Hérault Tribune x Mister Ose : "Sexplorons-nous", le nouveau rendez-vous qui brise les tabous
Parce que l'intime ne se résume pas uniquement aux rapports et que les rapports ne se limitent pas exclusivement à la sexualité, nous avons décidé d'ouvrir une tribune à Jordy Oumira, plus connu sous le nom de "Mister Ose", un As de l'éducation sexo-affective.
Parler de sexualité sans chercher à choquer, sans attirer les lecteurs avec des propos fallacieux, sans risquer la censure, requiert un équilibre délicat, que peu de médias osent aborder, à l’exception de quelques magazines féminins qui effleurent les notions de plaisir de manière hétéronormée. Conscients que l’éducation passe également par la libération de la parole, nous avons été séduits par l’approche moderne, ouverte et informée de Jordy Oumira. Il s’adressera à vous à travers sa tribune, apportant une perspective non rébarbative, pédagogique et sensible sur de nombreux sujets qui vous touchent ou suscitent votre curiosité. Rencontre avec notre nouveau collaborateur.
Qu’est-ce qui t’a poussé à devenir créateur de contenus sur l’éducation sexo-affective ?
Jordy Oumira : Le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai un parcours atypique ! J’ai eu plusieurs vies professionnelles. Après des études de théâtre, j’ai exercé plusieurs années comme animateur et journaliste chez Radio Pays d’Hérault. Après quoi, j’ai bifurqué dans le marketing digital. C’est à partir de ce moment-là que j’ai décidé de mettre à profit mes compétences d’écriture journalistique et digitale pour créer la page Instagram @mister.ose. Au départ, il ne s’agissait que d’un loisir. Je partageais des citations et jeux de mots originaux autour de la sexualité. Ça ne me prenait pas beaucoup de temps, c’était léger et la sexualité parlait à tout le monde. Un jour, un abonné m’a contacté par message privé afin de me demander des conseils pour sortir d’une impasse. Il rencontrait des difficultés dans sa sexualité et dans son couple. Après avoir longuement hésité à lui répondre, j’ai décidé de me baser sur mon expérience personnelle et le bon sens pour tenter de l’aider. Une quinzaine de jours plus tard, cette personne est venue me remercier d’avoir contribué à sauver sa relation. Et puis, sans trop savoir pourquoi ni comment – peut-être le bouche à oreille – de plus en plus de personnes sont venues me demander conseil. C’est à ce moment-là que j’ai eu un déclic. Je me suis dit : « il y a un vrai sujet à traiter ». Bien sûr, l’expérience personnelle et le bon sens ne sont pas suffisants pour faire de l’éducation à la sexualité qualitative. Alors, je me suis formé pendant plusieurs années, notamment en échangeant avec de nombreux sexologues et sexothérapeutes qui aujourd’hui, n’hésitent pas à recommander mon contenu, mais aussi en lisant ; beaucoup !
Pourquoi as-tu fait le choix des réseaux sociaux ?
J.O : C’est très simple, les réseaux sociaux apportent une visibilité et une flexibilité que d’autres médias ne peuvent pas offrir. L’idée était de pouvoir m’adresser au plus grand nombre tout en ayant la possibilité et la liberté de traiter les sujets qui me paraissaient pertinents à propos de la sexualité et des relations de couple. Aujourd’hui, de nombreux créatrices et créateurs de contenu se sont emparés du sujet, mais il y a encore quelques années de ça, nous n’étions qu’une poignée. Ce qu’il faut savoir également, c’est que l’éducation à la sexualité est un sujet majoritairement traité par des femmes cisgenres sur les réseaux. Les hommes ne représentaient – et ne représentent toujours – qu’une infime part de la sexosphère. Alors, j’ai voulu modestement apporter ma pierre à l’édifice en parlant de sexualité de façon positive, originale et décomplexée mais surtout, en démontrant que l’on peut s’affranchir des diktats de la société, même lorsqu’on est un homme cisgenre et hétérosexuel.
Quel est le public visé par tes vulgarisations ?
J.O : Au départ, je souhaitais principalement m’adresser aux hommes de tout âge. J’avais cette envie chevillée au corps de leur dire : « On reprend tout depuis le début ! Oubliez tout ce que vous pensiez savoir jusqu’à présent. Ecoutez et acceptez vos émotions, parlez de votre sexualité, de vos doutes, de vos peurs. Et d’ailleurs, savez-vous ce qu’est le consentement ? Je veux dire, savez-vous REELLEMENT ce qu’est le consentement ? Et la communication ? ». Je voulais réellement les bousculer pour qu’il y ait une véritable prise de conscience de leur côté. Je le veux toujours, d’ailleurs ! Mais ce qui est drôle, c’est que ma communauté, aujourd’hui, est composée à 72% de femmes (rires). Quoi qu’il en soit, je m’adresse à tout le monde, les jeunes et les moins jeunes et plus généralement, à toutes les personnes désireuses d’en apprendre plus sur leur sexualité, leur rapport au corps, au couple et aux relations quelles qu’elles soient.
Quels types de sujets abordes-tu sur ta page @mister.ose ? T’es-tu fixé des limites ?
J.O : J’aborde principalement des sujets liés à la sexualité et aux relations quelles qu’elles soient. Il peut s’agir de mettre en lumière telle ou telle pratique sexuelle, de faire découvrir des informations méconnues sur l’amour, l’orgasme ou encore les orientations relationnelles et sexuelles, de briser des tabous autour de sujets dont on parle encore trop peu comme les fantasmes ou l’infidélité par exemple, mais aussi de faire la peau aux idées reçues. Comme je le dis souvent, mon objectif est d’aider à ouvrir les esprits plus que de convaincre à tout prix. Bien sûr, ça ne m’empêche pas de prendre position pour des sujets qui me tiennent particulièrement à cœur et heureusement que je le fais. C’est important de donner son point de vue pour éveiller les consciences. Quand après plusieurs mois de remise en question, des personnes me contactent pour me remercier de les avoir aidées à voir les choses différemment, je me dis que si mes posts peuvent aider ne serait-ce qu’une seule personne, c’est tout ce qui compte !
Quant aux limites que je me fixe, elles sont très claires : il s’agit principalement des limites fixées par les réseaux sociaux eux-mêmes. Mes contenus ne doivent pas heurter et respecter un certain nombre de règles qu’il serait trop fastidieux de lister. Je peux le comprendre mais en revanche, ce qui m’exaspère, c’est que les différentes plateformes ne font pas encore la distinction entre les contenus pouvant être considérés comme « choquants » et l’éducation sexuelle. Même en 2023, on a encore l’impression que « sexualité » est un gros mot. D’ailleurs, c’en est presque un aux yeux d’Instagram, ce qui explique que je doive parfois m’autocensurer. Vivement que les mentalités évoluent à ce niveau-là.
Comment prépares-tu tes contenus ?
J.O : Je choisis mes sujets en amont. Je les sélectionne généralement en fonction de plusieurs critères. Je veille à ce qu’ils soient assez pertinents pour ma communauté mais aussi à ce qu’il y ait assez de matière pour en faire un post. Ensuite, je fais systématiquement des recherches et recoupe mes informations afin de m’assurer de la validité de mes écrits mais aussi, pour coller à l’actualité dans la mesure du possible. À titre d’exemple, il y a encore quelques mois, la communauté scientifique estimait à environ 8000 le nombre de terminaisons nerveuses présentes dans le clitoris. Mais les dernières études ont démontré que finalement, elles étaient au moins au nombre de 10 000, peut-être même plus ! Ces découvertes nous permettent d’en apprendre plus sur le fonctionnement de cet organe extrêmement sensible qui pourtant, ne mesure qu’entre 9 et 11 cm au total. C’est fascinant !
J’oriente certains de mes sujets en fonction de la demande des abonnés. D’ailleurs, lorsque j’ai une demande précise, il m’arrive de faire voter la communauté. Le dernier exemple en date concernait les troubles et douleurs sexuelles chez les femmes. J’ai donc écrit deux posts : un sur le vaginisme et l’autre sur la dyspareunie. Car même si la sexualité peut-être quelque chose de génial à vivre, il ne faut pas oublier que pour certaines personnes, celle-ci est synonyme de souffrance.
Quelles sont les questions que tu rencontres le plus fréquemment ?
J.O : C’est variable. La plupart du temps, il s’agit de questions qui peuvent trouver des réponses assez rapidement : « Pourquoi est-ce que je ne ressens aucun désir en ce moment ? » ou encore « Pourquoi je n’arrive pas à atteindre l’orgasme ? ». Mais je crois que la question qui revient le plus souvent est : « suis-je normal·e ? » (de me masturber X fois par semaine, de ne pas aimer telle pratique, de ne pas avoir de libido ou, au contraire, d’avoir une libido exacerbée… Les exemples sont nombreux). Bien sûr, dans le lot, certaines nécessitent un accompagnement thérapeutique auprès d’un sexologue ou d’un sexothérapeute, ce que je n’hésite pas à conseiller. Mais la plupart du temps ces questions illustrent clairement un manque d’information sur le sujet. Je me rends compte que dans bien des cas, il s’agit d’une méconnaissance du corps ou de ses mécanismes, parfois même d’une méconnaissance à propos des relations. Cela montre à quel point l’éducation affective est tout aussi importante que l’éducation à la sexualité.
Pourquoi penses-tu qu’il est indispensable d’en parler ?
J.O : Ce qu’il faut savoir, c’est que la loi Aubry de 2001 prévoit que les écoles, collèges et lycées organisent au moins trois séances d’éducation à la sexualité chaque année. Dans les faits, nous en sommes encore très loin. Non seulement, l’Etat français ne donne pas les ressources nécessaires aux enseignants pour assurer ces cours dans de bonnes conditions mais au-delà de ça, il est à la traîne concernant le programme. L’éducation à la sexualité, c’est bien, mais ça va au-delà de la conception d’un enfant, de la contraception et des IST. Qu’en est-il de l’éducation à la vie affective ? Pourquoi n’aborde-t-on pas la notion de consentement qui est pourtant la base de tout ? Il y a tant d’autres questions et encore tellement à faire… En attendant que nos dirigeants prennent véritablement conscience de l’importance de ces sujets, mes collègues et moi-même en parlons sur les réseaux. Déjà, parce que ce sont ici que les jeunes se trouvent mais aussi parce que si nous ne le faisons pas, qui le fera ? Nous avons cette chance de pouvoir nous exprimer auprès du plus grand nombre alors, profitons-en !
Pourquoi as-tu fait le choix d’intervenir dans notre média sur ces sujets ?
J.O : Je cherchais avant tout un média qui accepte de donner la parole à tout le monde. Hérault Tribune correspond parfaitement à ces valeurs d’ouverture, d’inclusivité et de partage, ce qui est primordial pour moi. De plus, il faut savoir que les médias qui acceptent de s’ouvrir à des sujets encore tabous comme celui la sexualité sont très rares en France. Plus qu’une opportunité, c’est véritablement une chance pour moi que de pouvoir m’exprimer librement dans vos colonnes. Si ma contribution régulière peut aider les lecteurs à voir les choses sous un angle nouveau, à s’ouvrir sur ces questions et à faire de l’éducation sexo-affective un sujet d’utilité publique, j’en serai le plus heureux ! Mon objectif n’est pas de faire de la sexualité un sujet rébarbatif et sans relief, non. Mon objectif est de le vulgariser pour qu’il devienne accessible à toutes et tous ! La sexualité fait partie du quotidien de la majorité d’entre nous et en parler, c’est avoir la possibilité de résoudre les problématiques qui peuvent y être liées, mais surtout, de s’épanouir continuellement avec et à travers elle. Je suis donc impatient de vous retrouver afin que nous puissions ensemble répondre à toutes les questions que vous vous posez dans la joie et la bonne humeur, parfois avec humour et toujours avec originalité.