Culture & Loisirs — Montpellier

Hérault libéré (1/3) : sur les traces de la Résistance, Montpellier raconte son histoire

Le 23 août 1944, Montpellier célébrait sa libération après des années d'occupation allemande.

À l’occasion du 80 anniversaire de cet événement historique, l’Office de tourisme organise une visite guidée retraçant les grands moments de l’Occupation et de la Résistance dans la ville. Ce circuit en dix étapes permet de redécouvrir les sites et les personnages qui ont marqué cette période sombre, mais importante de l’histoire montpelliéraine. En deux heures et demie, le guide conférencier Bernard Massé fait revivre la mémoire des héros qui se sont battus pour la liberté.

“Si le 23 août marque la libération de Montpellier et le départ des dernières troupes allemandes, nous avons décidé d’aborder une période qui va au-delà”, explique Bernard Massé avant de lancer officiellement la visite. “Parce qu’il faut le rappeler, si Vichy est en marche en 1940, les premiers Allemands débarquent à Montpellier en novembre 1942.”

Le courage des professeurs

Le parcours débute devant la célèbre Faculté de médecine de Montpellier, un symbole fort de la Résistance intellectuelle et humaniste. Pendant la Seconde Guerre mondiale, cette dernière sort du rang et se distingue non seulement comme un centre d’excellence académique mais aussi comme un bastion de la résistance. Durant l’Occupation, plusieurs professeurs, dont Roger le Forestier, ont risqué leur vie pour protéger des étudiants juifs. Le Forestier, qui a activement soutenu les maquis, fut tristement exécuté en 1944.

Un autre intellectuel instrumental dans la résistance montpelliéraine : le professeur de droit Pierre-Henri Teitgen qui soutiendra les activités de résistance pour contrer les nazis, même les plus subtiles : “C’est ici que l’esprit de résistance s’est enraciné, parfois de manière discrète, comme avec les graffitis ou les bruits faits pour perturber les interventions allemandes”, explique le guide.

Le siège de la Kommandantur

Le parcours de mémoire nous conduit ensuite sur la contre-allée de la promenade du Peyrou, afin d’apercevoir les contours de l’Hôtel Guidais, devenu pendant l’Occupation en 1942 le quartier général de la Kommandantur allemande à Montpellier. Cet hôtel, situé dans le centre historique de la ville, était un centre névralgique pour les opérations de la Wehrmacht. “C’était un lieu assez grouillant qui abritait l’État-Major allemand, il y avait des side-cars, des ‘souris’ (…), et les colonels se sont succédé jusqu’au 23 août 1944”, décrit Bernard Massé. Les bureaux et les salles de réunion étaient utilisés pour planifier et coordonner les opérations militaires et les politiques d’Occupation. Mais pour accueillir “les 3 500 hommes stationnés à Montpellier” (ils seront 17 000 dans tout l’Hérault), d’autres sites seront réquisitionnés et envahis par le régime tels que le château de Flaugergues, l’ancien couvent des Ursulines (actuel Agora de la Danse), ainsi que les tristement célèbres villas Antonin et des Rosiers quartier des Beaux-Arts, où se déroulaient respectivement les interrogatoires et tortures de la Gestapo.

Jean Moulin, un héros local

La photo de Jean Moulin aux Arceaux ©Louise Brahiti
La photo de Jean Moulin aux Arceaux ©Louise Brahiti

La visite se poursuit sous les Arceaux, un endroit symbolique pour Jean Moulin, figure majeure de la Résistance française. C’est ici qu’une célèbre photo de lui fut prise, immortalisant celui qui, bien avant d’entrer dans la clandestinité, ne manquait pas de courage. “Jean Moulin grandit entre l’Hérault et les Bouches-du-Rhône et fit une brillante carrière qui le conduit à être nommé préfet de Chartres en 1939, avant d’être confronté à l’invasion allemande”, rappelle le guide conférencier. En juin 1940, alors que les troupes nazies accusaient faussement les soldats sénégalais de massacres, il refusa de signer un document compromettant. Brutalisé, il tenta même de se suicider en se tranchant la gorge avec un éclat de verre pour ne pas céder, “ce qui lui valut la fameuse cicatrice qu’il cacha par la suite sous son écharpe pour dissimuler son identité”. En octobre 1941, Moulin traverse clandestinement les lignes de démarcation et prend le nom de “Jean Mercier”. Engagé dans la Résistance, il réussit à unir les forces éparses sous le Mouvement Uni de la Résistance (MUR), avant de devenir, en 1942, l’un des agents de liaison privilégiés du général de Gaulle “qui lui fait prendre tous les risques et est séduit par cet homme d’État qui a choisi la bravoure à la lâcheté”. Après un premier retour en France, il réussit à organiser l’Armée Secrète, regroupant différents maquis et réseaux de résistance. Mais son destin tragique est scellé en 1943, lorsqu’il est arrêté à Caluire lors d’une réunion secrète. Transféré à Lyon, puis à Paris, il est torturé par Klaus Barbie avant de mourir en juillet 1943 sans avoir révélé les secrets de la Résistance. 

Mais comme l’inculquait le professeur Teitgen à ses élèves, si l’histoire retient les grandes victoires, les petites comptent. Bernard Massé profite de la traversée de la promenade du Peyrou pour faire écho au message de ce résistant. Au pied de la statue de Louis XIV, il partage une anecdote insolite : sous l’Occupation, un étudiant avait inscrit sous la statue “Lui, au moins, il ne collabore pas”, une pique audacieuse envers le régime vichyste qui sera attribué à un proche de ses enseignements.

Le courage des édiles

La Place de la Canourgue, ancien siège de la mairie de Montpellier, est un symbole fort de la Résistance locale incarnée par les élus. Jean Zucarelli, maire de 1937 à 1941, illustre ce courage en démissionnant en 1941 : “Il trouve que la collaboration va trop loin, et fait preuve de courage face à la politique de Vichy”, explique Bernard Massé. Un autre exemple notable est celui de Jean Guizonnier, directeur des Services municipaux des Travaux publics, fusillé en 1944 pour avoir “aidé les résistants, notamment en fournissant des tickets de rationnement”.

Et qui peut oublier Émile Martin, secrétaire général de la mairie ! “Il va si souvent s’opposer aux Allemands qu’il fera un séjour au ‘Bagne’, la fameuse prison militaire que les Allemands avaient réquisitionnée, mais il sera libéré sous la pression locale, car les Allemands s’aperçoivent que l’enfermer pose plus de problèmes que de le mettre dehors”. Après la Libération, Emile Martin deviendra maire de Montpellier par intérim.

Pétain et Franco au balcon

La préfecture de l’Hérault est le symbole d’une ville tiraillée entre le régime de Vichy et les valeurs de la Résistance. “Dans les années 40, Montpellier la Vichyste côtoie Montpellier la Résistante”, lance Bernard Massé. Le moment clé de l’occupation allemande à la préfecture se joue en février 1941, lorsque le maréchal Pétain y reçoit le général Franco. Cette rencontre, selon le guide, se déroule dans un contexte tendu, où Pétain “espérait obtenir le soutien de Franco afin de contenir l’influence allemande sur la France occupée”. Cependant, Franco reste prudent et, toujours marqué par la guerre civile espagnole, refuse de s’engager directement dans le conflit mondial. “Aucun accord formel n’est signé, bien que des discussions aient permis d’approfondir les relations diplomatiques”, ajoute-t-il. Après la victoire des Alliés, le nom de place des Martyrs-de-la-Résistance a été attribué à l’esplanade de la préfecture en l’honneur des résistants et contestataires politiques qui transitaient par là avant d’être mis en prison ou déportés.

Préfecture de l'Hérault ©Louise Brahiti
Préfecture de l’Hérault ©Louise Brahiti

Laure, héroïne de l’ombre, résistante de la première heure 

La Grand’Rue Jean-Moulin à Montpellier évoque non seulement la mémoire de Jean Moulin mais aussi celle de sa sœur, Laure Moulin, pilier discret de la Résistance. Au 2e étage de l’Hôtel de Rey, dans la rue qui porte désormais le nom de son frère, elle cachait des documents sensibles, notamment des lettres et des papiers secrets envoyés par De Gaulle à Jean, derrière la tapisserie, à une époque où le moindre faux pas pouvait signifier la déportation. “De sept ans l’aînée de Jean, Laure a pris des risques considérables pour aider son frère et les réseaux de résistance sans attirer l’attention. Elle a choisi de rester dans l’anonymat pour ne pas compromettre celui qui deviendra l’un des grands héros de l’histoire française”. Son engagement, bien qu’important, a souvent été sous-estimé. Après la guerre, malgré ses contributions, elle a eu du mal à obtenir une reconnaissance officielle. Ce n’est qu’en 1961, après une longue lutte, qu’elle reçoit les honneurs de la résistance.

Les preuves de son courage et de sa détermination ne manquent pas. Bernard Massé raconte avec émotion comment “Laure est allée jusqu’à la Kommandantur de Paris pour réclamer le corps de son frère après son arrestation en 1943”. Un acte qu’elle savait risqué mais il en fallait plus pour l’arrêter…

La Comédie : de la tragédie à la libération

La visite se termine symboliquement sur la place de la Comédie, théâtre d’événements dramatiques, comme la fusillade du 21 août 1944, mais aussi des scènes de liesse deux jours plus tard lors de la libération de la ville. “C’est ici que s’effacent les blessures de la guerre, alors que les clameurs de la liberté résonnent”, conclut le guide.

Maquis de Bir Hakeim, Jean De Lattre De Tassigny, Simone Demangel, Armand Havard… tant de héros, tant de bravoure, à découvrir lors de la visite thématique de l’office de tourisme. Réservation auprès de l’Office de tourisme au 04 67 60 60 60 ou sur leur site montpellier-tourisme.fr.

Informations pratiques

Dates : le 22 août de 17h30 à 19h30, le 31 août de 10h à 12h, le 14 septembre de 15h à 17h, et le 6 octobre de 10h30 à 12h30. 

Tarifs : 12 € par personne, avec un tarif réduit à 10 €. 

Départ : le rendez-vous est fixé devant la Faculté de Médecine, 2 rue de l’École de Médecine.

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