Journée mondiale de lutte contre le cancer : “30 à 35 % des cancers sont évitables”
Dimanche 4 février se tient la journée mondiale de lutte contre le cancer. Alors que certains se guérissent de mieux en mieux, que les techniques médicales progressent, le nombre de médecins, lui, diminue. Des délais de prise en charge qui s’allongent, alors que l’attente fait mal et que la psychologie joue un rôle essentiel dans la guérison.
6 semaines de prise en charge
Le cancer ne fait pas exception à l’allongement des délais de prise en charge médicale. La Ligue Contre le Cancer préconise “un délai qui ne devrait pas excéder 6 semaines” pour le cancer du sein, contre 11,5 en réalité. D’après Jean-Bernard Dubois, radiothérapeute et président du comité de l’Hérault de la Ligue Contre le Cancer, ce chiffre traduit un objectif plus global : “Il faut que le 1er contact avec le patient se fasse au plus tôt, afin de pouvoir organiser la prise en charge, l’orientation pratique et psychologique du patient, qu’il sache où il va. Ensuite, il faut lui expliquer dans quel parcours de soins il s’engage. Il n’y a rien de pire que de ne pas savoir, d’avoir un premier diagnostic de cancer puis d’attendre longtemps la suite des informations”.
Les délais s’allongent, l’espérance de vie aussi
En France, le cancer touche plus de 430 000 personnes chaque année. Une évolution qui s’explique par le rallongement de l’espérance de vie. “On assiste à une augmentation du nombre de cas avec le vieillissement de la population, car avec l’âge, le risque augmente. Autrefois, on était un vieillard à 65 ans, maintenant, on ne parle pas de personne âgée avant 80 ans ou presque”, explique Jean-Bernad Dubois.
L’obésité, un facteur aggravant
Les facteurs d’incidence, en revanche, restent quasi-identiques. “Les plus gros pourvoyeurs de cancer sont le tabac et l’alcool. Le tabac représente 80 000 décès par an, liés à des cancers ou au développement de maladies cardio-vasculaires. L’alcool, c’est 40 000 décès environ, indique le radiologue. Ensuite, il y a des facteurs environnementaux non- négligeables, comme l’obésité. Cela a un impact très défavorable et amène des formes plus sévères. Cela joue aussi dans la manifestation de la maladie. Ainsi, un cancer de stade 1 peut présenter plus de risque chez une personne obèse qu’un cancer de stade 2 ou 3 chez une personne non-obèse, car la maladie se développera moins vite”.
“30 à 35 % des cancers sont évitables”
Qu’en est-il des cancers dits “héréditaires” ? Sont-ils différents des cancers liés au style de vie ? A cela, Jean-Bernard Dubois apporte quelques éléments. “Avant, on faisait une distinction entre les cancers dus à l’environnement de vie et ceux associés à l’hérédité. Aujourd’hui, avec la progression des connaissances sur le génome humain, on parle plutôt de ‘gène de vulnérabilité supplémentaire’. C’est-à-dire qu’entre deux femmes fumeuses du même âge, si l’une a un historique de cancers du sein dans sa famille, elle aura un risque de vulnérabilité supplémentaire liée à la génétique familiale. Parallèlement, dans la même famille, selon le style de vie, tout le monde ne développera pas ces cancers héréditaires. Sur la totalité, on estime en tout cas que 30 à 35 % des cancers sont évitables”.
“C’est simple, il manque de tous les spécialistes”
Quelles que soient les origines de la maladie, le constat reste le même : les médecins ne sont pas assez nombreux dans la prise en charge. “C’est simple, il manque de tous les spécialistes, déplore le médecin. C’est notamment lié au numerus clausus, qui était déjà source de questionnements il y a 30 ans. Le gouvernement souhaite faciliter l’exercice de médecins étrangers, mais il faudrait déjà regarder du côté de nos universités. Il y a une fuite des cerveaux importante de nos étudiants et ensuite on veut recruter des médecins qui n’ont pas reçu la même formation ? Je pense qu’il faudrait un juste milieu, trouver le moyen de ne pas tomber dans une politique de la pénurie et d’y répondre de manière systémique”.
Un paradoxe, car à mesure que le nombre de médecins diminue – non remplacés lors des départs en retraite – les connaissances et techniques médicales se perfectionnent, “en particulier concernant la médecine personnalisée, notamment du point de vue biologique, car chaque cancer est différent. Sur la thérapie également, la personnalisation permet d’ adapter le traitement à la psychologie de chacun”, précise Jean-Bernard Dubois
La psychologie fait de l’effet à la maladie
L’aspect psychologique joue un rôle important dans la maladie, à deux niveaux : “tout d’abord sur l’activation de la réponse immunitaire. En cas de stress prolongé, la sécrétion de cortisol, l’hormone de régulation du stress, empêche le corps de bien réagir face à la maladie”, indique le spécialiste.
Deuxième aspect : “sur la tolérance au traitement. Car certains patients supportent moins bien que d’autres les effets secondaires liés, comme la perte de cheveux par exemple. Cela peut créer ce qu’on appelle une mauvaise ‘compliance thérapeutique’ donc le fait, face à ces difficultés, d’avoir un suivi dégradé du traitement, qui sera ainsi moins efficace. Voilà pourquoi la prise en charge médicamenteuse doit s’accompagner d’un accompagnement suivi et régulier sur le plan psychologique”, conclut Jean-Bernard Dubois.
Essayer de prévenir
Aujourd’hui, le dépistage progresse, s’organise, se généralise. Pour le cancer du sein notamment, les mammographies de contrôle entre 50 et 75 ans sont prises en charge à 100 % par l’Assurance maladie. “Pour les femmes qui ont des prédispositions génétiques familiales, l’idée est d’avancer ce dépistage dès 40 ans”, précise le président du Comité de l’Hérault de la Ligue Contre le Cancer.