Hérault : la ministre Agnès Canayer plaide “en faveur de la coparentalité” pour lutter contre la précarité
“Il y a un lien quasi mathématique entre monoparentalité et pauvreté”. Le sociologue Julien Damon ne mâche pas ses mots et les chiffres, loin d’être anecdotiques, révèlent une équation qui lui donne malheureusement raison.
En France, 700 000 familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté, soit près d’un million d’enfants pauvres. Des chiffres vertigineux qui cachent des situations concrètes souvent très complexes.
Ce jeudi 24 octobre, pour mettre en lumière cette réalité souvent occultée qui résonne dans bien des foyers, la Caf de l’Hérault a accueilli Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la Famille et de la Petite Enfance.
Une réalité chiffrée
La Caf de l’Hérault en témoigne : elles sont 44 674 familles monoparentales, soit 36 % des familles allocataires du département. À Montpellier, ce pourcentage monte à 40,2 %, et dans certaines villes, comme Agde, il atteint même 50,9 %. Plus inquiétant encore, 63 % de ces familles vivent sous le seuil de bas revenus. Autrement dit, près de six familles monoparentales sur dix peinent à joindre les deux bouts. “La séparation est souvent plus déstabilisante financièrement que le chômage”, pointe Thierry Mathieu en s’appuyant sur les derniers rapports.
Pour la ministre Agnès Canayer, la coparentalité pourrait être “un vecteur de solutions à cette précarité rampante”. Selon elle, dans les situations de séparation, cette entraide serait un rempart efficace pour apaiser les tensions et éviter l’épuisement parental : “Lorsqu’elle est bien encadrée, la coparentalité peut véritablement faire la différence pour le bien-être des enfants et des parents.”
Visite ministérielle à la @caf_herault sur la précarité des familles monoparentales : 🎤@ACanayer “Lorsqu’elle est bien encadrée, la coparentalité peut véritablement faire la différence pour le bien-être des enfants et des parents” pic.twitter.com/oEJuy6SQbq
— Hérault Tribune (@HeraultTribune) October 24, 2024
Mais la réalité est souvent plus nuancée, impactée par des situations conflictuelles. Le parcours Séparation, mis en place par la Caf de l’Hérault depuis 2021, entend donc apporter un soutien adapté. “Il faut que les parents puissent s’appuyer sur un réseau efficace et compréhensif, qui répond à leurs questions et connait leurs spécificités. Souvent, nous sommes les acteurs d’une clarification et, parfois, il arrive que des solutions supplémentaires soient déclenchées grâce à ces échanges”, insiste la Caisse d’allocations familiales départementale. En 2023, 1 246 parents isolés ont ainsi été suivis dans le cadre de ce parcours.
Mais alors, où ça coince ?
Même avec la meilleure volonté du monde, les obstacles sont nombreux. La médiation familiale, par exemple, devrait permettre de maintenir une relation saine entre parents séparés, pour le bien des enfants. Mais dans la pratique, cette démarche peine à être systématisée et, surtout, à se traduire en coopération effective. Entre les tensions persistantes, les violences intrafamiliales ou tout simplement des situations où la communication est rompue, “la coparentalité est loin d’être un chemin tout tracé”, rappelle la présidente du CIDFF Aline Faucherre.
D’autant plus que la précarité elle-même complique cet équilibre fragile. Près de 40 % des familles monoparentales de l’Hérault dépendent à plus de 50 % des prestations de la Caf pour boucler leur budget mensuel. Dans ces conditions, comment espérer une sérénité familiale ? Et même lorsque les aides sont là, la gestion des multiples dispositifs (pensions alimentaires, RSA, APL, etc.) reste un casse-tête. “Nos allocataires rencontrent de nombreuses difficultés, tout comme nous, à comprendre la réglementation, poursuit Thierry Mathieu. C’est pourquoi l’arrivée de la ‘Solidarité à la source’ est attendue avec impatience, car elle est vitale et nous faisons partis de l’expérimentation. Éviter de collecter des informations erronées et de demander des remboursements, c’est bénéfique tant pour les allocataires que pour nous.”
Thierry Mathieu @caf_herault sur les familles monoparentales “Il faut que les parents puissent s’appuyer sur un réseau efficace et compréhensif, qui répond à leurs questions et connait leurs spécificités” pic.twitter.com/v7OvJTweg8
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Des initiatives encourageantes, mais des attentes
Certaines initiatives nationales et locales méritent cependant d’être saluées. Dans l’Hérault par exemple, le soutien de l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (Aripa) permet depuis quelques années d’assurer que les pensions alimentaires sont versées correctement et sans tension par le biais de la Caf. “C’est une des principales sources de conflit dans un couple qui se sépare et l’Aripa permet une gestion plus fluide. Cela contribue à apaiser les relations au sein des couples séparés, dans l’intérêt de l’enfant”, précise le directeur de la Caf de l’Hérault. Autre engagement des équipes : le dispositif Aide aux Vacances en Famille – Vacaf, qui vient apporter un temps de répit aux parents isolés en accueillant leurs familles en séjours.
Des efforts que la ministre salue, et souhaite voir grandir : “Il est évident que ces familles monoparentales se sentent souvent bien seules. C’est pourquoi nous devons développer des structures de répit, ainsi que la médiation et le parrainage, afin d’éviter que l’isolement ne vienne renforcer les difficultés liées à la monoparentalité.” C’est aussi avec cette nécessité en tête qu’une réforme du Complément de libre choix du mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales est envisagée par le gouvernement : “Le parent solo se retrouve fréquemment seul et a besoin de modes de garde. C’est pourquoi ce complément de mode de garde sera étendu aux enfants de 6 à 12 ans pour les familles monoparentales. Soyons clair, un enfant de 6 ans ne peut pas se garder tout seul ! Cela sera un grand contributeur de la lutte contre l’isolement et la précarité émotionnelle”, annonce Agnès Canayer.
très bonne analyse, je suis médiatrice familiale. La protection judiciaire de la jeunesse connait bien ces situations, des mères dépassées, des enfants pas suffisamment cadrés. L’école ne fait pas assez, c’est pourtant le premier lien avec les enfants et les parents. Pas de grands parents quand les mères sont venues s’installer. La politique de la natalité fait faire des bébés, mais quid après. Les avantages sociaux ne comblent pas l’insuffisance d’une politique familiale qui est centrée sur les statistiques.