Hérault : la châtaigne, fruit pauvre devenu roi
Jadis fruit modeste, la châtaigne a nourri des générations de Languedociens. Aujourd’hui, elle trône sur les étals des grandes maisons de confiserie, devenue marron glacé à 150 euros le kilo. Une revanche pour l’ancien “pain des pauvres”.
Ce vieux roi des Cévennes
En Cévennes, le châtaignier n’est pas qu’un arbre, c’est un monument. Ferdinand Fabre, romancier de Bédarieux, l’écrivait déjà au XIXe siècle : “Le châtaignier est le roi de nos montagnes. Son vaste tronc rugueux, écaillé, se montre partout, étendant sur nos campagnes des bras énormes qui les embrassent jalousement.”
Roi, oui, mais un roi modeste. Son règne s’est imposé par nécessité. Là où les céréales ne poussaient pas, lui a su tenir bon. Il suffisait de se baisser pour ramasser des châtaignes. En soupe, en purée, en galettes, séchées ou moulues en farine, elles ont rempli bien des ventres creux. Les anciens le disent encore : “Pendant la guerre, c’est la châtaigne qui nous a sauvés.”
Un fruit en or
Dans les Cévennes, les châtaignes ont fait bien plus que sauver des vies : elles ont forgé une culture. Des murets de pierre sèche aux séchoirs à châtaignes (les clèdes), le paysage lui doit beaucoup. Jusqu’aux drailles de transhumance, ces chemins bordés de châtaigniers centenaires, où le pastoralisme s’entremêle avec la castanéiculture.
Il aura fallu du temps, de l’obstination et quelques coups de gueule, mais ils y sont parvenus. Depuis 2020, la châtaigne des Cévennes bénéficie du label AOC (Appellation d’Origine Contrôlée). Deux ans plus tard, en 2023, elle décroche aussi l’AOP (Appellation d’Origine Protégée). Derrière ces trois lettres se cache une victoire de 20 ans de lutte.
Avec ces labels, la châtaigne cévenole entre dans le club des grands produits de terroir, au même titre que le roquefort ou le pélardon. Et ce n’est pas qu’une question de prestige : l’AOC impose des règles strictes. 206 communes du Gard, de la Lozère et de l’Hérault, dont 81 communes des Hauts-Cantons, doivent se plier à un cahier des charges rigoureux. Les castanéiculteurs (oui, c’est le nom qu’on donne aux cultivateurs de châtaignes) peuvent enfin défendre leur production face à la concurrence étrangère. Le “pain du pauvre” désormais couronné a bien changé de statut.