Hérault : la canne à sucre peut-elle s’adapter au climat du département ?

“En tant que chercheur, j’estime que c’est de notre devoir de rêver, de penser que peut-être demain, ça peut être utile”, affirme Christophe Poser, correspondant au Cirad Montpellier et chercheur étudiant les cultures de canne à sucre. “Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si des variétés s’adaptent”, explique-t-il, en parlant du climat de la France hexagonale. “L’initiative provient de questions de recherche que j’avais moi-même et de demandes à la fois de distillateurs et de producteurs du sud de la France, se rappelle Christophe Poser. Deux distillateurs souhaitaient savoir s’il était possible de cultiver la canne à sucre en France hexagonale. Ils voulaient faire des circuits plus courts et être plus vertueux”, explique le chercheur. C’est le cas par exemple de la Hidden Distillery, qui a planté de leur propre initiative, avec l’accord de Vitropik, une filiale du Cirad, des hectares de canne à sucre sur leur terrain. “On est au niveau de nos cultures sur une expérimentation qui va durer neuf ans avec le CIRAD, et différents organismes, pour voir l’adaptation des cannes à sucre dans notre région. Pourquoi le faire ? Le fait de favoriser le local, c’est-à-dire de développer une culture par exemple qui n’est pas du tout endémique ici dans la région, qui est la culture de canne à sucre, plutôt que de la faire venir de l’autre bout du monde me permet de réduire l’empreinte carbone de ma production”, explique Cédric Carpentier, producteur de la Hidden Distillery. Christophe Poser les conseille sur le développement de l’exploitation.

“En parallèle, j’ai eu aussi des demandes d’agriculteurs qui souhaitaient changer de culture, qui voulaient tester des choses”, indique-t-il. Car il faut savoir que la canne à sucre a de multiples avantages, outre la production de divers sucres utiles pour la production de rhum, elle peut être employée également dans la fabrication de jus de mélasse, d’alcool ménager, d’éthanol pour le carburant… Et pas seulement. La bagasse (résidu fibreux issu du broyage de la canne) peut servir d’isolant. Un essai a été mis en place en Corse par le Cirad depuis 2022, en consortium avec les agriculteurs. Depuis, des résultats à l’occasion d’une première récolte en 2023 “tout à fait honorable en termes de rendement et de quantité de jus”, confirme Christophe Poser.

Et puis, son exploitation à des bénéfices écologiques intéressants, puisque cette dernière résiste aux cyclones (donc aux vents forts), elle couvre le sol, retient la terre et permet de capter une quantité plus importante de CO2 : une tonne de canne à sucre est capable de capter 543 kg de CO2 par an. 

Cependant, elle comporte quelques inconvénients à son utilisation en France. Il faut faire attention aux mauvaises herbes qui sont en concurrence avec la plante, mais surtout, la canne à sucre nécessite une certaine quantité d’eau. De plus, étant composé à 70% d’eau dans sa tige, elle craint le gel. Ainsi, ils ont testé dans différents départements la culture de canne, notamment dans Gard et le Var, mais les plans n’ont pas tenu, faute au froid.

Beaucoup d’interrogations sont encore en cours pour savoir si cette dernière serait exploitable dans un département comme l’Hérault, en termes de consommation d’eau et de température, “et puis on ne sait pas si elles sont adaptées… […] Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs”, conclut le spécialiste.