Hérault : la lutte contre la cabanisation mobilise les services de l'Etat et les mairies
Vendredi dernier, Emmanuelle Darmon, sous-préfète en charge de la cabanisation, David Durand, vice-procureur de Béziers, Matthieu Grégory, directeur départemental des territoires et de la mer et Stéphane Pépin-Bonet, maire de Bessan, ont exposé la politique conduite et les actions menées au travers de l’exemple de la commune de Bessan.
Le département de l’Hérault est fortement concerné par la cabanisation qui dépasse la zone littorale et s’étend de plus en plus dans l’arrière-pays. La cabanisation revêt des enjeux multiples : sociaux, sécuritaires, d’hygiène et de salubrité, environnementaux. Les services de l’État concernés ont tenu, au travers de l’opération ‘coup de poing’ récemment réalisée sur la commune de Bessan, à rappeler que la cabanisation est un délit et fait partie des infractions à l’urbanisme.
La situation dans l’Hérault
La cabanisation, c’est la construction ou l’installation d’un habitat (permanent comme occasionnel), sans autorisation, en zone agricole ou naturelle (souvent inondable ou exposée aux feux des forêts). Cela peut être des maisons, des chalets, des mazets, des cabanons, caravanes ou encore mobil-homme. Historiquement, la cabanisation était concentrée sur le littoral, mais depuis plusieurs années, le phénomène se déplace à l’intérieur des terres. Entre 20 000 et 30 000 parcelles (sur les 10 dernières années) sont concernées sur l’ensemble du département par ces infractions à l’urbanisme.
Emmanuelle Darmon, sous-préfète en charge de la cabanisation, a rappelé les enjeux : « c’est grâce à des actions coordonnées, telles que celle qui a eu lieu à Bessan, que nous lutterons efficacement contre ce phénomène. La cabanisation (une construction sur un terrain non constructible) s’est installée dans le département et les enjeux sont nombreux : sociaux (population en grande précarité ou marginalisée), d’hygiène et de salubrité (pas de raccordements au réseau électrique, pas de réseau d’eau potable, pas de collecte de déchets), la sécurité (difficulté d’accès pour les forces de secours), ou encore les enjeux environnementaux (eaux usées rejetées en milieu naturel). »
Les moyens
À Béziers, une équipe de 3 personnes spécialisées sur les infractions à l’urbanisation a été, depuis septembre 2020, mise en place par le parquet, dont un vice-procureur en charge de la cabanisation : « cela montre l’importance que l’autorité judiciaire accorde à la lutte contre la cabanisation » explique David Durand, le vice-procureur. « Nous avons dédié également une adresse électronique à destination des élus pour fluidifier les échanges. Je souhaite revenir sur le développement de différentes croyances développées par une partie de la population. Les prévenus ne sont pas le public que nous avions l’habitude de voir. Ils ont pour la première fois affaire à la justice, car ils n’avaient pas conscience du délit pénal, ce n’est pas que civil ou administratif. C’est donc jugé devant un tribunal correctionnel. Au-delà des amendes encourues par mètre carré illégalement construit, le tribunal correctionnel peut y adjoindre une astreinte financière par jour de retard (jusqu’à 500€ /jour). Une peine d’emprisonnement est également encourue pour l’obstacle au droit de visite des agents (commune ou État) ou encore la poursuite des travaux. »
Autre type de moyen développé, un partenariat a été signé avec la société Enedis afin de collaborer efficacement sur les branchements électriques illicites. Ce type de partenariat fait partie des moyens mis en place pour améliorer le travail en bonne intelligence.
Des outils technologiques ont également été développés pour gagner en efficacité dans la détection et le traitement des infractions :
- Le logiciel AIGLE fait appel à l’intelligence artificielle pour détecter automatiquement les implantations suspectes, à partir de la comparaison de photos aériennes ;
- LUCCA permet la saisie en ligne des procédures et permet le partage des informations en temps réel.
Pour Matthieu Grégory, directeur de la DDTM : « pour aménager le territoire, le respect de la règle est la base. Dans le département, ce sujet n’est pas forcément le plus suivi. Comment parler d’aménagement du territoire s’il n’y a pas un minimum de respect des règles du vivre ensemble ? C’est bien de cela dont il s’agit. Nous avons donc la compétence partagée, avec les collectivités, de la police de l’urbanisme. Nous maintenons les moyens et essayons d’enrayer ce phénomène. Ce mitage des territoires est une forme de cancer pour l’Hérault. Nous avons une dizaine d’agents pour cette vigilance territoriale qui accompagnent notamment les communes sur ces questions : formation, accompagnement à dresser les procès-verbaux. »
L’exemple de l’opération ‘coup de poing’ sur Bessan
La ville de Bessan compte 5200 habitants, commune en fort développement, qui est située en zone rétro-littorale. Stéphane Pépin-Bonet, le maire explique « nous subissons les effets d’une cabanisation principalement des constructions illicites et beaucoup d’installation de caravanes, mobil-hommes, dans des secteurs à forts enjeux : zone inondable près du fleuve Hérault, zones agricoles que certains confondent avec des zones de loisirs, et également dans des secteurs environnementaux, Natura 2000. Nous essayons de faire de la prévention, mais la commune ne peut pas acheter tous les terrains agricoles, dont la valeur est de 50 centimes le m² et qui sont vendus en ‘terrains de loisirs’ pour 30 000€. Je suis ravi de l’opération qui a été menée il y a quelques semaines avec les services de la DDTM. Nous travaillons tous beaucoup dans cette lutte. Cette opération nous a permis de partager les problématiques et la complexité des procédures et de beaucoup échanger entre les divers partenaires : la DDTM, la gendarmerie, la police municipale, les élus, les services administratifs et techniques. Nous espérons que la quinzaine des dossiers traités à cette occasion porteront leurs fruits au niveau de la justice ensuite. »
Laurent Montel, adjoint au chef de service territorial Ouest de la DDTM a mené l’opération a Bessan et raconte : « Nous avons d’abord utilisé le logiciel AIGLE pour faire une reconnaissance, puis nous avons priorisé selon les enjeux de sécurité et environnementaux. Nous avons identifié 175 parcelles, dont 41 en ‘zone rouge’ (selon nos critères). En finalité nous avons contrôlé 17 parcelles et dressé 16 procès-verbaux. »
Les chiffres
- 48 communes ont signé la charte de lutte contre la cabanisation (depuis 2008) et une dizaine devraient les rejoindre en 2022
- 70% des procédures traitées donnent lieu à une remise en l’état par les propriétaires avant d’en arriver aux poursuites
- L’amende encourue est comprise entre 1200€ et 6000€ le mètre carré de surface irrégulièrement construite
- Depuis 2012 : 565 propriétaires condamnés au pénal (démolition, enlèvement en respectant le délai fixé, sous astreinte pécuniaire par jour de retard) ; 354 démolitions ou enlèvements réalisés par les propriétaires eux-mêmes.
Ce ne sont pas les services de l’Etat et les mairies qu’il convient de mobiliser dans un premier temps, mais les bulldozers !
Cent soixante quinze parcelles répertoriées et 16 procès verbaaux pour une charte créée en 2008 …
Ça avance à pas de fourmi , les cabanes ont largement le temps de revenir !