Hérault libéré (2/3) : Laure et Jean Moulin, enfants de l'Hérault, héros de la Libération
Une famille, un nom, deux héros. Jean et Laure Moulin ont laissé à la France le souvenir de leur bravoure et de leur sacrifice. Agents de la Libération, âmes au Panthéon, les piliers de la Résistance ont écrit les grands chapitres de leur histoire dans l’Hérault. On fait le point.
Jean Moulin, de Béziers à la Résistance
Né à Béziers le 20 juin 1899, Jean Moulin grandit à Montpellier, où il étudia au lycée Jules-Ferry avant de poursuivre une carrière dans la fonction publique. Après des débuts prometteurs dans l’administration préfectorale, il est nommé préfet de Chartres en 1939, l’un des plus jeunes du pays. C’est à ce poste qu’il écrit son livre Premier Combat. En juin 1940, alors que la France est envahie par les troupes allemandes, Jean Moulin fait preuve de courage face à la pression nazie. Il refuse de signer un document accusant faussement les soldats sénégalais de massacres à La Taye, un hameau de Saint-Georges-sur-Eure (Eure-et-Loire). Une décision courageuse qui n’est pas sans conséquences. Il se fait brutaliser par les troupes allemandes, et tente de se suicider en se tranchant la gorge avec un éclat de verre pour éviter de céder sous la torture. Un geste désespéré qui lui laisse une cicatrice au cou, qu’il dissimulera sous une écharpe pour éviter d’être identifié.
Révoqué par le régime de Vichy quelques mois plus tard, le 2 novembre 1940, Jean Moulin entre dans la clandestinité. Il se cache sous le pseudonyme de “Jean Mercier” et ouvre une galerie d’art, la Galerie Romanin à Nice, pour couvrir ses activités. En 1941, il traverse clandestinement les lignes de démarcation et rejoint Londres. Là, il joue un rôle crucial en unifiant les réseaux de résistance sous le Mouvement Uni de la Résistance (M.U.R), avant d’être nommé par Charles de Gaulle comme président du Conseil National de la Résistance (CNR) en 1942. Son travail pour organiser l’Armée Secrète et coordonner les différents maquis et réseaux de résistance est déterminant pour le succès des opérations de la Résistance mais il n’assistera pas à la libération du pays. Son destin se scelle en 1943 lorsqu’il est arrêté à Caluire-et-Cuire lors d’une réunion secrète. Torturé par Klaus Barbie à Lyon, il refuse de trahir les secrets de la Résistance et meurt le 8 juillet 1943.
Son dernier acte de résistance ? On raconte que lors d’un interrogatoire, Barbie lui donna un crayon et du papier pour obtenir des informations. Il le prit, griffonna et provoqua la colère noire de Barbie. Pourquoi ? Parce que Jean Moulin, virtuose du crayon, avait préféré se pencher sur sa caricature…
Preuve que chez les Moulin, la détermination est une affaire de famille, Laure, sa sœur ainée, se rendit jusqu’à la Kommandantur de Paris pour réclamer son corps après son arrestation en 1943. Un acte qu’elle savait risqué, mais il en fallait plus pour l’arrêter !
Laure Moulin, de l’ombre aux honneurs
Née le 3 décembre 1892 à Saint-Andiol, dans les Bouches-du-Rhône, Laure Moulin est la deuxième de trois enfants. Devenue l’aînée de la fratrie après la mort de Joseph, à l’âge de 19 ans, elle entretient une relation fusionnelle avec son frère Jean, de sept ans son cadet. Cependant, elle ne l’attendra pas pour se confronter aux Allemands. En effet, après avoir fait ses études au Collège de Béziers et obtenu une licence en lettres avec une spécialisation en anglais en 1916, Laure s’engage dès la Première Guerre mondiale en tant qu’infirmière bénévole, soutenant les soldats blessés.
En 1918, à la fin de la guerre, elle devient professeure à l’École primaire supérieure de Béziers, où elle enseigne pendant 19 ans. En 1937, elle est nommée professeure d’anglais à Montpellier et s’installe avec sa famille au 21 de la Grand-Rue, aujourd’hui appelée Grand-Rue Jean-Moulin en hommage à son frère. Après la mort de leur père en 1938, Laure continue de vivre à cette adresse seule avec leur mère.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Laure Moulin joue un rôle discret mais déterminant au sein de la Résistance. Elle devient la secrétaire de son frère Jean, lorsqu’il opère clandestinement à Montpellier, l’aidant à déchiffrer et à chiffrer des messages codés. En outre, elle prend la responsabilité de sécuriser des documents clés envoyés par Charles de Gaulle, les dissimulant derrière des tapisseries pour éviter qu’ils ne soient découverts par les forces allemandes.
Après la guerre, Laure Moulin se consacre à préserver la mémoire de son frère tout en cherchant à faire reconnaître officiellement son propre rôle dans la Résistance. Ses démarches auprès de l’Office des anciens combattants de victimes de guerre commencent en 1951 et ne trouvent une issue qu’en 1961, lorsqu’elle obtient enfin le statut de combattant volontaire de la Résistance. Parallèlement, dès 1945, elle est élue au conseil municipal de Montpellier. Elle prend sa retraite en 1956 et continue à vivre à Montpellier jusqu’à son décès le 31 décembre 1974.