l’État nous écoute enfin !”.
“Comptez sur moi”
Le préfet de l’Hérault, François-Xavier Lauch, s’est lancé ce matin dans un exercice d’équilibriste. Défendant le gouvernement d’un côté – “les crises que nous traversons ne sont pas de notre fait” – tout en plaidant pour un État plus agile et plus proche du terrain, il a tenté de rassurer des élus profondément inquiets. Il a mis en avant un État engagé : “Mon rôle, c’est d’incarner un État aidant, moderne, qui écoute et simplifie. Oui, les règles sont parfois trop lourdes. Mais nous pouvons trouver des solutions, faire autrement. Face à la difficulté, je mise sur l’ingéniosité et l’action résolue. Et quoi qu’il arrive, comptez sur moi : je serai toujours à vos côtés.”
Mais le préfet ne s’est pas contenté d’enfiler les gants du défenseur. Il a aussi reconnu les failles. Avec 30 % d’agents de l’État en moins depuis 2007 dans l’Hérault, il a demandé de ne pas accabler des services qui, selon lui, “font tout avec moins”. Et, tout en respectant scrupuleusement la libre administration des collectivités, il s’est positionné en allié : “Je ne suis pas là pour commenter vos choix, mais pour vous aider. Chaque visite communale m’enrichit, et je sais combien vous êtes parfois seuls.”
Le tableau budgétaire, en revanche, reste sombre. La dette nationale, les tensions sur les dotations et la baisse annoncée du Fonds vert (divisé par deux) pèsent sur l’avenir : “L’État a fait des efforts, mais il faut être lucide : il y aura moins pour investir l’année prochaine.” Plutôt que céder au fatalisme, le préfet a insisté sur la nécessité d’agir collectivement, de préserver les projets déjà engagés et de maintenir l’unité : “Ces efforts, il faudra les partager, pas se diviser. Car c’est ensemble que nous ferons avancer le territoire.”