Interview : rencontre avec Laurent Vialla, nouveau président de la Chambre des notaires de l'Hérault
Le 30 mai dernier, Maître Laurent Vialla, notaire à Montpellier, a été élu président de la Chambre départementale des notaires de l’Hérault, succédant ainsi à Maître Maguelonne Escande-Cambon.
Notaire à Montpellier, Laurent Vialla représente la quatrième génération de notaires de sa famille, ayant succédé à son père en 2001. Rejoint par Maître Emmanuel Dossa, ancien président de la Chambre des Notaires de l’Hérault, puis par Maître Loïc Marillat et Maître Fanny Thooris, son activité est aujourd’hui attachée à deux études montpelliéraines : l’historique de la rue Foch et l’Ammonite, quartier Odysseum.
Avant son élection en mai dernier, Laurent Vialla occupait le poste de vice-président de la Chambre des notaires de l’Hérault. Désormais, c’est sur la première marche de l’institution qu’il se tient, conscient que durant sa présidence, il devra s’attacher à assurer une forme de continuité dans un monde juridique en profond chamboulement.
“J’ai envie de rappeler à chacun qu’on a un rôle dans la société”
En prenant la succession de Maguelonne Escande-Cambon à la tête de la Chambre, Laurent Vialla souhaite non pas se poser mais agir en digne successeur, en remettant la fonction de notaire à sa juste place : “J’ai un peu le sentiment par moment que finalement l’acte notarié marche tellement bien que c’est un peu comme les trains qui arrivent à l’heure, on n’en parle pas, plaisante-t-il. L’acte notarié, pour moi, est synonyme de solidité, il est exécutoire, il est pérenne et il est porteur d’émotions, car nous intervenons dans des temps forts de la vie de nos clients dont nous sommes bien souvent les témoins”. Ainsi, c’est davantage de lumière que le nouveau président tentera d’apporter à la profession, s’adressant par le biais de dialogues et d’événements à la population, aux entreprises et aux élus divers afin de “rappeler à chacun qu’on a vraiment un rôle dans la société et une utilité”.
Car Laurent Vialla en est convaincu : c’est en travaillant “en toute complémentarité” avec les autres professions, du chiffre, du droit mais pas seulement, que l’accompagnement sera le plus enrichi pour les clients et le plus enrichissant pour les notaires : “A titre d’exemple, les avocats et les notaires ont une vision différente du droit. Et pour moi, si les deux professions existent, c’est que fondamentalement il y a deux façons de traiter le droit et qu’on a besoin d’avoir les deux regards”.
“La mission fondamentale ne change pas”
Quand il regarde en arrière, ou se projette au temps où son premier ancêtre prit la direction de la Chambre, le président admet que la profession n’est plus la même. Malgré le bouleversement des actes et de l’épaississement des législations, Laurent Vialla maintient que la mission reste inchangée, commune et puissante, glissant que cette éthique, elle, ne sera jamais bouleversée. “Les fondamentaux sont toujours là, lance-t-il. Le constat du consentement libre et éclairé de la personne et la sécurité de l’acte, que ce soit au XVIIe, XVIIIe, XIXe, XXe ou XXIe siècle, c’est toujours pareil. La mission fondamentale du notaire, c’est de donner le caractère authentique à un acte, c’est-à-dire de vérifier le contenu, le consentement et sa conservation, de manière à pouvoir justifier X années plus tard que l’acte était bon. Cette mission fondamentale ne change pas et les fondements de la profession, aujourd’hui encore, sont utiles”.
À l’heure de l’avènement de l’intelligence artificielle, quel regard porter ? Quel sera l’impact sur le métier de notaire ? “À terme, je pense que notre métier va évoluer, mais pour l’instant, l’impact se fait sentir uniquement par une évolution normale de tous nos logiciels qui automatisent de plus en plus certaines tâches totalement répétitives”, indique le président. Mais plutôt que de voir l’IA comme une météorite à l’impact dévastateur, selon lui, c’est la mission première du notaire qu’elle permettra de revaloriser. Ainsi, elle ne serait pas limitation, mais libération. “La nature de nos tâches est complexe, aujourd’hui les ordinateurs ne sont pas capables de prendre un acte ou d’en extraire tout ce qu’il faut pour faire les mouvements comptables, faire les déclarations d’impôt, faire les paiements de droits qui sont dus… Nous avons encore besoin de quelqu’un qui s’occupe de la comptabilité, des formalités, de la publication. L’humain est indispensable”, résume-t-il.
“Nous allons pouvoir hyper personnaliser les relations”
Comment imaginer la suite ? Comment prendre en compte la constante amélioration des outils IA et les opportunités et défis qu’ils présentent ? “Par la formation et la discussion”, répond sans détour le président. Alors ira-t-on, comme l’on déduit les experts-comptables avec l’adoption de la facture électronique, vers une revalorisation du métier conseil des notaires ? C’est le vœu qu’il porte et l’accompagnement qu’il tentera de porter avec son équipe : “Avec l’avènement de ces outils, l’utilisation de la donnée va devenir un travail intelligent. L’analyse critique et l’analyse pragmatique, pour l’instant, les ordinateurs ne sont pas capables de les faire. On va vraiment avoir besoin de quelqu’un qui, quand il entre les données, fait une analyse critique, utilise le bon sens.”
Selon lui, avec la libération du temps lié à l’entrée et à la compilation des données, le notariat a vraiment “une carte à jouer” : “Nous allons pouvoir hyper personnaliser les relations. Nous avons toujours su tenir un suivi sur la durée, nous sommes bien souvent des notaires de famille et les clients sont toujours contents de nous retrouver sur les moments clés de leur vie. Nous sommes un marqueur pérenne. Chez nous, ils viennent chercher du conseil, de l’information et un raisonnement sur la durée possible, car nous avons pris le temps de les connaître dans toutes leurs spécificités. On a affaire à des règles qui se veulent rationnelles, cohérentes, mais en réalité, il y a une dimension humaine. Ce n’est pas quelque chose que l’informatique est capable d’apporter.”
Au-delà de l’outil en lui-même, le nouveau président de la Chambre des notaires de l’Hérault a d’ores et déjà constaté durant son exercice le pouvoir du digital, non pas en support de son action, mais en vocable pour la clientèle. “Plus que l’IA, c’est l’impact des réseaux sociaux qui se fait sentir, explique-t-il. Les gens communiquent beaucoup entre eux, lisent davantage, donc on a une clientèle qui est plus avertie aujourd’hui. C’est beaucoup plus agréable d’avoir une clientèle en face de soi qui est un peu versée à la chose parce que la discussion est plus riche, qu’on se comprend mieux, qu’on peut vraiment apporter un plus. Pour moi, ce sont les réseaux sociaux qui ont vraiment changé la donne, et en bien.”