Immobilier : l'interview de Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole
Michaël Delafosse évoque les grands enjeux en matière d’immobilier, les orientations qu’il veut donner à l’aménagement urbain au travers des Zac, ainsi que le foncier économique…
Depuis sa prise de fonction en juillet 2020, la nouvelle équipe aux commandes de la municipalité et de la métropole montpelliéraines engage une nouvelle politique urbaine. Elle affirme sa volonté de modifier l’acte de construire sur son territoire, en prenant en compte la transition écologique, en évitant le mitage urbain et en donnant une nouvelle vision de l’habitat, intégré dans l’élément naturel. Interview…
Le salon de l’immobilier est annulé. Quelle est la politique de soutien de la Ville et de la Métropole aux salons professionnels et grand public ?
Michaël Delafosse : « Montpellier est une place forte de l’organisation des salons, avec des infrastructures de qualité. Nous sommes attachés à cet écosystème qui valorise nos savoir-faire et crée de l’activité, avec de nombreux emplois indirects. L’impact de la Covid marque fortement les acteurs économiques. Nous sommes à leurs côtés, d’une part par des mécanismes d’amortissements de la baisse de l’activité et d’autre part en participant fortement à la relance post-Covid. Métropole et Ville additionnées, nous prévoyons 2,1 Mds€ d’investissements sur la durée du mandat, orientés sur la transition écologique et les mobilités. C’est un formidable levier de développement.
Par ailleurs, nous nous sommes dotés d’un fonds de garantie congrès, un dispositif qui place Montpellier en pointe en la matière. Destiné à rassurer les organisateurs de congrès et les inciter à choisir Montpellier comme site d’accueil, ce fonds est doté de 500.000 €. Montpellier Méditerranée Métropole propose ainsi de garantir le remboursement des frais de location en cas d’annulation ou report rendus nécessaires par les conditions sanitaires en vigueur. Il est également étudié la possibilité de le mettre en œuvre pour couvrir au moins partiellement les surcoûts liés aux contraintes de limitation de jauge, d’espace supplémentaire nécessaire pour le respect de la distanciation, etc. »
Quelle est la situation du logement à Montpellier ? Quels sont les chiffres ?
Michaël Delafosse : « La métropole montpelliéraine demeure un des pôles les plus attractifs de France. Pour autant, nous n’échappons pas aux effets de la crise sanitaire. Le nombre de logements autorisés suit la tendance nationale avec un recul de 19 % en 2020. C’est notamment vrai pour le premier semestre, au plus fort du confinement, avec un effet de rattrapage au second semestre. Par ailleurs, la situation est assez hétérogène entre la ville de Montpellier, où les autorisations de logement se sont globalement maintenues, et les communes de la métropole, qui ont connu une chute de 29 %. Mais Montpellier sera au rendez-vous de l’après-Covid et nous accompagnerons l’embellie par un soutien à la production de logements. »
Quelle est votre vision de l’urbanisme et de l’aménagement à Montpellier et dans sa métropole ?
Michaël Delafosse : « Nous portons un nouveau cap en matière d’aménagement de la ville. Nous défendons l’idée d’un rééquilibrage de la ville, avec moins de mitage urbain. Le marché de l’immobilier doit répondre aux besoins actuels et à la ville résiliente de demain. Je veux dire aux promoteurs que leur espace de projet, désormais, c’est la ZAC, afin de donner une cohérence au bâti et permettre une densification de la ville sur elle-même pour limiter la consommation des espaces et l’étalement urbain. Nous nous fixons l’objectif de passer la part de la construction au sein des ZAC de 40 % à plus de 50 %. C’est un objectif ambitieux qui doit nous permettre de produire plus et mieux, en apportant des logements correspondant aux besoins des populations, des espaces publics qualitatifs, une végétalisation forte et davantage d’équipements collectifs. Ailleurs, dans le diffus, il faut identifier des territoires de projets respectant les identités urbaines. Nous avons besoin de construire, mais il est important de retrouver une cohérence du projet urbain. »
Quel est votre plan de bataille concret pour l’immobilier en 2021 ?
Michaël Delafosse : « En 2021, nous poursuivrons nos efforts pour réguler davantage le marché et faciliter l’accès de tous à un logement décent. L’expérimentation du permis de louer va débuter dans le quartier de Celleneuve, pour lutter contre le mal-logement et inciter les propriétaires à rénover leurs biens. Montpellier a candidaté à l’encadrement des loyers sur l’ensemble de son territoire pour mettre fin à l’emballement des prix qui chasse toute une partie de la population du cœur de la Métropole. Réguler les loyers fait partie de nos engagements, c’est la traduction du bouclier social que nous avons défendu. Nous entamerons également le contrôle des locations via Airbnb. Cette activité génère des ventes à la découpe dans l’Ecusson, et nous voulons empêcher que le cœur de ville se vide de ses habitants résidents. »
Pouvez-vous rappeler ce qui a été mis en place depuis six mois en matière d’urbanisme ?
Michaël Delafosse : « Dès mon élection, j’ai souhaité donner un nouveau cap à la politique d’urbanisme et traduire nos engagements de campagne en faveur d’une ville apaisée, rééquilibrée et résiliente. Nous avons dit stop à l’étalement urbain et à la bétonisation. Cela s’est traduit par l’arrêt de la construction de logements sur la ZAC Cambacères, zone exposée à la pollution de l’air, pour privilégier l’implantation d’activités économiques et de bureaux. C’est la fin de la politique d’étalement vers la mer qui a conduit à de trop forts déséquilibres urbains. Avec le lancement de Med Vallée et l’accélération du programme ANRU de La Mosson, nous avons engagé une politique de rééquilibrage vers le nord et l’ouest de la ville.
A notre arrivée, nous avons hérité de nombreux coups partis en matière d’urbanisme, qui défiguraient le tissu pavillonnaire et ne laissaient pas une place suffisante à la nature en ville. Mon adjointe à l’urbanisme, Maryse Faye, a déployé énormément d’énergie pour améliorer ces projets en faisant la place à davantage d’espaces verts, à la composition architecturale et aux équipements collectifs. Dans un esprit de dialogue et de fermeté, en rencontrant les différents acteurs, les riverains, les promoteurs. Le projet dit de la Friche à Mimi s’est enrichi, notamment, d’un jardin sur les toits. La construction sur l’îlot Du Guesclin a connu une refonte du projet, avec une part plus importante de la végétalisation. »
Qu’est-ce qui pourrait changer à la Serm, dans la manière par exemple d’attribuer les lots dans les Zac ?
Michaël Delafosse : « La SERM est un outil indispensable au service de ces nouvelles orientations et notamment de la hausse de la construction au sein des ZAC. Nous travaillons à davantage de visibilité et de transparence de son action, avec une programmation sur le temps long. J’ai demandé un plan de travail à l’échelle des six années du mandat municipal pour nous offrir une réelle capacité d’anticipation. »
Quelles sont ses principales orientations du futur PLUI, les grandes étapes de sa mise en place ? Quand devrait-il être adopté ?
Michaël Delafosse :« Nous avons présenté récemment aux maires de la Métropole les grandes orientations du futur PLUi, dont j’ai confié la responsabilité à Coralie Mantion au sein de l’exécutif. C’est le début d’un travail de long terme pour donner de la cohérence et de la solidarité à notre territoire, après des années d’inertie qui ont conduit à la paralysie et à un développement non-maîtrisé. Je note un écho favorable à cette nouvelle dynamique et je me félicite que les élus se retrouvent pour l’essentiel sur ce projet.
Face aux enjeux environnementaux, nous sommes dans l’obligation de changer de paradigme pour construire la ville soutenable de demain. Nous travaillons autour de plusieurs axes majeurs : la préservation de la biodiversité et des terres agricoles, gages de souveraineté alimentaire, le cap vers la ville décarbonée avec une mixité fonctionnelle par quartier pour limiter les déplacements, la densification en logements et en emplois autour des moyens de transport performants, la réalisation de logements plus grands pour accueillir les familles, la désimperméabilisation des sols pour lutter contre le changement climatique et les risques naturels.
Parmi les priorités de ce PLUi figurent la fin de l’étalement urbain et une logique de densification des espaces déjà bâtis, en reconstruisant la ville sur la ville. Nous serons extrêmement pro-actifs pour accélérer la mutation d’espaces disponibles dans le cœur d’agglomération afin de produire du logement. Pour préserver les espaces naturels, nous affichons l’objectif à terme de zéro artificialisation nette des sols. L’obligation de conserver 50 % de pleine terre dans les projets immobiliers sera inscrite dans le marbre pour faire place à la nature en ville et aux plantations d’arbres. La concertation publique sur le PLUi va débuter en 2021. J’attends beaucoup de l’appropriation de ces enjeux par les habitants de la métropole. Et nous poursuivrons la concertation avec les maires pour approuver dès 2023 ce PLUi.
Nous devons également adopter une vision plus large de notre territoire. Les dynamiques économique, démographique, climatique, ne s’arrêtent pas aux frontières de la Métropole. Je veux installer un dialogue constructif avec les intercommunalités voisines, car nous avons tout à gagner à travailler ensemble. L’attractivité de Montpellier est un atout formidable pour l’ensemble du territoire. Avec le lancement en 2021 d’une agence d’urbanisme, nous voulons accélérer cette dynamique de coopération territoriale. »
Concernant la reconstruction de la ville sur elle-même, qu’en est-il de la Zac Pagézy ?
Michaël Delafosse : « La mutation de la ZAC Pagézy est un enjeu majeur pour introduire de la mixité fonctionnelle là où elle fait tant défaut et redonner de la cohérence urbaine au cœur de ville. Cela passe par l’ouverture de cheminements pour créer une continuité des bords du Lez jusqu’à la Comédie. La transformation du site de l’ancienne mairie sera engagée sous ce mandat. Nous voulons également marquer cet espace par de la verticalité. Ce projet offre une belle opportunité de ramener des familles en centre-ville et de conforter la zone de chalandise de l’Écusson par la densification. »
Quelles sont vos attentes concernant le renouvellement urbain de La Mosson et des Cévennes ?
Michaël Delafosse :« Sur l’ensemble de ces programmes, le maître mot est d’amener de la mixité sociale et fonctionnelle, tout en favorisant le rééquilibrage de la ville. Je consacre beaucoup d’énergie au renouvellement urbain sur le quartier de la Mosson et des Cévennes. Beaucoup de retard a été pris ces dernières années, au grand dam des habitants. Je veux agir aussi à court terme, avec la démolition de la Tour d’Assas et avec la requalification de l’espace devant les commerces de l’avenue Louis-Ravas. Dès ma prise de fonction, j’ai rencontré le directeur général de l’ANRU pour accélérer notre dossier et obtenir des avancées importantes. Le centre commercial Saint-Paul était le grand oublié du projet ANRU ; nous sommes parvenus à réinscrire des crédits pour imaginer sa transformation. Nous avons obtenu 10 millions d’euros supplémentaires pour les copropriétés privées qui subissent une forte fragilisation. Par la requalification commerciale, l’ouverture d’une coulée verte au bord de la Mosson, la transformation du stade de La Paillade en lieu ouvert aux sports émergents ou encore l’implantation d’un lieu innovant sur l’ancien site de l’URSSAF, nous enclenchons une nouvelle dynamique. »
Quelles sont les Zac prioritaires ?
Michaël Delafosse : « Il n’y a pas de ZAC prioritaires, mais certaines sont emblématiques de notre volonté de réinvestissement urbain. L’EAI offre un formidable développement urbain alliant logements, nature, activités culturelles. Ce quartier créatif est un pôle de rayonnement des industries créatives, filière particulièrement dynamique dans notre métropole, et offre des perspectives d’essaimage. Avec un parc Montcalm de 23 hectares sanctuarisé à proximité et des espaces publics généreux et végétalisés, les futurs habitants bénéficieront d’une ambiance urbaine apaisée. Je parlerai également de la Restanque, où l’objectif est d’introduire une mixité urbaine dans une ancienne zone industrielle à fort potentiel, en tirant partie de la proximité du tramway et en apaisant les circulations. Ou encore de la Pompignane, avec un fort volet de mixité sociale. »
Quel est votre message aux promoteurs de la place de Montpellier ?
Michaël Delafosse : « Montpellier est une ville magnifique. C’est un écrin historique que chacun doit valoriser. Je le dis souvent aux architectes : mettez de la beauté dans la ville, de l’audace architecturale, pour retrouver l’esprit pionnier que Montpellier a toujours eu en matière d’architecture. Avec la relance des Folies, je m’y emploierai dans les mois à venir.
Nous avons un message général : l’attractivité exceptionnelle de notre ville ne doit pas être le prétexte à des attitudes de prédation, de spéculation, de dénaturation de la physionomie de la ville. Montpellier n’est pas un Far West. Les acteurs de la promotion immobilière sont des partenaires essentiels de la production de logements pour répondre aux besoins de la population, mais ils doivent respecter nos orientations politiques et les aspirations des Montpelliérains qui nous ont accordé leur confiance. Pour l’anticipation de l’efficacité de nos nouveaux paradigmes qui seront inscrits au PLUi, nous travaillons avec les promoteurs pour leur application immédiate. »
Le foncier économique pour accueillir les entreprises est vital ; quelle est votre vision sur le foncier économique, pour accueillir les entreprises performantes par exemple ?
Michaël Delafosse : « En effet, l’accueil et l’accompagnement des entreprises en croissance sur le territoire est un enjeu majeur pour la vitalité du territoire et la création d’emplois. Nous connaissons une situation de tension. La demande d’implantation reste importante, signe d’une attractivité forte de la Métropole, et nous sommes par conséquent déterminés à produire rapidement une nouvelle offre. Nous nous efforçons d’être au plus près des entreprises pour mieux appréhender leurs besoins, les anticiper et les programmer. La Métropole dispose d’environ 30 000 m2 de surfaces à la location comprenant des pépinières, des hôtels d’entreprises et des ateliers. Elle intègre également, dans le cadre de ses opérations d’aménagement, une offre immobilière et foncière dédiée à l’accueil d’activités tertiaires, artisanales, industrielles et logistiques. Parmi les projets phares, le quartier Cambacérès est une localisation stratégique pour de nombreuses entreprises. Pour répondre aux demandes artisanales et industrielles, de nouveaux terrains d’activités seront très prochainement disponibles sur les communes de Cournonterral et Villeneuve-lès-Maguelone. »
Où en est le projet Med Vallée ?
Michaël Delafosse : « Le projet avance bien. Les premières préemptions vont débuter, notamment avec une parcelle à proximité de l’Institut du cancer de Montpellier qui permettra l’implantation d’activités liées à la santé. Philippe DOMY, ancien directeur général du CHU de Montpellier, occupe un rôle de préfigurateur et s’attache à fédérer autour de lui des entrepreneurs, des acteurs académiques et scientifiques, des investisseurs et les énergies des habitants. Nous travaillons notamment à la mise en place de la gouvernance, qui associera les grands groupes, universités, laboratoires de recherche, des PME et des start-up, et également des commissions projets qui seront pilotées par un mix d’acteurs du territoire et d’équipes métropolitaines. Nous pouvons compter sur un écosystème assez exceptionnel, enthousiaste à l’idée de s’inscrire dans cette démarche novatrice.
Montpellier a vocation à devenir un pôle de classe européenne en matière de santé, d’alimentation, et de bien-être ; c’est tout le sens de Med Vallée. »
Une belle vision de cette métropole à venir ! La concentration urbaine va oxygéner nos campagnes proches. Bien sûr la concentration urbaine va voir la multiplication des véhicules en collision avec une piétonisation essentielle et des objets roulants sans piste et sans règles. Bien sûr la concentration urbaine va accélérer les tensions relationnelles et sociales et l’insécurité qui va avec. Mais il y aura des espaces apaisés par un brin de verdure concédé par des promoteurs intentionnés.
Merci Monsieur le président/maire pour cette cité idéale, celle de vos six ans, on gardera de vous les ruines. Je me souviens d’ailleurs qu’en 2017 on détruisait l’une des dernières tours de Massane.