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Inondations en Espagne : "J'ai eu beaucoup de chance"

Au moins 62 personnes ont péri dans des inondations dramatiques qui ont dévasté mardi 29 octobre soir le sud-est de l'Espagne, semant le chaos dans de nombreux villages coupés du reste du pays, auxquels les secours s'efforcent mercredi d'accéder. Jonathan, un Jacoumard expatrié à Valence, témoigne.

“A l’heure actuelle, et de manière provisoire, le nombre de victimes mortelles atteint 62 personnes”, a annoncé mercredi midi l’organisme officiel qui coordonne les opérations de secours. Mais “le processus de recensement et d’identification des victimes se poursuit”, a-t-il précisé.

Ce bilan est sans doute appelé à évoluer et les autorités ont ouvert une ligne téléphonique réservée aux personnes à la recherche de parents portés disparus. C’est le cas, par exemple, de Jessica Sandoval, qui a expliqué à la télévision nationale TVE qu’elle est sans nouvelle de son frère à Valence.

“Je suis parti plus tôt de mon travail”

Fort heureusement pour Jonathan Duval, un Jacoumard (habitant de Jacou) expatrié à Valence depuis 2007, sa femme et ses deux enfants, les inondations n’ont pas touché le nord de la ville, où ils résident. “Je suis parti plus tôt de mon travail dans la zone touchée par les inondations, dans le sud de la ville, hier soir, explique-t-il. J’ai réussi à m’en sortir et à rentrer à temps car ça devenait vraiment catastrophique.”

Ces enfants, scolarisés dans un lycée français et donc en vacances en ce moment, étaient à l’abri quand la pluie s’est mise à tomber. “Certaines personnes sont restées dormir dans mon entreprise ou dans leurs voitures qu’ils ont dû rapidement évacuer. Le père d’un ami âgé de 80 ans, a été sauvé in extremis des eaux alors qu’il allait être emporté”, explique Jonathan. “Beaucoup de gens autour de nous, nos proches, ont perdus leurs voitures, toutes leurs affaires, leurs maisons ont été inondées… C’est une vraie catastrophe, j’ai eu beaucoup de chance.”

Des “ponts brisés par la violence des eaux”

Dans une brève allocution télévisée, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a apporté son soutien aux familles des victimes et aux sinistrés. “Nous ne vous laisserons pas seuls”, a-t-il promis, en demandant aux habitants de rester vigilants. “Nous ne pouvons pas considérer que cet épisode dévastateur est terminé”, a souligné M. Sánchez. Il y a “des communes inondées, des routes et des voies coupées, des ponts brisés par la violence des eaux”, a-t-il rappelé, de nombreuses localités restant inaccessibles.

Des rues de Valence, dont le quartier Cattaroja à droite, où les voitures balayées par les inondations s'entassent © DR.
Des rues de Valence, dont le quartier Cattaroja à droite, où les voitures balayées par les inondations s’entassent © DR.

“La situation est terrible”, a assuré à des journalistes la ministre de la Défense Margarita Robles, en précisant qu’un millier de militaires, soutenus par des hélicoptères, se trouvaient sur la zone pour prêter main forte aux services de secours.

Parmi les communes les plus touchées figurent L’Alcudia, dans la région de Valence, et Letur, dans la province voisine d’Albacete (région de Castille-La Manche), où six personnes sont portées disparues, la crue soudaine ayant envahi les rues et emporté des voitures.

“Je n’avais jamais vu ça”

“La situation est dantesque […] Je n’avais jamais vu cela”, a déclaré à la TVE Consuelo Tarazona, la maire d’Horno de Alcedo, commune de la banlieue de Valence. La montée des eaux a été “monstrueuse”, a-t-elle dit. “Nous avons été inondés tout d’un coup, sans pouvoir prévenir les voisins.”

L'autoroute V31, à droite, se trouve dans la zone touchée de plein fouet © DR.
L’autoroute V31, à droite, se trouve dans la zone touchée de plein fouet © DR.

Les autorités ont demandé aux habitants de ne pas se déplacer par la route, tandis que le gouvernement central a mis en place une cellule de crise. “Ma boîte est fermée pour le moment et nous ne savons pas quand est-ce qu’elle pourra rouvrir, cela va dépendre de l’état des routes”, indique Jonathan.

Routes fermées, aéroport à l’arrêt…

La mairie de Valence, où travaille la femme de Jonathan Duval, a annoncé que toutes les écoles resteraient fermées mercredi et que tous les événements sportifs étaient annulés. Plusieurs vols devant décoller de l’aéroport de Valence (est) ou y atterrir ont été détournés ou annulés, selon l’opérateur aéroportuaire espagnol Aena.

L’opérateur national d’infrastructures ferroviaires Adif a, pour sa part, suspendu pour l’ensemble de la journée de mercredi les trains entre Madrid et Valence en raison des effets de la tempête sur les principaux points du réseau ferroviaire.

L’agence météorologique nationale Aemet avait placé mardi soir en alerte rouge la région de Valence et déclaré le deuxième niveau d’alerte le plus élevé dans certaines parties de l’Andalousie, prévenant que les pluies allaient se poursuivre au moins jusqu’à jeudi.

Le phénomène de la “goutte froide”

La région de Valence et la côte méditerranéenne espagnole en général subissent régulièrement, en automne, le phénomène dit de la “gota fria” (la “goutte froide”), une dépression isolée en haute altitude qui provoque des pluies soudaines et extrêmement violentes, parfois pendant plusieurs jours. “Cela arrive chaque année, c’est un peu l’équivalent des épisodes cévenols pour la région“, poursuit Jonathan Duval. Mais c’est la première fois que c’est aussi violent et concentré dans une même zone.”

Les scientifiques avertissent depuis plusieurs années que les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les vagues de chaleur et les tempêtes sont à la fois de plus en plus fréquents, de plus en plus longs et de plus en plus intenses en raison du changement climatique.

“Ces inondations soudaines en Espagne sont un nouveau rappel terrible du changement climatique et de son caractère chaotique”, souligne dans une note Jess Neumann, professeur d’hydrologie à l’université de Reading au Royaume-Uni. Ces catastrophes peuvent désormais toucher “n’importe qui, n’importe où” : “Nous devons sérieusement réfléchir à la façon de mieux concevoir nos paysages, nos villes et nos cités”, a-t-il prévenu.

Cyril Durand avec AFP

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