Immobilier dans l'Hérault : “Si les taux d’intérêt restent élevés, la crise va s'aggraver", préviennent les notaires
Entre juillet 2023 et juin 2024, les indicateurs sont au rouge vif : le volume des transactions a dégringolé de 29 %, passant de 32 640 ventes en 2022 à 23 300 en 2023.
Tous les segments du marché sont affectés, avec des baisses allant jusqu’à 51 % pour les appartements neufs et 40 % pour les terrains à bâtir. L’attrait de l’Hérault ne suffit plus à compenser le recul de la demande.
Le paradoxe des prix
Bien que relativement stables, les prix affichent des disparités géographiques. Certaines zones côtières, telles que La Grande-Motte et Palavas-les-Flots, continuent de prospérer avec des prix de 5 360 €/m² (+2,9 %) et 5 270 €/m² (+1,1 %), respectivement. À l’inverse, des villes comme Béziers subissent des baisses significatives, avec une chute de 32 % des ventes d’appartements anciens et un prix moyen de 1 600 €/m². Sète, quant à elle, traverse une crise, enregistrant une baisse de 40 % des transactions sur le marché du neuf.
Les communes situées à proximité des grandes villes, comme Pérols et Vias, ne font que renforcer cette tendance. À Pérols, les prix des appartements anciens stagnent à 2 700 €/m² (-1,5 %) avec environ 150 ventes en 2023, tandis qu’à Vias, les transactions de maisons anciennes ont diminué de 20 %, avec un prix moyen de 2 400 €/m². Si un léger fléchissement apparaît, il ne semble pas suffire à relancer un marché paralysé par des taux d’intérêt élevés et des incertitudes économiques.
Les paradoxes ne manquent pas côté prix car, bien que les ventes aient chuté, le prix médian des appartements anciens dans l’Hérault s’établit à 3 360 €/m², soit une baisse de seulement 0,7 % par rapport à l’année précédente. Celui-ci reste supérieur à la moyenne nationale (hors Île-de-France), qui est de 2 840 €/m². Plus étonnant, les terrains à bâtir connaissent une hausse de 6,8 %, atteignant 120 €/m², malgré une chute de 40 % des ventes, que Valéry Flandin de l’étude Notaires du Pic Saint Loup explique par le maintien “d’une demande forte pour ces biens en raison de la rareté des terrains”.
Montpellier : un marché à contresens
Le marché immobilier de Montpellier est en mouvement, avec un basculement de l’attractivité des quartiers, appuyé par la quête grandissante “des appartements de 2 ou 3 pièces” abordables. Ainsi, les secteurs historiques, tels que La Martelle (-16,9 %), La Chamberte (-11,6 %) et Aiguelongue (-9,9 %), subissent des baisses notables, alors que des quartiers plus abordables comme Près d’Arènes (+7,8 %) et Les Aubes (+5,2 %) connaissent des hausses. Concernant les appartements anciens, le centre-ville a enregistré une chute de 36 % des ventes, avec un prix moyen de 2 800 €/m², tandis que des zones en développement, comme Port Marianne, affichent des prix élevés à environ 3 000 €/m², malgré une diminution des transactions.
Les maisons anciennes, qui avaient connu une hausse exponentielle des transactions durant la période post-Covid, sont aujourd’hui au point mort. Si une baisse de 1,4 % est observée, le prix médian à Montpellier se fixe à 385 000 €, soit largement supérieur à la médiane départementale de 260 000 €. “Nous sommes face à des prix trop élevés, ce qui incite les acheteurs à chercher des options plus accessibles comme les hauts cantons ou le Pays Biterrois”, analyse la notaire Françoise Cadène.
La situation du marché du neuf est “encore plus préoccupante” pour la chambre héraultaise, avec une chute de 50 % des volumes de transactions, soit seulement 800 ventes en 2023. “Les promoteurs immobiliers, tels que Nexity et Bouygues Immobilier, rencontrent des arrêts de projets en raison de la hausse des coûts de construction et d’un manque de financement. L’arrêt de nombreux projets pourrait entraîner une crise de l’emploi dans le secteur”, signale Philippe Martin, président des Notaires du Midi.
Vers une reconfiguration urgente
Pour y remédier, plusieurs pistes sont proposées par les notaires : assouplissement des conditions d’octroi des permis de construire, encadrement des locations de courte durée, reconversion de zones commerciales sous-utilisées, surélévation d’immeubles… D’après Philippe Martin, la crise exige une révision de copie : “L’urbanisme doit se réinventer, avec des constructions qui priorisent la densification plutôt que l’étalement urbain. Nous ne pouvons plus construire comme dans les années 80 ou 90”.
Cette nécessité de transformation s’avère d’autant plus pressante que la population de l’Hérault a crû de 9 % entre 2010 et 2020, selon les données de l’Insee. Face à cette demande, la loi Résilience de 2021 ambitionne la construction d’un million de logements par an et la Banque centrale envisage une baisse des taux d’intérêt. Un impératif selon le président des Notaires du Midi : “Si les taux d’intérêt demeurent élevés, cela risque d’aggraver davantage la crise. Les acheteurs potentiels pourraient continuer à se retirer du marché.” C’est “la fin de l’immobilisme” qui sera d’après lui instrumental dans cette quête de solutions : “L’immobilier a été largement négligé dans les récentes politiques publiques. Si les mesures proposées ne s’accompagnent pas d’une réduction des taux d’intérêt et des prix, il sera difficile de sortir de cette impasse”. Pour les notaires de l’Hérault, au plus près de ces enjeux, la sortie de crise semble “encore trop lointaine”.
Un gouffre financier pour les collectivités
La chute des transactions immobilières impacte significativement les collectivités locales : “Environ 80 % des frais de notaire proviennent des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)”, qui financent communes, départements et État. “En 2024, les recettes encaissées par les collectivités relatives aux ventes immobilières ont baissé de 21 %, représentant environ 76 millions d’euros”, pointe la Chambre des notaires de l’Hérault. Une perte qui “limite la capacité d’investissement du Département” et “compromet des projets d’investissement essentiels” dans les infrastructures, l’éducation et la santé.